Post card.

Là-bas j'ai posé mes bagages. Ça n'a pas duré des siècles  mais, que signifie exactement la composition du temps ? Certains jours semblent une fraction d'éclair, d'autres secondes s'écoulent en décennie.

Il y avait du sable fin et des galets brûlants. Sur la plage, je n'avais jamais assez de livres, parce que je les bouffais comme une dernière chance, comme si dans la nuit tout allait cramer. Mais rien de tel bien sûr n'est arrivé, à la place j'ai eu trop froid.

J'pouvais regarder l'océan, et la volonté farouche de l'écume à vouloir sans cesse s'écraser sur les pieds joyeux et innocents des gamins bronzés. Je m'étonnais du ballon qui roule vers l'eau salée plus vite que le vent ne souffle, et du peu de touristes dans ce lieu presque abandonné, dominé par la sauvagerie et la beauté de la nature.

Plusieurs fois j'ai senti qu'une présence invisible saisissait ma main. J'avais peur par moment, et à d'autres non, j'étais simplement sauvée. Mon père pleurait dans mes rêves.

On a voulu jouer à mettre un mot dans la bouteille de blanc qu'on a ensuite jetée à l'eau. On aurait voulu devenir Robinson. A force du sable et du sel, ça brûlait sur ma peau, surtout le visage. J'peux pas dire si j'étais bourrée, mais ivre oui.

Les nuits étaient glaciales, presque Eskimo pour de faux  avec  juste une toile et un duvet entre le ciel et moi.

J'écoutais durant des heures les bruits tout autour. Les oiseaux nocturnes qui chassent beaucoup, et au loin la mer qui fracasse le bord des rochers.

Au petit matin, ma peau était glaciale, surtout la bouche, le nez, les joues et le front. Je faisais presque des ronds de respiration au-dessus de mon visage. J'avais envie de fumer en vrai. On buvait du café brûlant pour se réchauffer.

Les gamins sautaient à pieds joints et riaient aux éclats, dans l'espoir du soleil déjà levé.

Les jours s'écoulaient sans notion du temps, ça ne représentait rien, seulement le soleil, les nuages, le vent. Seul le climat nous guidait, et la luminosité dans le ciel aussi. On marchait tout le temps, et je regardais de quelle manière.

Avec nonchalance. Pas vite. A pas légers.

Comme d'habitude, ça fredonnait dans ma tête, et parfois même à voix haute et alors, des sourires s'illuminaient autour de moi.

Je peux dire que c'est à ça que ressemble le bonheur.

Je m'étais promis d'écrire mais tant de cartes postales se perdent…et c'est triste car elles ressemblent ensuite à de petites orphelines chiffonnées perdues au milieu des factures de la rentrée.

Je n'aime pas.

Et puis en vrai, je n'ai même pas cherché de carte. Il aurait fallu, un timbre, et puis une adresse.

Impossible.