Ma mère, cette femme.

Ma mère, c'est une sacrée femme ! Un caractère fort dans un cœur de velours. La conviction de ses idéaux et le plus beau des sourires pour les défendre. Un humour incroyable. Une patience d'ange. Un cœur d'or.

Ma mère, elle a sacrément souffert. Elle n'a "jamais été à la hauteur" des espoirs de ses parents. Elle n'a "jamais été à la hauteur" pour gérer l'alcoolisme de mon père. Elle n'a "jamais été à la hauteur" pour être mère célibataire. Elle n'a jamais été.

Mais elle s'est toujours battue. Et contrairement à tout ce qu'on a pu lui dire toute sa vie, elle a toujours été à la hauteur, même au delà. Jamais la rancœur n'a submergé son âme. Jamais la rancune n'a enfoncé son cœur. Jamais elle n'a cessé d'être solaire. Jamais.

Mon beau-père, puis peu après ma petite sœur, ont su redonner tout l'éclat à son cœur d'or. Elle irradiait de gentillesse, d'humour et de cette force presque timide mais qui, à n'en point douter, aurait déplacé des montagnes. Un cœur d'or, donc.

L'or, c'est précieux. L'or, c'est lourd. L'or, ça se patine avec le temps.

Ma mère a usé son cœur pour ceux qu'elle portait en lui. Elle a géré les fatigues, les colères, les injustices, les soucis bancaires, les repas de famille, les crises d'adolescence, les imprévus, les décès. Elle a géré.

Mais son cœur était aussi lourd dans sa poitrine qu'il ne paraissait facile à ouvrir tant elle distribuait d'amour autour d'elle.

Aujourd'hui Maman est morte.

En réalité, c'était il y a vingt-trois jours. Mais ma mère aimait bien Camus, alors pour le clin d'œil… Le 21 Février 2018 à 23h50, son cœur en pleine forme de cinquante-trois ans s'est soudainement arrêté de battre.

J'ai trente et un an et je n'ai plus de maman.

Huit jours. Il aura fallu huit jours pour l'incinérer. Mauvais timming, les crématoriums étaient déjà surbookés. Pendant huit jours je suis allée la voir. J'ai posé ma tête sur son ventre et je lui caressais les cheveux. A chaque larme je régressais d'un an, et plus les minutes passaient, plus je pleurais comme une enfant, suppliant ma mère de revenir, de ne pas nous laisser. Comment je vais faire sans elle pour me montrer comment devenir quelqu'un de bien ?

Ce texte n'est pas travaillé. Je n'ai pas réussi à écrire avant. Et même maintenant que j'écris, ce n'est que d'une traite, comme lorsqu'on récite sa première poésie à toute vitesse sur l'estrade de la classe. J'aimerai tant trouver les mots pour vous faire comprendre à quel point ma mère était quelqu'un de bien. A quel point elle a apporté autour d'elle, bien au-delà de sa famille. Mais les mots ne viennent pas.

Pourquoi j'écris ça ici ? Parce que, même si c'est abstrait, même si c'est incomplet, même si ce n'est qu'une infime bribe de ce que j'ai eu la chance de vivre en étant sa fille, au moins j'aurai essayé de parler un peu de ma mère. De cette femme qui m'a offert la vie, une famille, un avenir et un soutien indéfectible. Parce que je crois que de mémoire de femme, c'est la seule et unique personne à n'avoir jamais perdu confiance en ce que je pouvais devenir. Parce que c'est grâce à elle que j'essaie de vouer ma vie à devenir meilleure chaque jour. Parce que je ne sais pas comment continuer à m'améliorer sans elle dans ma vie pour guider mes pas et m'apprendre à assumer mes faux pas. Je suis fière d'avoir été sa fille. Je suis fière d'avoir eu une telle mère. Et je suis en colère de n'avoir eu que trente et un an pour le lui dire.