S.M.

Oui, de mon temps, le Service Nationale était obligatoire. Mais que pour les jeunes et pas pour les femmes, même vieilles. Les planquées, va !

Donc, moi, je n'étais pas trop chaud pour y aller, à cause que j'étais anarchiste brigade antimilitariste. J'avais des problèmes de conscience.

Un, déserté. Deux, y aller. J'aurais dû prendre anar section tricot, pour la conscience.

Finalement, ma conscience a opté pour y aller, par un souci d'éviter les gendarmes. Oui, la peur atavique du gendarme !

Donc, on arrive, nous les civils, dans la caserne. On ne peut pas la rater, vu qu'on est transporté dans des camions militaires et que, eux, s'ils ne sentent pas le chemin de l'écurie, ce serait le monde à l'envers du bon sens.

Déjà, ici, les mecs, ils sont tous rasés. La tête, la barbe, ça n'compte pas. Oui, moi, à mon époque, c'était la mode des cheveux longs pour les jeunes-hommes, tandis que les filles, elles faisaient ce qu'elles voulaient. Les planquées, va ! De plus, les soldats marchent tous, raides, comme s'ils étaient de plomb, martiaux, mais sans arts, ils ne déambulent jamais. Un guerrier qui  pérégrine est suspect.

Heureusement qu'on apprend à rêvasser en marchant au pas, c'est l'entrainement militaire.

***

Bon, je raconte comme ça vient, sans chronologie.

On avait des entraînements au tir. Donc, ils nous donnent des fusils, mais attention, il faut les rendre après, ils nous les prêtent seulement, en quelque sorte. Et pour cet exercice dangereux, on a un adjudant qui nous initie au tir des fusils dangereux. Je ne me rappelle plus de son nom, car on l'appelait « mon adjudant » Il avait tant de campagnes derrière lui qu'il n'avait jamais vu la mer.  Sa devise était : «  Ici, on n'apprend pas à tirer. On  apprend à tuer ! » Ca situe d'emblée, le bonhomme. Moi, comme la majorité des conscrits, je n'avais jamais tué personne, ça ne s'était pas présenté, donc on manquait tous d'expérience.

C'était le même adjudant qui nous emmenait à la guéguerre, les manœuvres. En pleine jungle, dans un terrain vague, une sorte de décharge, propriété militaire, défense d'entrer, sous peine de bavures. Car, ça tirait sec dans les manœuvres. Mais on était gêné pour gagner la guerre, car il fallait ramasser les douilles des balles tirées pour la compta. Alors, bien sûr, rechercher des douilles dans les friches et les détritus, ça retarde la victoire. Personnellement, dans le camp des blancs, j'ai toujours perdu. Mais on s'en foutait, car ça ne changeait rien du tout.

Finalement, la guerre ce n'est pas si terrible que l'on dit.