Sexe

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Sexe

Il faut devenir fou.

La lumière a baissé. Pas la chaleur. Il paraît qu'on baise mieux quand il fait froid. Pourtant la sueur c'est rigolo. Il n'était pas de cet avis. Il s'empêchait de fixer ses traits, convaincu d'en écarter son ressentiment. Elle n’était pas dupe, l'empoigna par les hanches et le frappa de son bassin entre les cuisses, plusieurs fois d'affilée en se marrant. Ce n'était qu'une provocation d'usage. Ne l'avait-il pas maintes fois mérité ?

Les murs de la chambre se recroquevillaient au-dessus d'eux, comme des ongles. Un ventilo n'en finissait plus de décoller depuis trois heures de l'après-midi, sans s'arracher de son socle. Leurs vêtements erraient sur le sol. Et les restes du jour abandonnaient mélancoliquement le verre embué des fenêtres.

Elle fraya ses doigts dans sa bouche, après lui avoir titillé l'anus. Il ne voulut pas se laisse faire, mais y prit un goût forcé tant elle insista. Du coup, il la mordit par réflexe. Un frisson savoureux lui tordit l'échine, se découpant un chemin tout tracé jusqu'à son crâne. Le lit frappait le mur. Le mur battait la mesure, à mesure qu'elle s'abattait sur lui. Sa tête tourna sur le côté et révulsa ses yeux. N'y voyant plus rien, il entendit tout. 

Les placards aux ouvertures détachées se fendaient la poire, entre ses gémissements, claquant sur leurs gonds d'un rire féroce. La lampe, les tiroirs et leur meuble le ridiculisaient à haute voix, l'insultant de leurs ombres torturées, tout en grinçant à qui veut l'entendre leur mépris effrayant. Les draps s'éventaient d'une odeur aussi jaune que leur mauvais état. Même le plafond fêlé de veinures, recouvert de salpêtre, déjà trop bas, descendait vers lui pour mieux l'humilier, se rapprochant patiemment de son visage par petites brasses-coulées. 

Son dos cambré craqua soudain. Elle retomba en arrière, enfonça ses poings dans le matelas, força dessus. Il se redressa en elle sur ses genoux et continua ainsi sa démarche un bon moment, grimaçant, le menton dégagé sur la droite, les paupières recousues par l'effort. Le sang s'accélérait contre ses tempes. Sa nuque se raidit. Un triangle osseux se dessinait au-dessus de sa poitrine, cintrant le bas de son cou à la pointe de ses épaules. Là, son souffle se retint, repliant l'espace le temps d'une étrange vision :

Le sol ne tremblait pas. Aucun silence. Des marteaux, accordés sur des violons en pleurs, leur ouvraient une marche impériale. Des cordes tendues entre des barres de fer grésillaient d'échos plaintifs, arrivant sur eux de très loin, les submergeant. On aurait dit que ces sons s'avançaient dans la pièce, se rassemblant en une seule cacophonie molle, parodie industrielle des mouvements de la mer. Elle les enveloppait de ses refrains métalliques, resserrant inlassablement son étreinte sur la leur. Des relents salés, de l’iode peut-être, une odeur marine se mélangeait aux vapeurs ambiantes, aux relents de leur corps... Concentrée sur les impulsions mécaniques de son bas-ventre, sa partenaire ne remarqua rien. Elle s'acharna de plus belle.  Il suffoqua deux ou trois fois, attentif aux grouillements qui se dispersaient près de lui. Sa peau lui fit mal, à moins que ce ne soit quelque chose de plus profond. Il se demanda ce qu'il foutait là, sans réfléchir à ce qui était en train de se produire, près d’eux. L'ampoule leur dégueulait dessus ses lueurs fuyantes, tandis que des lames de couteaux, surgies de nulle part, relayaient de leurs plaintes les entrebâillements des armoires, d'où émergea bientôt la suite de ces tristes événements :  

Les murs s'écartèrent. En file indienne, des régiments de femmes nues, d'une pâleur éclatante mais lunaire, bardées de képis douteux, juchées sur des bottes de cuir, jaillirent une colonne après l'autre par renfort ou coin sombre, ouvrant sur cette chambre des couloirs infinis. Les hardes féminines, pénétrant les lieux aux roulements d'un tambour, s'éloignaient selon des jeux de perspectives inquiétants. Les cloisons s'estompèrent dans l'obscurité. Les distances s'évanouirent. Un seul horizon, rempli de femelles belliqueuses, se repliait maintenant sur les deux carcasses agitées en son centre.

Il fit exprès de ne rien en croire. Il vida ses poumons, la bloqua, la souleva et la projeta sur son bide. Attrapant ses poignets à deux mains, il la tira par ses couettes, se délectant d'un sourire. Elle aussi y trouva son compte. Son front vint se rabattre au creux du lit. Ses fesses en l'air, elle brandit sa revanche, le rabaissant à la force de son cul. Très vite, il se retrouva à nouveau sur le dos, l'autre folle agrippée à ses tibias, le fracassant à qui meut mieux de son arrière-train contre les lattes du plumard. Son abdomen le ramena quand même derrière elle. Il voulut l'enlacer avec plus de douceur, en finir avec ces rapports de forces. Elle se débattit. Il lâcha l'affaire, la renversant sur le côté, si brutalement qu'elle s'effondra hors du pieu.

Le tambour battait encore le rappel. Il tenta de la rattraper. En vain. Glissant sa tête par-dessus bord, il s'avança craintivement de l'œil gauche. Une flaque curieuse, où rien ne se reflétait, recouvrait le vieux planché de sa cage. Ou avait-il tout bonnement disparu ? Quelle nouvelle formidable ! Comment cette fois-ci réagirait le patron de ce putain d'hôtel ? se bégaya-t-il intérieurement, nerveux, avant d'y tremper ses doigts, tremblant tellement il se sentait malheureux. Il eut la nausée, manqua de gerber, et se réfugia aussitôt, tel un rat face à des chats, au creux de ses draps humides. Probablement à plusieurs centaines de mètres devant lui, il ne put exactement s'en assurer, des armées d'œstrogène fonçaient droit dans sa direction. Aucun commandement, aucun ordre direct, juste ce rythme assourdissant que  matraquaient les talons de leurs bottes. 

Leurs tétons glacés, dardés envers et contre lui, toutes comme d'un seul homme, elles se fendirent d'une gueule béante. Il ne s'y attendait pas. Leurs mâchoires tombèrent lentement, avant d'atteindre des proportions monstrueuses. Elles ne parlaient pas, ne pipèrent mots ou ne hurlèrent rien du tout. D'une expression uniformément livide, elles convergeaient vers leur coupable, dévorant le vide. Un déclic parcourut alors cette galerie de bouches insondables. Une bande automatique se mit en route, quelque part dans leur corps. L'enregistrement d'un orgasme trafiqué raisonna sur chacune de ces lèvres, sans appartenir à aucun de ces horribles gosiers. Peut-être étaient-ils tous morts et qu'ils allaient l'avaler.

Le cercle ennemi se refermait à présent. Elles arrivaient pour le rendre à sa perte. C'était indubitable. Traumatisé, l avait du mal à se mouvoir. Tenir en équilibre devint impossible. Des crampes s'amusaient dans ses tripes pendant que ses nerfs jouaient les douches écossaises. Les courbatures d'une journée généreuse commençaient allègrement leur travail. Et sa chair, pétrie par la peur, ne ressemblait plus vraiment à grand-chose. Acculé, incapable de s'enfuir en courant, il plongea au pied du lit, malgré les odeurs qui s'y mélangeaient. Les bras de la soldatesque sans chaleur l'effleurèrent à peine, lorsqu'il s'engouffra de justesse dans les flots. Il n'y eut pas de vagues. L'eau huileuse ne broncha pas, ne s’éventrant ni d’un souvenir, ni des faux-semblants d’un reflet. Pas une trace pour l’y suivre ou le voir s’emmurer dans les convulsions de ses pensées. 

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