Ma biographie imaginaire

Enfant, je rêvais de faire de la bioéthique, après que j'eusse surpris mes grands-parents faire l'amour. Mais, pris de TOC post-traumatiques, je préférai abandonner.

C'est ma maîtresse, ma grand-mère – oui, elle était également mon institutrice –, qui en CE2 m'orienta vers la coiffure. Elle ne cessait de me répéter que j'étais LE spécialiste pour couper les cheveux en quatre. En apprentissage chez un barbier, je ne tardai pas à être mis à la porte. Je rasais les clients en contant comment ma mamie fut tondue en août 44.

Pris d'une sévère dépression, je migrai au fond de la classe. J'eus tout le loisir pour m'imaginer un brillant avenir. L'hiver, quand le radiateur tomba en panne, je me vis en plombier. La tuyauterie me ramena inéluctablement vers la vision dantesque de mon aïeule jouant avec la clé à pipe de son époux.

Gavé de Tranxène par mon psychiatre, j'atteignis le fond. Je pensai sérieusement intégrer l'équipe du commandant Cousteau, jusqu'au jour où je fis la connaissance de Jojo le mérou à la télévision. Mes cauchemars reprirent de plus belle, le poisson me rappelant les abysses de ma mémé.

À 16 ans je quittai l'école, évitant que les escarres ne vinssent à bout de mon séant. À défaut de me forger des lendemains qui chantent, je fus embauché par un maréchal-ferrant percheron. Malgré les cadences infernales imposées par le bourrin, je gardai le moral. Je me découvris des talents de boute-en-train qui ravirent les tables où j'étais invité.

C'est là, tout naturellement, sur une botte de foin, que je perdis mon pucelage en montant La Capitale, une Parisienne qui œuvrait dans sa jeunesse au Crazy Horse comme entraîneuse. Elle y avait été l'amante d'Omar Sharif dont les juments étaient son dada. Elle proposa de m'introduire dans le milieu de la nuit. J'avais faim et je ne pus échapper à un petit coup de piston.

Elle me mit en selle. Après avoir refusé d'embrasser une carrière d'assistant chez un proctologue, situation qui à mes yeux manquait de profondeur et craignant de m'y emmerder, j'optai pour un poste de trieur de courrier. Non pas par vocation mais pas imbroglio, pensant avoir postulé comme cartomancien. Qu'importe, j'appris à lire l'humanité par l'arrondi ou le style haché d'une écriture, trahissant des humeurs amoureuses ou nerveuses.

Après cinq années j'en connus assez pour devenir psychanalyste. Je couchai sur mon divan peu de patients. Je le trouvais si confortable que j'y restai affalé des journées entières. J'en profitai pour revoir les 281 épisodes de Derrick et les 210 de Dynastie.

C'est une rencontre avec Jean-Paul Pernod qui fut un tournant décisif de ma vie. Le journaliste régionaliste me présenta par écran interposé l'activité oubliée de gardien de far. Je pris le premier train en direction de Paimpol pour apprendre le métier auprès d'un des derniers gourous du clafoutis breton.

Je n'ai pas à rougir d'avoir enfin trouvé ma voie.