Escort

Y K

Nouvelle pour concours devenu projet de roman en cours

ELISA

C'est en arrivant dans le petit village de Yamoukoumbé qu'Elisa, la jeune et jolie Directrice de l'ONG « Grands Cœurs Sans Frontière », prit pleinement conscience de la misère humaine. La moitié de la population du village était atteinte du Sida au stade terminal tandis que l'autre, amputée de divers membres, tentait avec peine de reconstruire le village dévasté par les rebelles.
- Hm, ça ne va pas être facile de remettre de l'ordre là dedans, surtout pour une femme, grogna John Bryan, le rude guide Afrikaner au charme viril qui l'avait menée jusqu'à ce coin reculé de la brousse Zimbabwéenne.
- Qu'est ce que vous insinuez ? S'offusqua Elisa, sentant la colère la gagner.
Car loin de n'être qu'une gravure de mode, Elisa était avant tout une femme de terrain. Elle attacha aussitôt sa longue chevelure dorée, retroussa ses manches et…

- Non attend Sophie, ça va pas là.
- Ah bon ?
- Bah oui, c'est trop cliché ton truc, le jolie blonde battante, le guide viril bourru... Et puis franchement le style aventure néo coloniale dans la brousse, c'est over quoi. Faut quelque chose de plus réaliste, rend les plus humains tes persos...
- Euh, bon, ok…

ELISA
C'est en arrivant au Leader Price de Sarcelles qu'Elisa, la médiocre secrétaire de la compagnie d'assurance Bien Profond, prit pleinement conscience de la misère humaine. La moitié des clients avait l'allure de RMIstes en fin de cycle tandis que l'autre arborait un inquiétant faciès de réfugiés politiques.
- Oulah, ça ne va pas être facile de trouver une bonne épaule de veau, gémit Jean Claude Busse, le minable DRH adjoint qui lui faisait du rentre dedans depuis plus de trois mois.

- Euh oui, alors le but à la base c'est quand même d'avoir quelque chose d'un minimum positif ok ? Parce que ta secrétaire prolo vaguement raciste et son collègue loser, je suis pas sûr que ça les fasse monter au plafond nos 18-34 ans. Un peu de fun, d'aventure ! Mais dans le quotidien ! C'est quand même pas sorcier non ?
- Euh…ok. Ah j'ai une idée, je fais un mix des deux et je plante ça dans un décor d'aventure du quotidien.
- Mouais…

ELISA
C'est en arrivant au Parc Astérix qu'Elisa, la magnifique RMIste réfugiée politique de Yamoukoumbé, prit conscience de…

- Ecoute Sophie, laisse tomber, je vais confier ça à Arthur, il est super fort en pastiches de Marc Levy, ça devrait être piece of cake pour lui. Concentre toi plutôt sur les cartes postales de Pâques, t'es douée là dessus.
- S'il te plaît Eric, donne moi une chance, je t'assure que je peux faire quelque chose de bon !
-… Bon. Ok, mais si tu plantes celui là, je peux plus rien faire pour toi. La deadline est dans un mois.

Sophie Scouarnec, la jeune et jolie employée de la compagnie Write & Nobles, soupira en rattachant sa longue chevelure brune. Deux ans déjà qu'elle se coltinait ce boulot d'écrivain sur commande, et force était de constater qu'elle n'y ferait très certainement pas carrière. Son supérieur, Eric Cochon, était un type plutôt sympathique mais qui finissait régulièrement par confier les travaux d'écriture créative à son concurrent direct, Arthur Massart, jeune lèche botte dont le talent s'épanouissait pleinement dans la rédaction de bouses à l'eau de rose. 
Alors que Sophie s'efforçait de grignoter un reste de salade niçoise lors de la pause déjeuner, Arthur s'invita à sa table.
- Salut Sophie ! Toujours pas d'appétit ? Hey, Cochon m'a dit que tu ramais à trouver une bonne histoire pour Prisma. Je peux te donner quelques conseils si tu veux.
- Non, tu ferais ça ? Répondit-elle, sarcastique.
- Bah écoute, fit il en se rengorgeant, soudain fier de son petit pouvoir de créateur de bouses vendeuses, entre collègues, faut bien s'entraider. Tu vois, poursuivit-il en lorgnant son décolleté, le truc c'est qu'il faut mettre du vécu dans ces histoires. Par exemple là, j'ai créé une héroïne qui vit une histoire incroyable avec un vendeur d'aspirateurs, ça bouleverse sa vie un truc de malade. C'est simple, c'est efficace… c'est du vécu, conclut-il, fier de sa formule en trois temps.
- Ah bon, fit elle faussement surprise, tu as vécu une histoire incroyable avec un vendeur d'aspirateur?
Avant qu'il n'ait le temps d'ajouter quoi que ce soit, elle poursuivit :
- Excuse moi, je dois y aller, j'ai une carte postale passionnante à terminer et une nouvelle à écrire.


Ce soir là, entre une bière tiède, deux cigarettes et un fond de « Pretty Woman », Sophie repensa aux paroles d'Arthur. Du vécu…
Qu'avait elle vécu jusque là ? Une vie plutôt tranquille. Une enfance heureuse à Poulgoazec, une scolarité sans histoire, quelques chagrins d'amour. Et puis ce prix littéraire de la région Bretagne à dix huit ans pour une nouvelle sur la sexualité compliquée des adolescentes, prix anodin qui avait pourtant fait rêver toute sa famille, elle comprise. Sophie Scouarnec, prix Renaudot… Sophie Scouarnec, prix Fémina… Sophie Scouarnec, prix Goncourt… et puis bam, Sophie Scouarnec, écriveuse de cartes postales. Personne ne l'avait vu venir celle là. A force de nouvelles ratées et de projets de romans avortés, elle avait finit par se convaincre que ce prix avait été un accident. Elle ralluma une cigarette tout en se disant vaguement qu'elle devrait arrêter.
Sur son écran, Julia Roberts chantait à tue tête dans la baignoire tandis que Richard Gere l'observait amoureusement à son insu.
Elle s'immobilisa. Une idée venait de lui traverser l'esprit, idée qui la terrifiait et l'excitait terriblement à la fois.
Peut-être était-ce la clé ; le moyen de faire repartir la machine, de ranimer l'inspiration, de redevenir celle qu'elle avait été autrefois !

 

- Donc tu veux devenir pute.
Claude leva son verre de Château d'Yquem 1990 et en aspira une gorgée qu'elle fit tourner longuement dans sa bouche avant d'hocher la tête en signe d'assentiment à la serveuse passablement déroutée par les paroles qu'elle venait d'entendre.
- Escort, corrigea Sophie, c'est de l'accompagnement, pas du sexe. Et le but c'est d'abord de vivre une aventure extrême que je puisse ensuite relater. Quelque chose de fort.
Claude lorgna longuement le fessier de la serveuse avec appétit tandis qu'elle s'éloignait puis son regard revint sur Sophie, et elle laissa échapper un semblant de rire.
- Ha. Petite sœur. T'es vraiment ouf en fait.
Longtemps considérée comme le vilain petit canard de la famille, Claude Scouarnec était passée par d'innombrables crises existentielles, avait fait son coming out à treize ans, s'était défoncée à toutes sortes de drogues, avait trainé avec des artistes tous plus déjantés les uns que les autres pour finir par reprendre ses études et diriger l'une des galeries d'art contemporain les plus en vues de la capitale. Son mépris pour les conventions sociales et la société élitiste –qui constituait pourtant sa principale clientèle- trouvait ses limites dans la gastronomie et les habits: elle fréquentait assidument les restaurants les plus luxueux de Paris en vue de satisfaire son besoin effréné « d'orgasmes buccaux », et sa garde robe représentait l'équivalent de l'appartement de Sophie. Elle était à la fois la grande sœur, la confidente et le mentor de Sophie.
- Au fait tu bosses toujours avec Monsieur Cochon ? Je me suis toujours demandé si sa meuf s'appelait Pegg…
- Claude !
Claude reprit une gorgée de vin et posa son verre, soudain sérieuse.
- Tu sais, jusqu'à ce que t'écrives cette nouvelle, je crois que j'avais jamais réalisé à quel point t'étais passionnée comme nana. Jusque là je t'avais toujours vue comme la bonne petite élève un peu coincée. Pour papa et maman, c'était surtout le prix qui importait je pense. Mais moi je m'en foutais de ce prix à la con. C'est ce que tu avais écrit qui m'avait sciée. Je m'étais dit merde, il y a des trucs de ouf dans cette jolie petite caboche. Ca m'a foutu un coup, c'est ça qui m'a fait reprendre les études tu sais ? Tu m'as vraiment inspirée. Je pensais que t'allais exploser. Que ce texte, c'était juste le déclencheur. Et puis rien. Je sais pas ce que tu fous meuf. T'es éteinte, tu ne vis plus. Et franchement, je ne vais pas te juger là dessus, t'es ma sœur. Mais ne laisse pas ton potentiel s'éteindre, parce que ça ma vieille, je ne te le pardonnerai pas. Et si le seul moyen que tu trouves pour rallumer la flamme c'est de devenir une pute de luxe infiltrée, t'as ma bénédiction.
- Tu crois ? Parce que quand même…
- Oh ! Tu vas minauder après ce que tu viens de m'annoncer ? T'as qu'une vie meuf, bouffe là comme une bonne tarte aux poi…
- Okok, je vois ce que tu veux dire.
Claude sourit en lui prenant la main et Sophie se sentit soudain rassérénée.
- Bon maintenant si tu veux bien m'excuser je vais tâcher de chopper le numéro de cette bombasse au triple fessier.


Le rendez vous avec les responsables de l'agence MeetiX avait lieu au sommet d'un immeuble cossu du 8e arrondissement. Sophie sentit le stress la gagner lorsqu'elle pénétra dans l'immeuble. Désormais, plus question de faire marche arrière. Elle profita du miroir en pied de l'ascenseur pour s'observer. Le tailleur chic prêté par Claude lui allait à merveille, contrastant avec ses cheveux qu'elle avait détachés pour ajouter la touche d'élégance sexy qu'elle pensait nécessaire pour un tel rendez vous. Malgré le stress, elle ne s'était pas sentie aussi excitée depuis des années. Elle expira profondément et se jaugea une dernière fois.
- GO.
A son arrivée, elle fut accueillie par une secrétaire pimpante perchée sur des talons d'une trentaine de centimètres qui s'était visiblement mis en tête de lui réciter tout le catalogue de thé « Divorce Sœurs » pour la faire patienter.
- Thé des poètes solitaires? Marco Polo ? Sweetheart ? Black Opera ? Neige de Jasmin ? Midnight in Jerusalem ? Paris over the rainbow ?
- Merci, je me contenterai d'un verre d'eau.
- Mais tout à fait, répondit l'échassière, un rien vexée par cette énumération inutile et qui par esprit de vengeance prit soin de se verser une grande tasse de thé avant de lui tendre un verre d'eau.
Au bout d'une dizaine de minutes, un jeune homme à la mèche rebelle fit son apparition, soigneusement barbu de trois jours et vêtu d'un costume cintré à la coupe impeccable.
- Vous devez être Sophie ? Dit-il en souriant toutes dents dehors, puis sans attendre sa réponse : Marc Duchassier de la Tour de Fréjus. Vous pouvez m'appeler Marc, ajouta-t-il avec un clin d'œil. Désolé pour ce retard, venez venez, Marie nous attend. Francesca, vous nous mettez une grande théière de Thé de la Joie dans la 304 s'il-vous-plait-merci.
Ils arrivèrent dans une salle de conférence où les attendait une élégante quadragénaire blonde vêtue d'un tailleur et d'échasses semblables à celles de Francesca. Elle posa sa tasse de thé et se présenta.
- Marie De la Marche, enchantée, bienvenue chez MeetiX. J'espère que vous avez trouvé sans problème.
- Merci, répondit Sophie. A vrai dire, je suis plutôt agréablement surprise par le cadre, ajouta-t-elle en admirant la vue sur la Seine.
Marc éclata de rire.
- Haha, vous vous attendiez sans doute à débarquer face à un albanais poilu qui vous demanderait de vous mettre en petite culotte pour vous photographier avec son Iphone?
- Euh, peut-être pas à ce po…
- Mais après tout il s'agit d'un business comme un autre coupa Marc emporté par son enthousiasme, Amazon vend des bouquins, Apple des ordinateurs, nous, nous vendons des femmes, enfin, de la compagnie, c'est aussi simple que ça, poursuivit-il d'un ton enjoué.
- Notre clientèle est très exigeante, reprit Marie, et il est donc fondamental pour nous de nous assurer que nos Escorts sont les meilleures du marché, d'où cet entretien. Tous nos concurrents ne prennent pas la peine d'en faire autant, et c'est ce qui fait de MeetiX l'agence numéro 1 des Escorts à Paris.
- Nous allons tâcher de vous connaître un peu mieux Sophie, savoir qui vous êtes, pourquoi vous désirez vous lancer dans le monde de l'Escort, et puis bien entendu qu'est ce que vous pouvez offrir, continua Marc, qui semblait ne jamais se départir de son sourire Colgate. Marie est psychologue, je suis moi même spécialiste en marketing et ai fondé MeetiX lors de ma dernière année d'étude à HEC après un voyage au Japon où j'ai découvert le monde des Geishas qui m'a ultra inspiré pour créer l'agence. Alors dites nous, qu'est-ce qui vous amène ici ?
Sophie avait soigneusement préparé son discours.
- Et bien je viens de terminer des études en sociologie, je ne trouve pas de débouchés et j'ai besoin d'argent…
- Excellente motivation, coupa Marc, l'argent ! Le nerf de la guerre !
- … et le fait d'offrir de la compagnie à des hommes de manière professionnelle m'attire et m'excite à la fois, poursuivit elle.
- Très bien, très bien, dit Marie en fronçant les sourcils, il faut toutefois que vous compreniez bien qu'il ne s'agit pas d'un jeu, comme je vous l'ai dit nous attachons une grande importance à la fiabilité de nos services.
- Mais je comprends tout à fait, opina Sophie.
- Bien bien bien poursuivit Marc, alors voilà comment ça va se passer : nous allons dans un premier temps cerner votre personnalité, vos goûts, vos expériences de vie, et si tout ça nous convient, nous conclurons par une séance photo.
- Je suis à votre entière disposition, répondit Sophie avec un sourire qu'elle tâcha de rendre aussi large que celui de Marc.
Deux heures plus tard, Marc et Marie étaient conquis. Sophie avait créé un canevas entièrement fictif qu'elle avait parsemé de détails personnels afin de le rendre le plus crédible possible et la stratégie avait visiblement fonctionné.
- Vous êtes belle, intelligente, cultivée, vous n'avez pas froid aux yeux… franchement, vous êtes parfaite pour MeetiX ! S'exclama Marc, qui en était à son quatrième thé et semblait de plus en plus excité.
- Votre profil cadre particulièrement bien avec nos clients de type CSP++, confirma Marie en hochant la tête, cela dit de par votre statut de débutante, nous vous confierons dans un premier temps quelques missions plus abordables, afin de voir comment vous réagissez.
- Excellent, répondit Marie. Et concernant la sécurité…
- Aucun souci là dessus, l'interrompit Marc, nous trions nos clients avec la même rigueur que nos Escorts, soyez tranquille !
-  Concernant les avances sexuelles potentielles des clients, elles font partie d'un contrat particulier. Si j'ai bien compris, vous souhaitez vous confiner à de l'accompagnement...
- Tout à fait, répondit Sophie. De même que je souhaiterais que mon visage demeure flou sur les photos si possible.
- Aucun problème. Ah, un dernier point, conclut Marie, nous recommandons généralement de prendre un nom de…
- Elisa, coupa Sophie. Devant le regard surpris de Marie, elle ajouta en souriant: J'y pense depuis longtemps.
- Elisa, j'aime bien, à la fois élégant et sexy, très bon tout ça ! S'exclama Marc en décrochant son téléphone –Francesca, vous nous mettrez une nouvelle théière-s'il-vous-plaît-merci ; oui, non, du Madame Butterfly plutôt. Oui voilà merci génial vous êtes au top.
Il raccrocha.
- Bon, prête pour une séance photo ?
- Absolument, répondit Sophie d'un ton si enjoué qu'elle s'en surprit elle-même.

La séance photo terminée, elle prit congé de Marc et Marie.
- Nous vous tenons au courant très vite pour votre première mission- Ah, et voici votre téléphone, à utiliser exclusivement pour les services MeetiX! Conclut Marc en lui tendant un Smartphone dernier cri. 


Les jours qui suivirent furent un long supplice pour Sophie, qui redoutait de recevoir un message de MeetiX mais ne pouvait malgré tout s'empêcher de vérifier son Smartphone toutes les cinq minutes. Eric lui demandait régulièrement comment avançait la nouvelle, ce à quoi elle répondait invariablement qu'elle serait bientôt prête. Son anxiété à l'idée d'effectuer sa première mission empiétait sur sa concentration, diminuant considérablement son rendement en écriture de cartes postales et poussant Cochon à en confier une bonne partie à Arthur.
Au bout de cinq jours, alors qu'elle tâchait avec peine d'avaler son lunch, une barre "trois céréales", elle sentit le Smartphone vibrer. Son cœur bondit et elle plongea la main dans sa poche.
« Chère Elisa, votre première mission test aura lieu vendredi à 20h, au restaurant La Muraille de Chine. Client: Solal, 32 ans, pour une simple soirée en tête à tête. Merci de confirmer, M. »
A la simple vue de son nom d'emprunt, Sophie s'était sentie prise d'un sentiment d'excitation qui se traduisit par un sourire involontaire. Elle confirma rapidement et rangea le téléphone, puis retourna à son bureau sans terminer sa barre de céréales.


Le vendredi soir, après des exercices de relaxations et une douche froide, elle enfila une robe courte –prêtée par Claude- et se rendit au restaurant. 
Un petit réceptionniste vêtu d'un élégant kimono de soie trop grand pour lui lui demanda si elle disposait d'une réservation. 
- Monsieur Solal? Répondit-elle.
- Mais tout à fait si vous voulez bien me suivre, lui dit-il en passant devant elle, manquant de se prendre les pieds dans son pantalon.
Un homme en costume l'attendait, de dos, jouant à Candy Crush sur son smartphone pour passer le temps. Sentant une présence, il se retourna et ses yeux s'écarquillèrent à la vue de Sophie.
- Sophie?? Bredouilla-t-il.
Sophie, quant à elle, demeura muette de stupéfaction.
Arthur se tenait devant elle, l'air totalement abasourdi. Le petit réceptionniste, qui se demandait pourquoi ces deux personnes qui s'étaient données rendez-vous avaient l'air tellement surprises de se voir, remonta son pantalon d'un geste qu'il pensait discret et se racla la gorge afin de signifier à Sophie qu'il attendait qu'elle s'assoit.
- Oh, pardon, s'exclama Sophie en prenant place face à Arthur, ce sur quoi le mini réceptionniste déguerpit, aussitôt remplacé par un serveur.
- Puis-je vous servir un apéritif?
- Vodka, répondit aussitôt Sophie.
- Euh... la même pour moi, dit Arthur sans oser la regarder.
Après quelques secondes, Sophie finit par rompre le silence.
- Solal donc?
Il haussa les épaules, gêné.
- Je suis fan d'Albert Cohen...
- Tiens, je croyais que t'étais plutôt Marc Lévy.
- Comme quoi, dit-il en souriant, croisant son regard pour la première fois. Et toi? Elisa?
- C'est le prénom de mon personnage. Tu vas peut-être trouver ça bizarre mais j'avais besoin de vivre quelque chose d'un peu original pour trouver de l'inspiration, dit elle sans se risquer à demander s'il en était de même pour lui.
- Okkk... tu sais, il y a d'autres moyens de vivre des trucs forts, je sais pas moi, du saut en parachute, un trekking en Islande, un week end à la mer avec la famille Cochon…
- Haha, faut croire que je suis tordue… mais j'ai besoin de retrouver le fil… 
- Je comprends ce que tu veux dire ; c'est pas toujours facile de trouver l'inspiration.
- Quand en  plus tu as des parents qui te mettent la pression…
- Haha, estime toi heureuse, moi mes parents se fichent complètement de ce que je fais !
- Ah bon ? 
- Ouais… tu sais, mon père était vendeur d'aspirateur, alors la littérature…
- Non. T'es sérieux ? Le vendeur d'aspirateur, c'était ton père ?! 
Elle se sentit soudain idiote de l'avoir rembarré l'autre jour, mais il ne semblait pas affecté et se mit à rire.
- Haha ! Et oui. Enfin, en même temps c'est pas comme si mes pauvres histoires à l'eau de rose allaient changer la face du monde.
Elle fit un geste au serveur.
- Bon Arthur, je sais que tu n'étais pas venu pour ça, mais je te propose de finir cette bouteille de vodka et de nous bitcher mutuellement sur mes cartes postales minables et sur tes bouses à l'eau de rose. Tu régales non?
- T'es vache. Mais je te suis.
Ils trinquèrent et vidèrent leurs verres.  


                                         * * *


Lorsque Sophie entra dans le restaurant, Claude était déjà attablée, goutant un vin et parlant à la serveuse de la dernière fois fois.
- Pas mal. Mais je préfère le Mouton Cadet. Tu me mets une bouteille ? Merci ma poule t'es un amour.
 Sophie s'attabla alors que la serveuse s'en allait.
- Et bien je vois que les affaires marchent plutôt bien, dit elle en regardant la serveuse se retourner pour faire un clin d'œil à Claude.
- Ma foi. Bon, et toi, raconte !
- Je me suis fait virer.
- Quoi ?!
- Cochon trouvait ça complètement improbable cette histoire d'escort d'un soir qui se lie d'amitié avec son collègue qui se trouve être son premier client.
- Quel connard ce gros porc ! C'est le meilleur truc que t'ai écris depuis…
- Attends, c'est pas fini. J'ai quand même envoyé la nouvelle à des maisons d'éditions, et j'ai reçu une réponse positive de Fayot. Elle sort dans leur prochain recueil.
- Sérieux ?
- Sérieux.
- CHAMPAGNE !! Rugit aussitôt Claude, attirant les regards intrigués et vaguement effrayés des clients guindés.

Tandis que la serveuse disposait les coupes et y versait le Pouët et Chandon, Sophie se mit à lire le menu avec appétit. Soudain, elle avait très faim.

 

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