Marraine

Moody

C’était le printemps de ma dix-neuvième année. Le matin venait à peine de percer et déjà les terres froides, humides accueillaient ses lumières dans des panaches embrumés. Les wagons imbriqués défloraient l’atmosphère, qui au détour d’un regard, dévoilait pudiquement vallons, ruelles et sentiers. Ce renouveau du jour hantait mon esprit, et comme une intuition, déjà, me mettait au défi. J’étais en partance vers les saveurs du sud de la France. Là-bas, m’attendait une personne, qui à ma naissance, avait été élu marraine. Une inconnue pour moi.

Mes premiers cris eurent lieu sans elle, occupés que les siens étaient à résonner dans une chambre sicilienne. Elle m’avait quitté sans que je le sache, sans que je la vois, pour s’ébattre avec un bellâtre de méditerranée. Aucune photo, aucun visage à mettre sous le doux présage de son prénom : Manon. Ma mère la tenait en affection, étant la fille de sa plus belle amitié. Elle avait 19 ans quand elle s’est enfuie, aujourd’hui c’est le destin qui me conduit. Séparée, expatriée, comme pour rattraper un temps qui compte chaque jour davantage, elle m’invita la découvrir pour l’été.

Deux inconnus liés par un passé à réparer, voilà ce que nous étions à nous chercher sur le quai. J’étais un jeune au corps d’homme, au visage d’enfant et je vis rapidement qu’elle était cette brune au regard noisetté, à l’écorce matifiée. Nos regards se croisaient, tantôt gêné par le doute de l’identité, tantôt rassuré de l’être qui s’avançait. Nos prénoms vérifiés, mes premiers baisers sur ses joues finement feutré de rose s’ajoutaient à l’ivresse de sa présence parfumée. Elle était douce, sa voix était sucrée, voulant porter mon sac, elle m’effleurait. Très vite, nos discussions exemptaient la banalité, cette femme était pour moi une fontaine aux flots spirituels. Je buvais les paroles, à la source de sa bouche, que même un rêve aurait eu peine à dessiner.

Dans l’ombre de l’arbousier, sous le son des criquets, le cafetier donnait un goût de menthe-citronnée à ses paroles accentuées. Nos regards ne connaissait aucun temps, aucune modalité, tout était d’un accord constant. Les silences fugaces me proposaient d’admirer ses cheveux noirs ondulants sur sa robe de printemps. Dans l’ivresse, son teint uniforme, nacré, laissait jaillir des rires éclatants. La fusion était totale, j’étais ce jeune homme, et elle, une femme fatale. Sous la table en équilibre sur le pavé, je pouvais sentir la chaleur de sa jambe fine me frôler. Innocente, aux pleins charmes, sa moue de petite fille contrastait avec son regard emplit de vécu, qui sur le chemin de sa maison des Alpilles, exprimait tant d’amours déchus.

Puis, le temps d’un soupir, le jour se fanait. Manon portait une robe blanche et au bénéfice de la journée, son teint hâlait. Ses seins ronds, enserrés, donnait le vertige au vêtement ficelé à sa nuque. Sur un muret, là, nous étions assis, côte à côte, face aux étoiles, nos bras frisants. On parlait de nos vies, regardait l’horizon, s’étonnait de nos sillons, envoûtés par le son de la garrigue en ébullition.

L’interdit c’était ces non-dits qui cachaient ce que l’on convoitait. L’autorisé, c’était ma main, qui dans une courbe sur son dos, s’élançait. Délivrée d’une parenté forcée, en un mouvement elle fit dos aux étoiles, face à mon visage. Mes mains, depuis ses cuisses faisaient glisser le tissu de sa robe jusqu’au galbe de ses hanches. Ses lèvres s’avançaient, hésitaient à proximité, puis m’embrassaient. Le goût de l’interdit emplit nos bouches, ses mains m’agitaient en un lieu proscrit. De quelques grands gestes l’on se delestaient, nos corps nus horizontaux, étaient là, en aparté. Chacun pour l’autre avait un désir identifié et bientôt, sa peau, enfin, m’accueillait. Ma reine des pêchés.

  • Le capillotracté m'a fait beaucoup rire ! J'aime ce mot.

    Pour le manque de brutalité, je comprends ton point de vue, mais je suis prisonnier pour le coup d'une vision subjective et conductrice de l'histoire.

    En tout cas merci du retour et j'espère goûter à tes textes prochainement



    · Il y a presque 12 ans ·
    Late 500

    Moody

  • Des tournures inventives, j'aime beaucoup par exemple "Ses seins ronds, enserrés, donnait le vertige au vêtement ficelé à sa nuque.", la musique de l'érotisme résonne et emmène, j'ai passé un moment agréable à lire ta prose. Mais, et oui il y a un mais, je pense que tu gagnerais à moins chercher la figure pour la figure, à supporter de laisser tes créations plus brutes, plutôt qu'à les farcir d'élégances lettrées convenues, souvent assez capillotractée selon moi.

    · Il y a presque 12 ans ·
    Default user

    esteban-k

  • très beau style pour cet "été 42"

    · Il y a environ 12 ans ·
    Tyt

    reverrance

  • Merci !

    Oui Alice dans ce genre d'ambiance, un mot mal placé peut tout casser ^^

    · Il y a environ 12 ans ·
    Late 500

    Moody

  • J'aime beaucoup aussi, ta façon d'écrire, ton choix des mots, c'est poétique et intelligent en même temps, bravo!

    · Il y a environ 12 ans ·
    Img 3458

    Alice Neixen

  • Je ne sais pas de quoi...mais de rien ^^

    · Il y a environ 12 ans ·
    Late 500

    Moody

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