Séance de dédicaces.

Oh, je ne suis pas mal installé. J'ai une chaise, une table, les exemplaires de mon dernier roman dessus et un stylo de collection Bic quatre couleurs, noir, rouge et… bon, vous connaissez déjà, peut-être. Mais à part ça, je m'emmerde grave ! Personne n'achète, personne ne me parle, je me fais chier, pourquoi suis-je venu ? Je ne suis pas un novice, c'est le huitième roman que j'écris et sur les huit, j'ai eu la chance d'en vendre huit, un de chaque, ce doit être ma mère, comme elle ne sait pas lire, elle peut continuer à croire que je suis un auteur de talent. Ce qui m'embête le plus, c'est que les écrivains voisins, ne désemplissent pas, ils ont dû appâter avant. Autour d'eux, ça plaisante, ça rigole, ça drague même. J'en ai vu un partir avec une belle blonde pour chercher un exemplaire derrière son stand, il n'est revenu qu'une heure après, avec une belle brune. Il a un salon de coiffure derrière ou quoi ?…

-         Bonjour !

-         Pardon ?

-         Je vous disais, bonjour !

-         A qui, à moi ? Vous êtes sûr ?

Une jeune femme, encore une enfant, me fixe de ses yeux candides, il est vrai qu'on fixe le plus souvent avec des yeux, candides ou non, qu'avec des pieds, même si on se les ait lavés préalablement un mois avant pour l'hygiène. Reprenant mes esprits, je dis avec un certain réparti.

-         Bonjour ! C'est pourquoi ?

-         Bé, j'aurais voulu vous acheter un livre ! Voyez-vous ?

-         Vous êtes sûr ?

-         Vous me faites douter, maintenant !

-         Je voulais dire, une personne vous a parlé de moi ?

-         Non ! Personne.

-         Oui, c'est normal ! Ecoutez choisissez celui que vous préférez, ils sont tous pareils.

-         Alors, je vais prendre, tiens au hasard, celui-là, il me parait bien.

-         Là, je vais être honnête avec vous, s'il était vraiment bien, mes livres se vendraient, donc, attendez-vous plutôt, à du pas mal, sans plus, tout au plus.

-         Ça me suffit, je ne cherche pas un chef d'œuvre !

-         Ouf ! Vous me rassurez ! C'est pour offrir, peut-être ?

-         Non, c'est pour lire dans le métro.

-         Oui, heureusement que le métro est là, pour nous les écrivains, car la voiture n'est pas vendeuse. Vous voulez que je vous l'emballe ?

-         Pas la peine, c'est pour lire tout de suite, je peux m'installer à côté de vous ?

-         Faites, je n'attends plus personne.

La jeune femme s'installa et lut. Bon, j'étais aussi seul qu'avant, mais avec de la compagnie, maintenant. De temps en temps je la voyais sourire à une phrase, plus rarement émettre un petit rire de gorge charmant. Je vérifiais qu'un intrus ne se soit pas glissé dans ma pile de bouquins à vendre, non, c'était bien un des miens. Dire que mon éditeur m'avait fourni cinquante exemplaires, non, mais il rêvait celui-là, les éditeurs ne sont pas des gens sérieux.

J'étais dans mes pensées flottantes, quand je m'aperçus que ma jeune lectrice avait disparonez. Normal, elle devait commencer à s'emmerder comme moi, à ce stand qui ne bougeait pas d'un centime d'euros. Puis elle revint s'asseoir comme si de rien n'était pour reprendre sa lecture.

-         Ah, vous revoilà ! Je pensais que vous étiez partie en Syrie, faire le jihad.

-         Non, j'étais partie me repoudrer le nez, de toute façon je ne suis pas musulmane et je ne maquille pas.

-         Moi, pareil, je me suis même fait virer de l'église catholique par confusion confessionnal pour soulager une envie pressante et je préfère rester nature à défaut de naturel.

Voilà ma séance de dédicace était terminée, je n'avais vendu qu'un bouquin que j'avais offert à ma lectrice préférée. La prochaine fois, je resterai couché, c'est pareil en plus reposant.