Tel un roman de gare

Cindy Dydy

Je n'ai pas envie de t'y emmener. Et pourtant j'y suis forcée. Nous sommes en deux mille onze et me voilà obligée de t'emmener à la gare comme en l'an quarante. Non mais c'est vrai quoi! j'ai pas envie que tu partes...

En plus tu me laisse conduire ma twingo. Comme si c'était pas assez difficile pour moi. J'ai pas envie de conduire. Et quelle chaleur! Je suis agacée de tout, de rien. Ne me touche pas, ne me regarde pas. Ho! j'ai envie que tout se fasse vite, je n'aime pas les au revoirs qui durent des heures.

On est à la gare, et j'ai déjà mon regard qui se perd. En faite, je dirais que c'est plutôt mon esprit qui est ailleurs. J'ai l'impression d'être dans un roman de gare: toi, mon amour, qui est militaire de carrière et qui part, et moi, qui reste ici et qui va te regarder partir sur le quai de la gare. Je sais comment ça va finir. Je sais déjà que je vais finir en larmes et que je vais me cacher pour que tu ne me vois pas. Cette fierté que j'ai en moi me parait de plus en plus être une sorte de lacheté puisque je fais tout pour ne pas te la montrer. C'est étrange.

Tu m'as donné un tee shirt portant ton odeur, je sais très bien ce que je vais en faire: je vais en user l'odeur durant ton absence. Dormir avec, le tenir contre moi, le caliner, le regarder, comme s'il contenait ne serait-ce qu'une partie minime de toi.

Je te regarde, j'ai le coeur et la gorge serrée. Je ne sais même pas quoi te dire. Pourtant c'est toutes les semaines que tu t'en vas. Ce n'est pas comme si c'était la première fois. Mais le faite que tu t'en aille en train me fait quelque chose, je ne sais pas. Je n'arrive pas à l'expliquer. Ca me fait mal. C'est ce cliché du roman de gare. Tu sais, ce cliché très romantique dont toutes les filles rêvent... J'y ai souvent rêvé aussi. Mais là, j'étouffe. Ne me regarde pas comme ça. Cette grande horloge me condamne de toi à chaque minute qui passe. Tu me regarde avec un air désolant, mais tu n'y es pour rien. Sentir chacun de tes gestes sur moi devient un supplice jusqu'a ce que le train arrive à quai. Tu me regarde, te retourne, te baisse pour prendre ton sac et soupire. Le seul reflexe que j'ai eu était de baisser la tête, je ne savais pas quoi faire, je n'avais qu'une envie: pleurer mais je ne voulais pas te le montrer.

Ce dernier baiser fut tel celui d'un baiser cliché: celui dans le roman de gare: un baiser long et fougueux, passionné et tumulteux. La séparation n'allait durée qu'une semaine, mais les jours allaient déjà me paraître interminable et je savais que je ne serais pas patiente.

Tu es parti vers ton train, mais je n'ai pas fait comme dans les romans de gare, je ne suis pas restée sur le quai. Je ne t'ai pas regardé partir. Je ne t'ai même pas regardé monter dans le train que je pleurais déjà à chaudes larmes avec ton tee-shirt contre moi. Ma vie n'est pas un roman de gare, non, je t'aime bien plus que ça...

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