Post traumatismes

Hervé Lénervé

Dans un institut spécialisé dans les traitements de soldats perturbés. Le psychiatre, frappé de retraite, fait visiter l’établissement à son successeur.

- Pardonmonsieur-pourriezvous-me-donner-l'heure ? Et-votre-femme-parlamême-occasion-pourmes-soirées-esseulées.

- Refusez, mon cher, même si vous souhaitez le pire à votre femme.

- Pourquoi parle-t-il si vite ?

- On l'appelle la mitraillette, cinq cents mots à la seconde. Heureusement, ce sont des mots à blanc. La guerre du Golfe. On l'a retrouvé enfoui sous un tas de fusils démilitarisées. Il y était tapi dessous, depuis six mois. Bien sûr, il s'est attaché et depuis il se croit frère d'armes.

- Vous allez le guérir ?

- Moi, non. Mais le temps, peut-être. Tenez voici notre plus vieux patient, derrière la banderole. La guerre de 68. Il a pris un pavé dans la vitrine et depuis il se prend pour un manifestant.

- Enculés de CRS ! CRS-SS ! CRS-SS !

- Ces anciens collègues doivent faire la gueule quand il le visite ?

- Les visites sont formellement interdites, cela pourrait perturber nos patients.

- Evidemment, il ne manquerait plus que ça. Et lui, là, le petit, il parait bien calme ?

- C'est qu'il ne nous a pas vus. C'est un simulateur, il regrette de n'avoir jamais participé à aucun combat. On l'appelle Judas.

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