Raymond le Tordu

vividecateri

Atelier : Il était 23h30 quand cela commença...Racontez-nous la suite de l'histoire, en utilisant les personnages du tarot divinatoire, et dans le style et la forme qui vous plaira.

 Il était 23h30 quand cela commença... Mais avant, il faut que je vous présente le personnage principal.

 "Raymond le tordu" terrifiait par ses histoires. Il n'en finissait pas de raconter les exploits des farfadets et les prédictions des sorcières. Les enfants, surtout les petites-filles l'écoutaient transies de peur, appréhendant déjà le moment où ayant éteint la lumière, elles se trouvaient dans l'obscurité de leur chambre en proies aux génies malfaisants, fils du Diable, de la Lune et de la nuit.

 Le nez en trompette de la petite Aline décrivait un arc plus considérable que de coutume, tandis que le petit menton de Louise tremblait et que ses jolies petites lèvres lui entraient dans la bouche.

 C'est qu'il parlait bien, le Raymond. Il était Bateleur sur les marchés et du bagout, il en avait.

 Il racontait avec une expérience que personne ne songeait à contester, que son handicap avait été occasionné par une sorcière qui lui avait fracturé les deux jambes en passant dessus avec son Chariot du Jugement dernier.

 Quand il racontait cette histoire, il prenait des mimiques effrayantes et sa voix imitait le grondement de la tempête dans la nuit. Il ne laissait aucun doute sur la véracité de son récit. Il donnait froid dans le dos.

 Il avait eu l'imprudence de prendre un raccourci, en revenant la nuit d'un bal du village voisin. Il n'aurait pas dû…passer par là. Arrivé au sommet de la colline.

 Elles étaient là!

 Il avait pensé d'abord à des corneilles, mais c'était une sarabande de démons qui tournoyaient dans le ciel! Des mégères aux yeux phosphorescents, des démones aux pieds fourchus à la chevelure hérissées de couleuvres et vipères sifflantes.

 Un Sabbat!!! Une ronde infernale et maléfique.

 Lorsqu'elles se sont rendu compte de sa présence, Les méchantes femmes ont disparu dans les trous des rochers, dans des repaires, au sein de la terre, dans les troncs creux des vieux chênes.

 D'autres traversèrent le ciel en chevauchant des balais.

 C'est la plus malveillante, la puissante Malvina, leur Impératrice qui a renversé Raymond, en fuyant.

 De mal, il avait perdu connaissance. Il ne s'était réveillé qu'au lever du jour en proie à des souffrances qui lui tenaillaient les genoux et les tibias.

Il avait essayé vainement de se remettre sur pieds. Et c'est en rampant sur les sentiers caillouteux, qu'il avait regagné sa demeure: La Maison-Dieu appelée ainsi, parce que naguère, elle avait été un lieu où les anciens, les sages, rendaient La Justice.

 Il en avait eu pour six mois à se remettre. Lorsqu'enfin, il a pu sortir sans cannes, il claudiquait bizarrement. Les galopins du village qui n'avaient pas de mère ni de tante qui s'appelaient Tempérance l'avaient férocement baptisé: "le tordu".

 Depuis Raymond, était devenu bien plus terrifiant que l'Hermite qui vivait dans la vieille tour du Pendu!

 Plus angoissant il était, quand il racontait ses histoires. Son teint devenait aussi blanc que le boulanger Albert Le Mat quand il sortait de son fournil, la tête toute enfarinée.

 Les soirs d'été, Raymond devenait l'Empereur des conteurs.

 Tout le hameau s'installait autour de lui et l'écoutait.

 - Je les ai encore vues hier, racontait-il. Elles hurlaient comme les chiens d'Anatole, quand l'année dernière, ils ont été piqués par les taons. Elles sifflaient comme les rafales de vent dans les meurtrières du château. Elles ululaient comme des chouettes-effraies à l'article de la mort.

 Pensant les chasser, j'avais allumé une torche que j'avais confectionnée en forme de croix, mais elles n'étaient pas épouvantées. J'ai crié le nom de Dieu, de tous les saints, même Le Pape a été appelé à la rescousse. Mais en vain, elles n'ont peur de rien!

 Ce soir là, vers 23h30, pendant qu'il parlait, des pierres lancées sans doute par des êtres diaboliques tombèrent sur les toits du logis! Raymond montra du doigt, les sorcières, qui sur leur balai, virevoltaient autour de l'église.

 Vous imaginez la panique.

 Une d'elles s'arrêta au niveau de l'horloge.

 - C'est Jeanne dit-il: La sorcière Jeanne, appelée aussi La Papesse parce qu'elle a rendu fou l'ancien curé. Vous connaissez tous, l'histoire de L'Amoureux fou qui s'est pendu dans la tour, c'est elle qui lui a donné la corde!

 Elle avait l'air de s'amuser, elle ricanait et faisait tourner l'horloge du clocher de l'église comme La Roue de la Fortune à la télévision.

 Raymond était inquiet car, avec cette harpie, il ne savait jamais ce qui pouvait arriver. Le pire serait la venue de ce terrible, cet affreux personnage, celui dont le Monde a peur de citer le nom, la grande faucheuse! La Mort!

 Il ne faisait pas bon de se trouver là!

 Il n'y avait plus qu'une solution. Il fallait en finir avec ces histoires de sorcières!

 Raymond avait un don: La bonté.

 Ils avaient payé leur tribut en écoutant les contes de sorcières. Les vilaines et les vilains savaient qu'ils ne pouvaient plus rien lui faire.

 Il fit appel à La Force! Son pouvoir!

 - Prenez-vous tous par la main et ne vous lâchez pas avant ce matin! Vous faites tout ce que je dis et tout ira bien!

 Toutes les personnes présentes formèrent un cercle autour du "Tordu" et répétèrent sans cesse, jusqu'au lever du jour: ce Tantra:

 -"Par la force de la solidarité, de la fraternité, de la camaraderie, de l'entraide et du bonheur d'être ensemble dans ce hameau. Fichez le camp, maléfiques, fuyez, car notre force qui est l'amitié, va vous exterminer!

 Vous me croirez ou pas…

 Quand L'étoile polaire a disparu du ciel, quand le Soleil s'est montré à l'horizon.

 Les sorcières sont parties! Les petites filles se sont endormies.

 Et les oiseaux se sont mis à chanter.

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