TOI, MON FRUIT DÉFENDU

Comment résister, ne pas se plaindre, pleurer et crier, s'émouvoir par delà des mots prononcés si justement. Je ne suis qu'une fournisseuse de morphine attendant patiemment sa cyprine. Vautrer dans le désespoir, les quelques gouttes d'un souvenir m'aspergent. J'éponge prestement. Qu'on me laisse à ma drogue. Que court sur moi, les pustules de la mort, jamais je n'aurai créé de monstre aussi laid que MOI...

J'aurai profané l'être, l'objet même de ma quête. Ce lieu où je me suis invitée, un soir, un jour, un été; non, plutôt comme l'éclair précédent le tonnerre grondant de désir. Que de pleurs me souillent de sa bonté, moi la reine des lames acérées, la fourbe traîtrise de Satan, ma mie, sa sœur. Écorchée, je vacille, je tangue, j'hurle, mais je me tairai. Je dois à ma potence tout mon silence. Je dois à mon aimée toute ma volonté.

J'irai au paradis comme une goutte de pluie. J'irai voir ce que je suis. Mes [visions d'enfance] ne sont que si peu de souvenirs. À partir d'aujourd'hui, je vivrai le déluge. Moïse me glapira de laver ce pont, que j'aurai souillé, d'une si lourde velléité. Je boufferai la racine des orties, leur criant de se reproduire là où j'aurai péché. Le temps me grignotera, le temps m'asséchera et la main de Satan, ma mie, me récupérera de son souffle lancinant, celui que personne ne peut entendre, mais, qu'on m'aura laissé ouïr, avant de mourir.

Ainsi disparaîtrai-je, âme perdue parmi tant d'autres. Chacune d'elles me racontera, une bribe de cette histoire, de ce moment qui fut le mien, qui fut le nôtre.

Sophie

De tout ça... il y a déjà si longtemps...