Merde à la vie

Sentiment d'abandon. Un manque, comme un creux qui se loge au fond de ma poitrine, j'ai la respiration saccadée à cause de mes larmes. Le ciel est bleu, dénué de nuages de coton, mais la pluie coule de mes iris et s'écrase violemment sur la page vierge. Mes pieds frappent le sol, montent les marches de l'escalier en bois verni, entrent en trombe dans ma chambre, salissant le plancher de traces noirâtres causées par mes chaussures, et montent sur les draps de mon lit, tout propres, qui sentent la fleur d'oranger. La fenêtre lâche un grincement, comme un chat qu'on égorge, tandis que je l'ouvre en grand, inspirant l'air frais qui empli mes poumons. Ce petit carré me laisse voir le monde, seul échappatoire que je trouve.

Les murs de ma maison s'élèvent, m'emprisonnant. Des fois, je suffoque. Je suis libre, au dehors, dans le coin de verdure aussi appelé jardin, exposée aux rayons cuisants du soleil, mais j'étouffe. Malgré la brise qui tourne les pages de mon bouquin. Petite prison aux couleurs de printemps, voilà ce qu'est ma maison. De ma chambre, je vois un monde nouveau, loin des voitures, des bruits, de l'hypocrisie et de l'égoïsme humain. Loin de tout ça. Le soleil couchant, celui d'un soir d'été si doux, baigne les toits de tuiles rouges.

Les deux cerisiers, encore blancs, tendent leurs branches vers le ciel d'une jolie couleur turquoise, comme si elles voulaient s'échapper, pour suivre les pies égarées. Je voudrais moi aussi, pouvoir m'envoler, pour une soirée seulement, juste une.

J'ai envie de crier "Merde". Merde a l'été au printemps, aux ordres, aux règles, aux fleurs, à l'amour, au soleil, à la lune. Je cale ma tête dans mes bras, et m'endors en souriant. Oui, merde.