Otage de rousseur (part 3 fin)

flolacanau

Les jours suivant empruntèrent le même rythme. Nous nous côtoyions amicalement du matin au crépuscule, entre visites du coin et tâches banales. Quelques effleurements, sans plus. Paula ne savait pas se mettre en valeur. Des jeans informes, des gros pulls sans style. Je plaquais l'image de sa nudité sur ses frusques et je peinais à croire que sous la laine dansaient deux seins magnifiques, que des fesses fines et rebondies pouvaient à ce point disparaître dans la coupe trop large d'un pantalon. L'élan sexuel de Paula venait avec l'obscurité. Il était soudain et pouvait interrompre une discussion ou un repas. Je me retrouvais, un verre de rouge en suspension tandis qu'elle baissait mon boxer et me suçait. C'était incongru, mais très excitant de sentir son désir jaillir comme ça du quotidien. Elle me trouvait si doux. J'avais l'impression d'être un dessert onctueux. Des larmes coulaient quand je la pénétrais avec une lenteur infinie dans sa baignoire. Son sexe se resserrait sur le mien, s'y cramponnait en vibrant et j'en ressentais les secousses avec un certain délice. Néanmoins, l'image de Clothilde me revenait. Il m'était, à l'époque, impossible de la sortir de mon esprit. Un sentiment d'imposture s'insinuait dans nos rapports. Pour m'y soustraire, je redoublais d'attentions, j'inondais son corps de caresses et de coups de langue. Je cartographiais ses zones érogènes avec application, mais rien n'y fit. L'étincelle n'était pas là. Je n'explosais pas dans le cosmos comme avec Chlotilde. C'était un plaisir moins dangereux, plus contrôlable, moins précieux peut-être. Lorsqu'elle s'endormait, j'y pensais et m'en voulais. Ce sentiment m'empoisonna jusqu'au jour de mon départ à l'aéroport où Paula m'avoua avoir menti sur son âge en gommant six années pour avoir plus de chances de rencontres. Le ressort s'est brisé. Six années, ce n'était rien, mais la dissimulation a agi comme un révélateur. Là aussi, j'ai voulu combattre cette fracture ridicule, mais plus j'essayais, plus une voix me disait « c'est anodin, mais ça te froisse. »

Elle vint me rejoindre un peu plus tard et passa un mois au bord du lac où je résidais. Plus les jours avançaient et moins j'avais envie de contact en rentrant du boulot. Elle s'employait, débordait d'affection, croyait en notre histoire pour deux, mais que pouvait-elle faire face au déclin ? Je ne voulais pas lui mentir. Elle évoquait l'avenir, un déménagement en France et, pris de panique, je finis par lui confier que la sauce ne prenait pas. Elle fondit en larmes, me supplia de lui accorder une chance. Je revêtais le costume du plus parfait des salauds et je le portais mal. Elle s'est pelotonnée contre moi. Je sentais toute cette tristesse me percer le ventre et je n'y pouvais rien. Épuisés, nous avons fait l'amour au petit matin, un puzzle bancal où les pièces ne s'assemblaient qu'en forçant, contraintes. Cela se reproduisit plusieurs fois jusqu'à son départ, mais ces étreintes ne rimaient plus à rien et quand elle me fit signe de la fenêtre du wagon, j'ai répondu en étant déjà ailleurs. J'avais repris la prose de ma vie.

  • La fin est douce malgre tout et subtilement décrite ... Je rejoins Maud et Zabzab. C'est un style d'écriture que j'aime vraiment

    · Il y a presque 9 ans ·
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    miss0

    • eh bien merci... cela dit, je la laisse reposer et je la reprendrai plus tard. Il y a une rupture de rythme qui ne me plaît pas sur la fin.

      · Il y a presque 9 ans ·
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      flolacanau

    • Justement, cette rupture cadre avec le manque d'alchimie des personnages, comme si le narrateur voulait au plus vite en finir avec tout ça !

      · Il y a presque 9 ans ·
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      miss0

    • oui c'est ça... mais je la trouve un peu trop brutale... à ruminer :)

      · Il y a presque 9 ans ·
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      flolacanau

  • quand ça ne veut pas, rien n'y fait ni les cartographies du plaisir ni celle de l'intention ... les amours belles celles qui nous propulsent dans le cosmos sont rares et nous font vibrer bien au-delà de ce que l'on voudrait ... pauvres êtres humains dépeints ici avec un beau beau talent ... j'adore ton style Flo mais je te l'ai déjà dit ...

    · Il y a presque 9 ans ·
    Img e0898

    Marie Guzman

    • Merci Marie. Oui, rares, uniques, qui vous laissent sur le carreau, mais à trop focaliser sur une en particulier, on se prive d'autres envolées... Le deuil est fait depuis un bail :)

      · Il y a presque 9 ans ·
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      flolacanau

  • tout cela sens le vécu,,, ;-) une bien belle plume,,bravo !

    · Il y a presque 9 ans ·
    Img

    Patrick Gonzalez

    • pour le coup, y a pas énormément de broderie ;) merci

      · Il y a presque 9 ans ·
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      flolacanau

  • Décidément, c'est Clotilde (quel joli prénom) qui emprisonne encore votre cœur, pas de place pour Paula, rien à faire malgré son acharnement à vous plaire ...mais non, vous n'êtes pas un salaud, vous ne l'avez pas emmené en bateau, et c'est bien ... mais comme cela peut-être difficile, voir impossible, d'avouer que l'amour n'est pas au rendez-vous !
    Très belle écriture flolacanau !

    · Il y a presque 9 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • Clothilde, un prénom que j'ai substitué au vrai... Mon cœur était sous l'emprise de la tyrannie des souvenirs trop frais. Ils ont pris de la patine et comme toujours, avec le temps, sont devenus inoffensifs . Merci :)

      · Il y a presque 9 ans ·
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      flolacanau

    • Le temps adoucit tout ...

      · Il y a presque 9 ans ·
      Louve blanche

      Louve

  • La fin d'une histoire !..... qui n'avait pas vraiment commencé....

    · Il y a presque 9 ans ·
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    Maud Garnier

    • eh oui... pour construire il faut attendre d'avoir bien déblayé le terrain

      · Il y a presque 9 ans ·
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      flolacanau

    • bonne réponse !... :-))

      · Il y a presque 9 ans ·
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      Maud Garnier

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