Ses mots sur la corde à linge #2

Je jetais un regard dehors, par la fenêtre de la cuisine. Celle-ci était baignée dans la lumière du matin. La rosée venait de tomber, laissant quelques gouttes de pluie sur les pétales des fleurs du jardin de mamie. Assise à la table à manger, mon jus d'orange posé sur la nappe en vichy bleu, mon livre ouvert devant moi, je prenais mon petit déjeuner tranquillement. C'était samedi. Premier jour de week end. Et j'adorais me prélasser au soleil en mangeant une tartine à la confiture de fraise et en lisant un bon roman de Guillaume Musso.

Enfin, j'adorais.

Depuis quelques temps, autre chose occupait mes pensées. Mes jours, mes nuits. C'était un garçon en plus. Moi qui préférait la compagnie des livres à celle des hommes, voilà que je parlais avec un mec! Enfin, je ne l'avais jamais lu. Mais son prénom, Eric, sonnait doux à mes oreilles.

Tout avait commencé quand je suis arrivée ici. La campagne, c'était nouveau pour moi. Mais mes parents avaient pris leur clic et leur clac et avaient décidé de faire le tour du monde. Du moins, ils essayaient. J'avais donc emménagé chez la mère de mon père. Mamie. C'est tout simple comme prénom, non? Avec ses cheveux gris retenu en chignon et sa robe à fleurs plutôt ample, elle ressemblait à une mamie gâteau. Ce qu'elle était. Mon père m'envoyait de temps en temps des lettres. La dernière en date remontait à plusieurs mois. Ils étaient alors en Inde.

Revenons à nos moutons. Durant les premières semaines, je m'enfermais dans la cuisine ou le salon pour lire. Lire, j'adorais ça. Je me façonnais un monde. Un monde merveilleux. Bien sur, Mamie me parlait des voisins. Le garçon avait mon âge et adorait lire lui aussi. Il m'intriguait, mais je reportais ma visite à chaque fois.

Et un jour, alors que j'étendais le linge, je vis un petit papier bleu pastel qui se balançait au gré du vent. Je lus.

"Le silence est parfois le plus éloquent des mots"

Je ris. Et lui répondis illiquo.

Deux mois sont passés. Tous les jours, nous nous échangeons des mots. Petit à petit, je suis tombée amoureuse de cette écriture grossière. Je ne l'ai jamais vu. Qu'importe. Je refermai mon livre, et pris mon inséparable stylo et un papier jaune. Pour changer.

"Je viens de finir un livre de Musso. Il est extraordinaire. Tu as déjà lu un de ces livres?

A."

On avait parlé de tout. De sa famille, de la mienne aussi, de nos hobbys...

Je mis mon gilet en laine, ouvris la porte et sortis. Les rayons chauds vinrent frapper ma nuque, et je frissonnais. Malgré ce soleil, l'air était froid. Je m'approchais de la corde à linge, et fixai le message.

-Salut!

Je me retournai. Et le vis. Il était là. Je ne l'avais jamais vu, mais je savais que c'était lui. Ses cheveux blonds caressaient sa nuque et ses yeux bleus me fixaient avec une pointe d'inquiétude. Ses joues se coloraient de rouge. Il était mignon. Encore mieux que dans mes rêves.

Je sentis mon coeur battre la chamade.

-Salut... Eric...

-Amandine. Tu m'as écrit quoi?

Il tira le papier et le lut, un sourire venant orner son visage cramoisi. Il releva la tête. Il était craquant. Je le voyais pour la première fois.

Et ce n'était surement pas la dernière fois.