Marguerite

selig-teloif

Il était un peintre génial. De l’avis même d’amateurs éclairés.

On disait de lui qu’il peignait l’âme des fleurs ou les tripes des rochers.  Il ne peignait que des natures mortes.
Il vivait dans ce petit village où chaque rue est un émerveillement pour les yeux d’artistes. De la couleur des tuiles aux  jardinières multicolores, tout est prétexte aux illusions acryliques.

Toutes les femmes du village auraient aimé qu’il les peigne. De la boulangère à la femme du premier notable. Mais il refusait toutes les avances, prétextant qu’il n’aimait croquer que la brique et le lilas, que de la peau humaine, on n’extrayait aucune lumière.
Alors quand un matin, il demanda à la postière, enceinte de huit mois, de poser pour lui, ce fut une révolution !
Elle accepta et son mari aussi, évaluant la gloire que pouvait apporter cet honneur.

Au premier jour, il lui demanda de s’allonger nue sur le dos, sur un couvre-lit brodé, jambes relevées et écartées. Il la peignerait genoux au premier plan et visage en fond de perspective.
Une fois les appréhensions passées et les inquiétudes du mari transformées en approche artistique, l’œuvre commença.

Personne ne vit la toile avant qu’elle ne soit exposée dans le hall de la mairie lors d’une cérémonie exceptionnelle. Pas même la postière.
Puis vint le jour où l’on découvrit son œuvre.

Un « Oh ! » résonna.

Le ventre arrondit et la fraîcheur de la peau était magnifiquement représentée. On distinguait à peine le visage.
Entre des jambes plus vraies que nature, on découvrait les lèvres et la pilosité du sexe de la postière.

Du vagin sortait une marguerite.

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