TREVE INFERNALE

Alicia Roda

NOTE D'INTENTION :

Je tiens à préciser tout particulièrement que ce n'est pas une comédie raciste. Ce n'était pas mon propos en l'écrivant. Au metteur en scène de distribuer les comédiens qu'il désire dans les rôles des squatteurs, qu'ils soient Américains, Chinois, Français ou bien Maghrébins. Le but n'est pas de stigmatiser une communauté, mais plutôt des pratiques : celle de louer un appartement juste avant la trêve hivernale, afin d'y passer l'hiver gratuitement et au chaud.

L'idée provient d'un fait divers (ou d'hiver...) Je souhaitais montrer l'envers du décor. Pas seulement les méchant sdf chassés pas des méchants bourgeois. Que des deux côtés on souffre.

Je souhaitais mettre en avant la désespérance chez les jeunes : comment survivre aujourd'hui à Paris lorsqu'on a peu d'argent et qu'il est si difficile de se loger et de trouver du travail. 

Je souhaitais opposer d'une part la galère du milieu théâtral, où peu d'artistes sont payés ;et d'autre part, la galère de ces jeunes Maghrébins peu diplômés, exploités par leurs employeurs. Les uns comme les autres sont des quasi-asociaux. Si jeunes. Je crois que ça, on ne le montre as suffisamment dans les médias, la galère des jeunes. Montrer comment autant la jeune actrice que le couple de squatteurs, peuvent perdre pied très vite, sombrer et finir peut-être même en prison. Et tout ça pour quelques centaines d'Euros dont ils manquent : l'artiste pour bouffer, les squatteurs pour se loger.

J'ai voulu opposer deux sortes de désespoirs : l'artiste et les squatteurs. En faire deux figures vibrantes de la galère sociale d'aujourd'hui. Montrer comment on peut faire du mal à autrui pour s'en sortir. Commen on serait prêt à couler la vie d'un inconnu pour se hisser dans la mêlée. Pour pouvoir s'acheter davantage de Guccis ou pouvoir aller au resto à Avignon. Ou juste, pour vivre.

J'ai pris parti pour l'artiste, de façon sûrement trop appuyée. Oui, elle est sûrement trop victimisée. Mais je voulais faire accéder la comédie au rang du drame. J'ai essayé d'écrire une comédie dramatique. De mêler les genres. Mais pour cela, il sera important que la mise en scène mette en relief les aspects comiques, voire ridicules des personnages et des situations.

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TREVE INFERNALE

Comédie dramatique

Personnages

Miranda

Pegna

OliOli

Débila Arouich

Chiems

Inspecteur Beauduin

Policiers

SCENE 1 : ENFIN !

Miranda - Allô ? Ahhh, bonjour monsieur Egonay. Oui, pour l’audition. Com-ment ? Moi ? C’est moi ? Vous voulez que je sois votre Médée ? Wahou. Médée, mais faut avoir les épaules larges, je n’ai que 30 ans. Je sais pas ce que c’est de tuer ses propres enfants, j’en ai pas, personne veut de moi. Enfin. Pourquoi je vous dis ça ?

Pardon ? Ma réponse ? Si c’est oui ? Bien évidemment que c’est oui, mille fois oui !

Ah, les répétitions se feront à Avignon ? 10 sessions d’1 semaine de répétitions étalées sur 4 mois avant le début du festival ?  Très bien.

Aïe ! Pas payées du tout du tout, les répétitions ? Oui, je comprends, c'est une auto-production, c’est difficile pour la culture en ce moment. Et c’est moi qui dois avancer tous mes billets de train ? Ah. Et les représentations, pas payées non plus ? Ah, si, pardon ; payées à la recette. Et bien évidemment, assurer tractage et affichage quotidiennement lors du festival. Boon. - 23 représentations à la suite, faudra que je tienne le coup, surtout que c’est un sacré monologue - mais oui, je relève le défi, c’est un honneur pour moi, monsieur Egonay.

Et pour l’aspect logistique et financier, je… j’y arriverai. -(Pour elle) Enfin, j’espère. -

SCENE 2 : L'ANNONCE

Urgent : je sous-loue charmant appartement parisien d’avril à fin juillet. Meublé tout confort, vue dégagée, 5è sans ascenseur, terrasse, cuisine équipée, wi-fi, machine à laver la vaisselle et le linge, télé, dvd, imprimante, ordinateur,  bla bla bla.

Scène 3 : LES SOUS-LOCATAIRES

Dring.

Miranda - Bonjour.

Débila - Bonjour, on s’est parlé au téléphone. Je suis Débila, et voici mon fiancé, Chiems.

Miranda – Bienvenue à l’appartement.

Débila - Ouah, ça a l’air pas mal.

Miranda – C’est très lumineux. Et la terrasse est baignée de soleil toute la journée.

Débila – Oh la belle vue ! T’as vu chéri ?

Chiems – Mmh

Miranda – Donc là, vous avez la chambre avec lit double, là c’est la salle à manger, la cuisine, et la salle de bains.

Débila – C’est trop mignon, en plus vous avez du goût.

Miranda – Merci.

Débila – Ca nous plaît beaucoup, n’est ce pas chéri ?

Chiems – Mmmh. Y’a pas trop de racailles dans la rue en bas ? J’aime pas que ma fiancée rentre seule dans ce genre de quartiers. On vient du XVè arrondissement, nous.

Débila – Donc… la location serait bien jusqu’à début août ?

Miranda – Oui, jusqu’à fin juillet.

Débila – On le prend, n’est-ce pas chéri ? On peut vous payer cash deux mois d’avance. Puis, on vous fera des virements en chaque début de mois.

Miranda – La seule chose, c’est que je repasserai par Paris de temps en temps et j’aurai besoin de venir chercher des affaires, et même de passer quelques nuits chez moi.

Chiems – Attendez, c'est pas possi...

Débila – Oh, ça ne nous posera aucun problème, j’irai chez mes parents dans le 15è arrondissement.

Miranda – Très bien. Et si je peux me permettre, vous faites quoi dans la vie ?

Débila – Moi je suis commerciale dans une entreprise de bâtiment. Je prospecte et je décroche de gros contrats et par conséquent de bonnes commissions.

Miranda – Et vous ?

Chiems – Moi euh, je, je suis en recherche d’emploi.

Miranda – Et vous êtes de quelle origine ?

Débila – Lui, il est du Maroc et moi d’Algérie. On s’est rencontré y’a quatre ans et on voudrait se marier, malheureusement mes parents ne sont pas d’accord. Moi j’ai 27 ans et lui 22, ils n’acceptent pas qu’il soit plus jeune et sans situation. Mais nous on espère se marier en août. Y’a qu’une seule chose qui compte : être ensemble. Mais c’est pas facile de trouver des propriétaires sympa comme vous, qui acceptent de nous louer leur appartement. Là, ça fait un mois qu’on se trimballe d’hôtel en hôtel, c’est exorbitant, et surtout on voudrait poser nos valises pour s’aimer.

Miranda – Votre histoire me touche énormément. Moi-même je n’arrive désespérément pas à aimer, enfin, je ne devrais pas vous dire ça, alors cela me fera plaisir de vous le louer à vous. Vous donnerez un peu de vie à ces murs mal-aimés. 

Débila – Marché conclu. Voici l’argent.

Miranda – Et voici les clés.

Débila - Vous pouvez compter sur nous pour bichonner l’appartement comme si c’était le nôtre.

Scène 4 : MON METTEUR EN SCENE

Le temps a passé, j’ai répété à Avignon, seule avec un vieux fou de schnock, asocial, anarchiste aux velléités de Pygmalion. En dehors de lui, point de salut. Tu te lèves le matin dans une ville morte où tu ne connais que lui, lui aux cheveux suintant la graisse et les ongles noirs de crasse. Un petit bonhomme rond d’1m50, rigolo, sacré mauvais caractère. Y’a que lui qui compte, ses rancoeurs, ses ex, ses rares copains, les salauds des institutions, les imbéciles des autres théâtres, c’est un moulin à paroles. Quand il évoque une femme, il la juge à l’aune suivante : est-elle sensuelle ? Si c'est non : une inutile.

Moi je n’existe que dans son fantasme, une Médée belle et maléfique, une icône terrifiante.

Il ne voit pas que je suis toujours habillée de vieux pantalons, il ne voit pas que je suis déprimée et pauvre, il ne voit pas que j’aimerais parler parfois, il ne voit pas que j’en crève seule dans ma petite vie d’ingratement passionnée de théâtre, il ne voit pas que je dors des nuits de douze heures dans la chambre crade où il m’a installée, il ne voit pas l’effort que ça suppose ces aller-retour Paris-Avignon à mes frais, il ne voit pas que j’étouffe dans son théâtre sans lumière du matin au soir à respirer l’odeur de ses gitanes et de ses déblatérations à tout va. A donner toute mon énergie et à m’entendre ressasser que je dois être plus sexuelle, plus charismatique, plus charnelle, plus autoritaire... Il ne me voit pas moi, il voit au travers moi : sa Médée, cristallisation de ses fantaisies de vieil ours quinquagénaire.

J’étouffe. Comme souvent, j'étouffe.

Scène 5 : PREMIERS PROBLEMES D'ARGENT

Dring.

Miranda – Bonjour, comment ça va ?

Débila – Très bien. Posez votre valise là. Dur les 5 étages, hein.

Miranda – Vous pouvez me tutoyer, vous savez, je n’ai que 3 ans de plus que vous.

Débila – Alors, pas trop fatigant vos répétitions à Avignon ?

Miranda – Pff, si, c’est beaucoup d’énergie d’incarner un personnage mythique comme celui-là.

Débila – Meetic ?

Miranda – Oui, Médée, c’est une princesse levantine qui possède des dons de sorcellerie. Elle tombe passionnément amoureuse d’un guerrier grec, Jason, qu’elle aide dans ses conquêtes. C’est notamment grâce à ses maléfices qu’il remporte la Toison d’or. Elle découpe même son propre frère en morceaux afin de fuir avec son bel étranger.

Débila – Je ne connaissais pas cette histoire. J’avoue que mes lectures à moi, c’est plutôt Closer et Gala, j’adore les potins.

Miranda – Donc, elle se marie avec Jason, et de leur union naissent deux enfants. Mais un jour, le roi de la cité où ils ont émigré lui propose la main de sa fille. Jason accepte. En se mariant à la jeune princesse, il acquiert pouvoir et fortune et peut ainsi subvenir aux besoins de ses enfants et de sa première femme, Médée. Or celle-ci ne supporte ni sa trahison ni ses paroles doucereuses et dans son désespoir, elle tue leur deux enfants, pour ne pas en faire des êtres condamnés à l’exil, pour faire souffrir Jason.

Débila : Ouah, ça doit être violent à jouer.

Miranda – Oui, c’est pour cela que ça va me faire du bien de me reposer une semaine dans mon petit appartement. Oh, je vois que vous avez changé toute la déco.

Débila – Oui, on l'a arabisé, c'est plus joli, non? Et on vous a tout laissé nickel. Vous serez bien chez nous, enfin chez vous.

Miranda – Et vous avez l’argent ?

Débila  Ah, justement, on voulait t’en parler. Mon patron est vraiment un salaud, il m’a renvoyée, alors que c’est moi qui trouve tous les gros contrats ; en plus, mes commissions, il me les donne jamais, et le soir, il m’oblige à faire le ménage dans son bureau. En avril, il m’a fait passer un entretien de pré-licenciement et il m’a forcée à signer une lettre de démission sans date. Et là, il a daté la lettre, en imitant mon écriture et il se l’est auto-envoyée en recommandé. Donc, du jour au lendemain, je me retrouve sans travail et les Assédics ne veulent pas m’ouvrir de droits au chômage puisque je suis considérée comme démissionnaire.

Miranda – Et donc, on fait comment ?

Débila – Je te promets, à la fin de la semaine que tu vas passer dans l’appart, nous on revient et on te paye. Cash.

Miranda – Sûr, hein ?

Débila – Oui, sûr, on va demander de l’argent à des potes.

Scène 6 : L'ARGENT

De l’argent, oui j’en avais besoin, de l’argent, de l’argent je n’en n’avais jamais eu, j’ai toujours compté les centimes que je piquais dans les poches de ma mère, mangé dans les cocktails de première et volé des rumsteacks au Monoprix, alors d'un coup, tous ces billets de banque mensuels je ne savais pas qu'en faire.

Enfin, si, j’ai besoin d’argent, faut que j’achète des calmants, enfin si, j’ai besoin d’argent, faut que j’achète des comprimés anti-chute de cheveux, j’ai besoin d’argent, je dois payer mes aller retour Paris-Avignon, si, j’ai besoin d’argent, au Festival on est tenu de manger every day en terrasse, enfin si, quand on a un metteur en scène il est de bon ton d'aller quotidiennement refaire le monde au bistrot, enfin si, j’ai besoin d’argent, les soldes démarrent et pour la première fois de ma vie je vais m’acheter des vêtements pour changer mon look d’ado attardée et ressembler à une femme banale, enfin si, j’ai besoin d’argent pour juste en avoir et ne pas parvenir à le dépenser, enfin si j’ai besoin d’argent car j’ai décidé, moi, d’acheter un appartement, oui, un appartement, j’ai longtemps attendu l’homme avec qui je pourrais tout partager, avec qui je pourrais travailler, je l’ai cherché partout cet homme, présentement j’ai un gars attentionné qui me baise mais bon, le Compagnon de vie, il ne s'est jamais présenté, et j’ai compris dans mon errance que mon chemin c'est toute seule, j'ai donc besoin d'argent pour l'appartement, et pour la réfection de la toiture, et le réétalonnage des caves, et les charges, et la taxe foncière et aussi la taxe d'habitation et la pose de compteurs d'eau individuels et la nouvelle cuisine et l'installation électrique et le nouveau ballon d'eau chaude et, j’ai besoin d’argent, je ferme donc les yeux et j’attends, j’attends que mes sous-locataires daignent payer.

Scène 7 : RÉPÉTITION

"Regarde,

N'aie pas peur,

Regarde,

Ils sont tous là.

Viens,

Approche.

Regarde

Les hommes,

Là,

Comme une armée silencieuse

Regarde,

Pétrifiés, devant nous.

C'est moi qui ai fait cela."

Voilà ce que je me répétais dans le train, dans le métro, dans mon lit, dans le théâtre vide, en courant - je cours beaucoup depuis que je fais ce maudit métier.

Je me répétais également : "Ne pas traîner sur les finales". "Vestale satanique, envie de meurtre". "Dissocier l'émotion des mots." "M'approprier du personnage, ne pas être juste dans l'application des indications." "Allumer mon regard." "Veiller à ne pas être trop en force." "Animale, viscérale." "Attention au port de tête, mettre mon corps en valeur." "Ta voix est placée trop haut." "Etre plus présente." "Ne pas parler trop vite." "Tu es une comédienne starter : dure au démarrage." "Ne pas oublier de lui donner la force du mythe".

Scène 8 : SURSIS

Débila – Tiens, c’est tout ce qu'on va pouvoir te donner ce mois-ci. Je t’assure qu’on ne mange même plus pour te payer. Mon fiancé ne voulait pas, mais bon. Prends, compte et vérifie. C’est trop la descente aux enfers en ce moment, j’ai perdu 12 kilos depuis que j’ai plus de boulot, en plus ma soeur est malade et mon père s’est fait tabasser dans la rue. Je te jure, je craque, franchement Miranda, je craque, j’arrête pas de faire des démarches pour trouver un logement durable mais c’est trop la galère, personne veut rien nous louer parce qu’on est Arabes, j’ai déposé une demande urgente de HLM, j’ai aussi demandé une loge de concierge comme ma mère. Donc c’est cool si tu peux attendre encore un peu, vraiment tu nous sauves, vraiment tu es une fille qui vaut de l'or. On te revaudra ça, inch'allah.

Miranda - Ca fait du bien de compter pour quelqu'un.

Scène 9 : TOUJOURS LA REPETITION

"Je ne te vois pas

Mais je sais maintenant que tu es beau,

D'une beauté qui me brûle le dos

Je voudrais me retourner

Pour voir enfin ton visage,

Mais je vais attendre.

Si je le faisais maintenant, nos regards se croiseraient et tu n'aurais aucune chance.

Je te pétrifierais."

Oui, j'étais à la fois Médée, la meurtrière,

à la fois Kali, la divinité hindoue

et à la fois la Méduse, celle qui pétrifie du regard.

Tout ça à porter.

"La beauté des hommes toujours me perdra", concluait Médée.

J'aimais cette phrase.

Tout ça à porter.

Scène 8 : MESSAGE TELEPHONIQUE

Chiems - Ouais, c'est Chiems, on veut le deuxième passe pour le digicode et aussi la deuxième clé de l'appart, y'en a marre de galérer, ma fiancée est à chaque fois obligée de m'attendre deux heures dans la rue pendant que tu te dores la pilule dans le sud. Sinon, pour que tu viennes passer 5 jours ici c'est non, nous on n'en peut plus de faire des allers-retours, débrouille-toi. Et pour le fric, on n'a plus de boulot, j'ai mon scoot à réparer, je fais du porte à porte pour Cétélem, alors, vas-y, explique-moi comment tu veux qu'on te paye?

Miranda : 06 56 67 88 90

« Ouais, bon, c'est le répondeur de Chiems et Débila, laisse  ton message. »

Miranda - Oui, bonjour à tous les deux, c'est Miranda. Ecoutez, pour la semaine à Paris, c'est d'accord, je vais dormir chez mon père. Je suis épuisée après un mois de festival, je vous propose de rester tout le mois d'août dans mon appartement, mais il faudrait qu'on se voie pour l'argent.

Miranda : 06 56 67 88 90

« Ouais, bon, c'est le répondeur de Chiems et Débila, laisse ton message. »

Miranda - Bonjour, c'est moi, je suis passée récupérer quelques affaires à l'appartement comme convenu, mais l'argent que vous me devez n'était pas sur la table. Il y a eu apparemment du passage, comme tendrait à prouver le lit d'appoint que vous avez installé. J'attends votre appel.

Miranda : 06 56 67 88 90

« Ouais, bon, c'est le répondeur de Chiems et Débila, laisse ton message. »

Miranda - Bonjour à tous les deux, je vous appelle pour vous annoncer que vous pouvez encore rester tout le mois de septembre, je suis trop fatiguée pour quoi que ce soit. En revanche, il faut absolument régler les factures Numéricable, y'en a pour plus de 450€. Appelez-moi vite.

SCENE 9 : L'ANNONCE DE LA TRÊVE HIVERNALE

Miranda : 06 56 67 88 90

Ah, allô Débila, c'est Miranda. Enfin tu réponds au téléphone.

Débila - Ouais, et alors?

Miranda - Euh, voilà, j'aimerais bien que tu me payes.

Débila - On t'a déjà dit que c'est pas possible.

Miranda - Alors, que ce soit clair, demain je reprends mon appartement, c'est fini pour vous.

Débila - Rêve pas, depuis hier c'est la trêve hivernale, eh oui ma belle, du 1er novembre au 15 mars, tu n'as plus le droit de nous déloger, on s'est bien renseigné, on a un béton d'avocat. C'est pour toi que c'est fini, t'as compris?

Dring, dring, dring... elle a raccroché.

SCENE 10 : JE ME FAIS VIRER DE MON APPART

Miranda, tremblante. Elle est face à son appartement, elle a la clé en main. Elle colle son oreille contre la porte, elle n'entend rien.

J'entre, j'entre pas? Je fais quoi? Il faut vraiment que je récupère cet appartement. Je crois qu'ils ne sont pas là. J'ai trop peur. Bon, 1, 2, 3 : j'entre.

Elle rentre tout doucement, il est vide, elle a la coeur qui bat.

Ouuuf, y'a personne. Quel bazar, ici, c'est dégoûtant. L'évier est totalement bouché, berk, et les WC aussi, ahh, c'est quoi cette couche de gélatine noire dans ma douche? Au secours, ma housse de couette est pleine de trous de cigarette ; couverte de cendre, carrément. Et où sont mes affaires? Mon armoire est quasiment vide ! Mes pulls, mes petites robes, mes vestes, ils ont tout jeté ou quoi??

- Allô, allô, allô Police? Ca fait une heure que j'essaye de vous joindre, heureusement que je ne suis pas en train de me faire assassiner, hein. Pardon, je suis sur les nerfs. Voilà, je suis locataire d'un appartement à Paris, et je l'ai sous-loué à des amis, et maintenant ils ne veulent plus partir sous prétexte de trêve hivernale.

- Police : Madame, nous ne pouvons rien faire pour vous car vos sous-locataires sont protégés par la loi. Au 16 mars, c'est-à-dire au lendemain de la trêve hivernale, s'ils ne partent pas d'eux-mêmes, il faudra entamer une procédure judiciaire, qui je ne vous le cache pas, sera longue. Si cela peut vous rassurer, vous êtes loin d'être la seule dans ce cas.

- Miranda : Ecoutez-moi, je vous en prie. Là je me trouve chez moi, enfin chez eux - j'ai les clés - et ils sont absents, pouvez-vous être là pour me défendre lorsqu'ils arriveront ? Je vous en supplie.

- Police : Je répète madame, nous ne sommes pas habilités à faire quoi que ce soit. Si vous les aviez hébergés, ç'aurait été différent. Mais vous m’avez dit qu’il s'agit de sous-location. Je vous conseille, entre nous, de ne plus parler que d'hébergement si vous voulez être entendue. Au revoir Madame.

- Miranda : Mais...

Ahhh.

La porte s'ouvre, Chiems rentre.

- Chiems : Qu'est-ce que tu fous là?

- Miranda : Je suis chez moi.

- Chiems : T'es pas chez toi. Depuis le 1er novembre, t'es plus chez toi. Alors tu dégages.

- Miranda : Mais non, je ne dégage pas. Soit tu me payes tout ce que vous me devez, soit c'est toi qui dégages.

- Chiems : Bon, là tu m'a saoulé. Allez, hop, tu prends tes cliques et tes claques maintenant. Tiens, bouge tes affaires à deux balles.

Il la pousse à l'extérieur violemment et il jette quelques une de ses affaires dehors. Il ferme la porte avec le verrou.

- Miranda : Ouvre-moi, ouvre-moi ! Oh le salaud, il a fermé avec le verrou. Je fais quoi de ma vie à présent?   

Scène 11 : FORMATION DU COMMANDO PACIFIK

Miranda est éplorée, seule. Elle passe des coups de fil à tour de bras :

Miranda : Allô, allô, tu te souviens de moi, on s’est rencontré à une soirée, oui, j’aurais besoin de ton aide précieuse. Hein ? Non, c’est pas pour t’inviter à une méga teuf. Non, c’est pas pour tirer un coup, c’est parce que je dois mettre à la porte des squatteurs et j’ai besoin de... Allô, allô ? Ca a coupé, bizarre.

- Miranda : Allô, Olioli, ça va ?

- OliOli : Extrêmement bien. As-tu reçu le planning de répétitions ?

- Miranda : Oui. Normalement, je serai au théâtre jeudi mais…

- Olioli : As-tu appris la tirade de l’acte I ?

- Miranda : Je la connais bien, oui, mais je voulais te demand…

- Olioli : Et les trois monologues de l’acte III et IV ?

- Miranda : J’ai pas eu le temps, à cause d’un, d'un contre-temps, justement je voulais te demander si tu peux m’aider à, à déloger des squatteurs de chez moi.

- Olioli : Pardon ?

- Miranda : Je t’ai raconté que j’avais sous-loué mon appartement, bon, ils ne veulent plus partir et ils ont mis mes affaires sur le palier. Je suis dans la vraie galère.

- Olioli : Je suis tout avec toi. Et crois-moi, on va les mettre à la porte ! Nous allons organiser une expédition éclair. As-tu un serrurier de confiance ?

- Miranda : Wahou ! Je vais tâcher d’en trouver un qui acceptera l’aventure.

- Olioli : Et je vais te rameuter des hommes forts, tu vas voir !

- Miranda : Oh, t’es génial ! Mais soyez discrets, c’est risqué comme expédition. Et n’oubliez pas vos papiers d’identité.

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- Miranda : Allô, Pegna?

- Pegna : Salut ma belle, t’es libre cette semaine ? Je t’invite dans le meilleur resto de sushis de Paris.

- Miranda : Non, là je t’appelle pour que tu me rendes un énorme service. On va former un Kommando Pacifik pour me débarrasser de mes sous-locataires, tu sais ? Tu veux bien être des nôtres ?

- Pegna : Tout ce que tu veux, ma belle.

- Miranda : T’es extraordinaire, Top Pegna !

- Pegna : On va les faire flipper, je vais venir avec des copains, des durs. Et dis aux tiens de prendre des gants blancs.

- Miranda : Ok, pour les empreintes.

- Pegna : On va leur faire la peau à ces petits salopiauds !

- Miranda : Attends, stop : on forme un commando exclusivement pacifique. Il faudra rester disciplinés. On sera douze au total. Rendez-vous demain à 15h. On sera en planque au bar en face et on va observer leurs faits et gestes par la fenêtre de mon immeuble. On ne risque rien. Je me suis renseignée auprès de la police : c’est le premier qui vire l’autre de l’appart qui est dans son droit : s’ils sont dehors, ils ne peuvent plus prétendre à y revenir, puisqu’ils n’ont aucun papier légal.

- Pegna : Compte sur moi, on va les saigner, ces racailles.

Scène 12 : LE KOMMANDO PACIFIK PASSE À L’ACTION

Toc toc à la porte de l’appartement de Miranda. Boum, boum. Puis le serrurier fait patiemment sauter la serrure.

- Olioli + copains : Y a-t-il quelqu’un ? Y’a-t-il quelqu’un ?

- Pegna + copains : Ouvrez, ouvrez, au nom de la loi !

- Olioli : Arrête, on n’a pas le droit de dire ça.

- Pegna: On sait que vous êtes là.

- Olioli : Arrête ! Et s'ils n'y sont point?

- Pegna : Vous l’aurez voulu.

Le serrurier commence à faire sauter la serrure avec sa perceuse.

- Olioli + Pegna : Aaaattention !

- Pegna : Bien joué, monsieur le serrurier !

- Olioli : La voie est libre.

- Pegna : On y va les mecs, on investit tout !

- Olioli : Prenez garde à vos empreintes.

- Pegna : Haut les mains !

- Olioli : Arrête, tu as vu trop de films, toi.

- Miranda – Je vous attends sur le palier, les gars, j’ai trop honte.

Débila est là, apeurée, tapie dans un coin de la chambre.

- Pegna : Bonjour mademoiselle.

- Olioli : Ou madame.

- Pegna : Vous êtes seule ?

- Olioli : Arrête, Pegna.

Savez-vous que vous occupez illégalement cet appartement ?

- Débila : Euh, non, je suis sous-locataire.

- Pegna : Montrez-nous les papiers, alors.

- Débila : On n’en a pas signé.

- Pegna : Vous n’avez aucun bail prouvant que vous êtes locataire de ces lieux, vous n’avez donc aucun droit d’être ici.

- Débila : Mais si.

- Olioli : Nous vous prions donc fort courtoisement de quitter les lieux au plus vite.

- Pegna : De débarrasser le plancher, en gros.

- Débila : Attendez, j’appelle la Police. Elle va pour se saisir du téléphone fixe de l’appartement.

- Pegna : Je t'arrête tout de suite, ma grosse, ce téléphone n’est pas à toi, et il paraît que tu en as déjà largement abusé. Donc tu reposes gentiment ce combiné et tu passes ton coup de fil depuis ton portable personnel.

- Débila : Ok, ok, j’ai compris. Je m’en vais.

- Olioli : Voiiilà, c’est bieeen.

- Débila : Attendez un peu que je fasse le tri de mes affaires.

- Pegna : On n’a pas toute la soirée non plus.

Débila fait donc un tri de quelques affaires et s'en va, très stressée.

- Débila : Ca y est, j'ai fini.

- Olioli: C'est paaarfait, mademoiselle, nous vous raccompagnons vers la sortie.

Débila franchit la porte, et tombe nez à nez avec Miranda qui était restée sur le palier.

- Débila : Toi, la Pouffiasse, tu vas voir de quel bois je me chauffe.

Scène 13 : EPILEPSIE ?

Dans l’appartement.

- Miranda : Youhou !

- Pegna + Olioli + les copains : Yes ! On a réussi.

- Miranda : Vous êtes trop forts ! Allez, on s’embrasse.

- Pegna : Topez là.

- Miranda : Et merci au serrurier.

- Pegna + Olioli + Miranda + les copains : Hip hip hip, hourra pour le Kommando Pacifik !

- Miranda : Ah les porcs, dans quel état ils ont laissé mon  appartement chéri.

- Olioli : Telle est la question : depuis combien de mois ces individus ne font-ils pas leur vaisselle? Comme le démontre Cicéron dans son Traité s…

- Pegna : Bahh, ça grouille de cafards. Le frigo déborde de spaguettis bolognaise. Et des strings rouges traînent par terre, c’est magnifique.

- Olioli : Aïe, ta chaîne hi-fi est cassée, ta télé aussi, ton lave-vaisselle ne semble plus fonctionner...

- Miranda : Mais au moins je suis chez moi et pour toujours.

- Olioli : Je rêve ou j'entends du bruit ?

- Pegna : T’as raison, ça vient d’en bas. Ouvre la fenêtre.

- Olioli : Mon Dieu, que se passe-t-il ?

- Pegna : Pousse-toi voir : y’a une émeute en bas ou quoi ?

- Olioli : Un attroupement, plutôt.

- Pegna : Et pas n’importe quel attroupement : camion de pompiers, voiture de police...

- Miranda : Attendez, ne me dites pas que…

- Pegna : Eh si, elle a osé.

- Miranda : La sale chienne.

- Olioli : C’est bien elle, regardez, allongée par terre, entourée de badauds.

- Miranda : Et les pompiers qui sont là à s'occuper d'elle, ils la transportent même en civière.

- Pegna : T’aimerais, hein, avoir tous ces hommes à tes petits soins.

- Miranda : Oh, ça va.

- Olioli : Tendez donc l’oreille : j'ignore ce qu’elle raconte à la foule, mais ils ont l’air de la prendre en pitié.

- Miranda : Ils deviennent même virulents.

- Pegna : Elle fait des grands gestes.

- Miranda : A coup sûr elle décrit à sa sauce ce qu’elle vient de subir.

- Pegna : Cachons-nous les mecs !

- Olioli : Oui, faisons-nous discrets.

- Miranda : Je sens que ça va barder !

Scène 14 : ARRESTATION MENOTTEE

Le lendemain, à l’appartement.

- Miranda : Ouf, on l’a échappée belle. Merci du fond du cœur, Olioli.

- Olioli : C’était un plaisir d'avoir pu te sauver. J’ai besoin de ma comédienne principale, tout de même.

- Miranda : Ahhh, tout ça pour ça.

- Olioli : Ce qui serait malin, c'est de fouiller dans  leurs papiers. Pour découvrir qui sont ces gens-là. Et accumuler des preuves contre eux.

- Miranda : Mais c'est pas bien de faire ça.

- Olioli : Ne sois pas naïve, ma pauvre fille, on ne sait jamais ce qui nous attend. Ce papier, par exemple, c’est quoi ?

- Miranda : Ben, c’est un reçu de carte bleue, quoi de plus banal ?

- Olioli : 33€ de Mc Do. 39,80 de Quick. Et là, 97€ de Monoprix.

- Miranda : Il faut bien qu’ils mangent, ces pauvres bougres.

- Olioli : Quand on n’a pas le sou pour honorer son loyer, on ne se rend pas chez Monoprix, on va chez ED. Et on n’achète pas tarama, hoummous, entrecôte, regarde même : champagne ! Tu t’es bien fait arnaquer, ma pauvre amie.

- Miranda : Bon, ça va.

- Olioli : Et ces tickets de caisse : jean Diesel, fringues Mango, jeux vidéo, encore des tickets de jeux vidéo. As-tu les moyens de t’acheter tout cela, toi ?

- Miranda : Pas vraiment, moi c’est plutôt pâtes-tomates-parmesan tous les jours, parfois fromage frais au lieu de parmesan, c’est la variante du jour.

- Olioli : Et une grosse boulette de shit, quatre paires de lunettes Ray Ban, pléthore de cosmétiques Chanel, Dior, Guerlain, tiens, prends-en pour toi.

- Miranda : J’en veux pas, merci.

- Olioli : Stop, et ça, qu'est-ce que c'est ?

- Miranda : Quoi encore? Je suis épuisée.

- Olioli : Tribunal de Créteil, police, prison. Attends ton bonhomme il n’est pas net.

- Miranda : Fais voir. Ouah. Plusieurs inculpations. Et la dernière pour vol, violences et séquestration en réunion.

- Olioli : Lis bien le document : Chiems est présentement en semi-liberté à Villejuif.

- Miranda : Ca veut dire quoi ?

- Olioli : Miranda : ça signifie que ton sous-locataire travaille le jour, et dort la nuit en prison !

- Miranda : Comment ?!

- Olioli : C’est pour cette raison qu'il n'était pas à l'appartement lorsqu'on l’a investi avec le Kommando Pacifik. Il  était derrière les barreaux !

Toc toc toc !

- Police : Police, ouvrez ! Ouvrez, police !

- Miranda : Au secours, c'est quoi?

- Olioli : N’aie pas peur.

- Miranda : Oh mon Dieu, j’en peux plus.

Ils entrebâillent la porte.

- Miranda : Oui, bonjour ?

- Police : Police. Vous êtes bien mademoiselle Aboal Miranda, née le 6-8-76 à Neuilly, demeurant au 109 rue du faubourg du temple, 75011 Paris ?

- Miranda : Euh, oui, c’est moi-même.

- Police : Nous avons ordre de vous emmener immédiatement au poste de police.

- Miranda : Pardon ? Mais pourquoi ?

- Police : Mettez les mains dans votre dos.

Ils la menottent.

- Miranda : Aïe, le fer me cisaille les poignets, aïe.

- Olioli : Mais enfin, ce n'est pas légal de la menotter. Pourquoi l’emmenez-vous au poste ? Elle n’a rien fait. Il est obligatoire de présenter un document officiel listant  les motifs de cette arrestation. Qui nous prouve…

- Police : Monsieur, je vous prie de décliner votre identité.

- Miranda : Excusez-moi mais je ne comprends pas, je suis tranquillement chez moi et…

- Police : En avant, on ne discute pas.

- Miranda : Attendez, je voudrais d’abord aller aux toilettes.

- Police : Vous irez à celles du Poste de Police.

- Olioli : Je viens avec elle.

- Police : Toi tu restes ici.

Scène 15 : AUDITION AVEC L’INSPECTEUR BEAUDUIN

Voyage de Miranda menottée dans le panier à salade avec le gyrophare à tout va. Commissariat. Attente.

- Police : Nous allons vérifier votre identité.

- Miranda : Excusez-moi. Serait-il possible d’aller aux toilettes?

- Police : On va vous accompagner.

- Miranda : La porte ne ferme pas. Et ce sont des toilettes à la turque. Auriez-vous du papier s'il vous plaît ?

- Police : Toc, toc, c’est bientôt fini ?

- Miranda : Mais…

- Police : Y’a pas de « mais ». On y va.

- Police : Stop, attendez là. L’Inspecteur Beauduin, Commandant en chef de la Police Judiciaire, viendra vous chercher.

Attente devant un bureau. Plus loin dans le couloir, Débila attend aussi. Elle est très classe avec son imperméable beige, très maquillée aussi. Regard noir entre les deux, puis ignorance.

- L’inspecteur : Mademoiselle Aboal ?  Veuillez passer dans mon bureau.

- Miranda : Merci.

- Inspecteur : Vous savez pourquoi vous êtes ici ?

- Miranda : Non, pas vraiment.

- Inspecteur : Vous êtes accusée d’avoir frappé mademoiselle Débila Arouich, secondée par onze complices placés sous vos ordres ; vous l’avez traînée par les cheveux hors de son domicile où vous êtes entrés par effraction. Vous l’avez insultée avec des propos racistes.

- Miranda : Mais, mais c’est totalement faux. A-t-elle des preuves ?

- Inspecteur : Mademoiselle Arouich a été examinée ce matin par un médecin légiste, qui a officiellement constaté qu'elle a bien subi des coups. Elle a également été vue au commissariat par un psychologue, qui suite au choc subi, lui a prescrit 8 jours d’ITT ou Incapacité Temporaire Totale

- Miranda : Pardon ?

- Inspecteur : L’ITT, à ne pas confondre avec l’arrêt de travail, ce sont 8 jours pendant lesquels la victime n’est pas capable d’assurer les actes usuels de la vie quotidienne, comme se laver, manger, s’habiller.

De plus, mademoiselle Arouich, suite aux coups, a fait une crise d’épilepsie en pleine rue ; les premiers soins lui ont été apportés par les pompiers. Vous l'avez en outre empêchée, malgré ses demandes, d'emporter avec elle ses médicaments, alors que vous saviez qu'elle était épileptique.

- Miranda : Mais elle a simulé sa crise, monsieur l’inspecteur : nous l’avons vue par le balcon, sortir en trombe de l’immeuble, choisir un endroit bien passant, s’installer par terre et commencer sa fausse attaque d’épilepsie.

- Inspecteur : Sachez que ce que vous avez commis constitue un délit, passible de cinq ans de prison.

- Miranda : Je vous jure, Inspecteur, que je n’ai rien fait.

- Inspecteur : Vous étiez douze contre une femme seule et anorexique. Vous avez fait sauter la serrure de son domicile. Le serrurier sera auditionné pour complicité. Il me faut la liste complète des onze complices et nous les convoquerons. Et punirons.

- Miranda : Tout sauf ça, inspecteur, mes amis n’ont rien fait. C’est moi qui leur ai demandé.

- Inspecteur : Nous allons réintégrer Mademoiselle Débila Arouich et son compagnon dans leur appartement. Vos affaires doivent être enlevées.

Miranda plonge sa tête entre ses mains. A ce moment,  elle regarde discrètement son téléphone portable. Olioli lui a envoyé un message :

« Tiens bon. J'ai fait secrètement une VIDÉO. N'oublie pas d'en parler à la Police »

- Miranda : Si vous me permettez, Inspecteur, une vidéo a été faite hier, à partir du moment où nous avons fait sauter la serrure jusqu’au moment où ma squatteuse a quitté les lieux en promettant vengeance.

- Inspecteur : Où est cette vidéo ?

- Miranda : C’est mon metteur en scène qui l’a en sa possession.

- Inspecteur : Appelez-le de ce téléphone, et dites-lui de venir immédiatement. Je dois visionner cela.

… Longue attente dans le couloir …

- Olioli, essoufflé : Bonjour. Voilà la vidéo, inspecteur.

- Inspecteur : Votre carte d’identité s'il vous plaît. L’adresse est-elle toujours valable ?

- Olioli : Tout à fait.

- Inspecteur : Votre métier ?

- Olioli : Je suis professeur d’anglais, actuellement en disponibilité, et présentement metteur en scène.

- Inspecteur : Savez-vous que vous pouvez être poursuivi pour vos actes ? A savoir, entrée par effraction au domicile d’autrui, coups sur femme seule.

- Olioli, Mais inspecteur, il n’y a pas eu un seul coup, visionnez donc la vidéo.

- Inspecteur : Bon, voyons cette fameuse vidéo. Ah, elle ne passe pas sur mon ordinateur. Dans quel format l’avez-vous enregistrée ?

- Olioli : Laissez-moi faire. Aïe, vous n’avez pas le bon programme. Il suffit de le télécharger sur internet, mais avec ce PC, - enfin, de quand date un ordinateur pareil ? - ça risque de prendre trop de temps, en plus le logiciel est payant. Le mieux serait que je repasse chez moi à Rosny-sous-bois et que je vous réenregistre la vidéo sous un format compatible avec votre... Bon, je fais au plus vite.

- Miranda : Dans combien de temps seras-tu de retour ?

- Olioli : Trois heures, si mes RER arrivent de suite. Je vais comme le vent, tel Phoebus sur son char.

… Longuissime attente dans le couloir …

- Olioli : Oufff. Ca y est, j’ai couru comme jamais. Cette fois, c’est bon, j’en suis sûr.

- Miranda : Merci, mon Oli.

- Inspecteur : Voyons. Ah oui, effectivement, le bonjour déjà ne coïncide pas avec sa version, on voit bien que vous la saluez courtoisement, ok, vous lui demandez poliment de quitter l'appartement, aucune agression constatée, ok, elle prend ses affaires, toujours rien. Vous-même, mademoiselle Aboal, ne semblez pas être sur place, alors qu’elle a prétendu que vous l’aviez violentée.

Bon, très bien, j’ai vu ce que j’avais à voir.  Vous pouvez rentrer à votre domicile, vous ne serez plus inquiétée par cette fille vulgaire qui a plutôt une tête à travailler sur les boulevards des Maréchaux. Elle est passible de poursuites pour déclaration mensongère. Ne fréquentez pas ce genre de personnes, mademoiselle, vous valez mieux que ça.

- Miranda : Merci mille fois, inspecteur. Et pour leurs affaires, on fait comment ?

- Inspecteur : Ils viendront les récupérer, mais uniquement sous l'égide de la police. Nous vous aviserons de la date et de l'heure.

- Olioli : Merci encore inspecteur, au revoir.

Scène 16 : LEUR RETOUR DANS MON APPARTEMENT

Miranda : Une semaine a passé, je vais mieux. J’ai cru mourir de honte, me retrouver ainsi menottée, embarquée dans un panier à salade. Tout ça parce que j’ai voulu être moins pauvre, tout ça parce que j’ai osé vouloir faire du théâtre, ça m’apprendra. Bon. J’ai tout nettoyé, des kilos de graisse collés à l’évier, la douche, le four. Je vais pouvoir me mettre à apprendre par cœur mes tirades; j’ai trop pris de retard. C'est un Molière. J'incarne la princesse Elvire, qui aime et qui est aimée de Dom Garcie. Mais la jalousie maladive de ce dernier met des bâtons dans les roues de leur amour.

"Faut-il encor pour vous conserver des bontés

Et vous voir m'outrager par tant d'indignités?"

"L'amour n'excuse point de tels emportements."

Driiiing

Qu’est-ce que c’est encore ? Ah l’interphone. Mais j’attends personne. Allô oui ?

- Débila : Allô, c’est Débila. Ca va ? Je suis venue chercher mes affaires. Je peux monter ?

- Miranda : Non. Non, je ne t’ouvre pas la porte d’en bas. La police a stipulé qu'elle serait là pour l'échange.

- Débila : Miranda, j'ai vraiment besoin de mes médicaments et j'ai plus rien à me mettre...

- Miranda : Bon, la seule chose que je puisse faire, c’est de les déposer sur le palier, je ne peux plus prendre le risque de t'ouvrir la porte de mon appart.

- Débila : C'est sympa de ta part.

Miranda ouvre la porte de son appartement pour déposer les premiers sacs sur le palier, mais un pied se glisse dans la porte, la porte est poussée malgré les efforts de Miranda, et le fiancé, Chiems, rentre de force dans l’appartement ; rejoint, avant le temps de dire ouf, par Débila qui a monté les cinq étages.

- Chiems : Nous revoici chez nous. C’est foutu pour toi, petite conne.

- Débila : Ah, enfin nos affaires. Cette pétasse a touché à tout. Pour qui elle se prend? Attends, je vais vérifier qu’elle n’a pas volé mon jean Diesel.

- Chiems : Ouais, checke tout. Et mes jeux vidéo, ils sont tous là?

- Débila : Je commence par la chambre.

- Miranda : Eh, mais qu’est-ce que vous faites, vous rentrez par effraction dans mon domicile.

Ils ne répondent pas.

Partez, partez tout de suite, la police a bien dit que ce n’est pas chez vous ici. En plus, vous risquez gros, vous avez fait une déclaration mensongère à la police, au médecin et au psy légistes, et ça, c’est passible de prison. Et toi, qui dors déjà en taule, je pense que tu n’as pas besoin de ça.

- Chiems : Toi, tu te mêles de ce qui te regarde.

- Débila : Vas-y, appelle-la, ta police, appelle-la, tu verras, qu'avec toi elle ne viendra pas.

- Miranda : Allô, police ? Police ? Allô ?

- Chiems : Hahaha, t’es vraiment une pauvre moeuf.

- Miranda : Allô, vous m’entendez ? Ils te font patienter combien de temps avec leur musique à la noix ? C’est une urgence ! Heureusement que je ne suis pas en train de me faire violer. Remarque si, c’est une forme de viol. Allô, police, c’est pour un viol, allô.

- Débila : Viens chéri, elle est folle cette fille, c’est une gamine, toutes ces années d'études pour être aussi demeurée, laisse tomber. Aide-moi à déballer mes affaires, on va tout remettre dans l’armoire.

- Miranda : Et mes vêtements, vous les avez jetés à la poubelle, c’est ça ?

- Débila : Mais non, on les a pas vues, tes affaires. C’est toi chéri qui les a touchées ?

- Chems : Ta gueule, toi. Elle les reverra jamais, ses sapes de golmon.

- Miranda : Allô, police, il faut que vous veniez de suite, s’il vous plaît, j’ai des intrus dans mon appartement, ils sont entrés par la force, exactement, oui, j’ai déjà appelé la semaine dernière. Et alors ? Allô, allô ?

- Débila : Laisse tomber, pauvre conne, tu ne sais rien faire dans la vie, je vais te montrer, moi.

Allô, allô, police nationale ? Oui, c’est moi, Débila Arouich, tout à fait, je vous ai déjà téléphoné pour vous signaler que notre propriétaire essaye de nous mettre dehors par la force, alors que nous sommes sans ressources et en pleine trêve hivernale. C'est ça, j'ai bien dit par la force. Oui, elle est là, et elle nous menace. Vous venez immédiatement ? Faites vite s’il vous plaît, elle est dangereuse.

Et voilà, la grosse, tu as vu ?

- Miranda : Allô, allô Pegna ? Tu peux venir s’il te plaît, oui, d’urgence, je t’en supplie, ils sont encore là. Viens avec des copains. A tout de suite.

- Miranda : Allô Olioli ? C’est moi. C’est urgent, tu peux me prêter mainte forte ? Ils sont revenus. J’ai besoin de toi.

Scène 17 : L'APPARTEMENT SE REMPLIT

Un temps. Toctoc. Toctoctoc.

- Miranda : Aïe, c’est la police !

Toctoctoc

- Chiems : Vas-y, Gourdasse, t’attends quoi ?

- Miranda : Oui ?

Toctoctoc. Elle ouvre timidement.

- Miranda : Ah, Pegna, c’est toi ! Quelle frayeur.

- Pegna : Eh oui, c’est moi. Ils sont où ces marioles, que je les éclate ?

- Miranda : Non, attends.

- Pegna : Je vais les défoncer ces fils de pute. Bon, vous, là, vous sortez tout de suite d’ici. Vous n’avez aucun droit. Je vais m’occuper personnellement de votre cas. Surtout du tien.

- Chiems : Eh, doucement avec ma moeuf.

- Pegna : Y’a pas de « doucement ». Elle nous a balancés aux keufs. Elle a menti.

- Débila : J’ai pas menti.

- Pegna : Je vais te faire la peau.

- Débila : Aïe, lâche-moi, aïe !

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Dring, dring.

- Miranda : Ouhlà, cette fois je suis sûre que c’est la police.

- Pegna : T’inquiète pas, ma belle, je vais les accueillir. Qui est là ?

Pas de réponse.

- Pegna : C’est qui ?

- Olioli, chuchotant à travers la porte : Initiales O.O.B.

- Pegna : Vas-y, arrête de te croire dans une série télé. Viens nous aider à les passer par le balcon, ces racailles.

- Olioli : Miranda, j’ai traversé Paris pour toi. Alors ainsi, ils sont revenus ?

- Pegna : Tu vois bien. Ramène ta carcasse.

- Olioli : Mesdames, messieurs, bonjour à vous tous. Mes intentions ne sont pas violentes…

- Chiems : C’est quoi ce guignol ?

- Olioli : Conversons calmement. Permettez que je m’asseye auprès de vous. Je serai votre conciliateur.

- Débila : On n’a rien à te dire. On est ici chez nous, point.

- Pegna : Toi je vais t’éclater, t’es justement pas chez toi.

- Olioli : On se caaalme. Mon dessein est de parler entre adultes. Exposez donc vos revendications.

- Chiems : Ohh, comment tu me parles, tu te fous d’ma gueule ou quoi ?

- Olioli : Certainement pas, je cherche uniquement à établir un dialogue qui sera, j’en suis persuadé, profitable à tous.

- Chiems : Tu t’es cru à la Comédie française ou quoi ?

- Débila : Chéri, laisse-le parler.

- Chiems : Toi, tu fermes ta gueule.

- Olioli : Je vous prie de ne pas vous adresser ainsi à votre compagne.

- Chems : Tu parles pas comme ça de ma moeuf ou je te marave.

- Olioli : Mettons-nous d’accord sur le partage de cet appartement. Il semblerait que ma fidèle amie Miranda et vous-mêmes, convoitez le même espace. Alors je me prononcerais, tel le Roi Salomon, qui rendit un célèbre jugement pour départager deux femmes réclamant le même bébé…

- Chiems : Il est ouf ce keum.

Miranda ne supporte plus la situation et s'est enfermée dans la salle de bains.

- Pegna : Personne voit où tu veux en venir.

- Olioli : Miranda, sors de cette salle de bains.

- Miranda : Non, non et non.

- Pegna : Allez, ma vieille, je te dis d'ouvrir cette porte.

- Miranda : Je ne sortirai pas d'ici tant qu’ils ne seront pas partis.

- Débila, criant : Eh ben j’espère que le carrelage n'est pas trop froid pour passer la nuit, parce que nous, on est bien installés sous ta couette douillette, hahaha.

- Olioli : Les enfants, ne recommençons pas à nous braquer sur nos positions infantiles. Etes-vous d'accord pour négocier?

Scène 18 : LA POLICE TRANCHE DANS LE LARD

Toctoctoc. Toctoctoc.

- Police : Police ! Ouvrez ! Police !

- Miranda : J’ai trop peur.

- Débila : Quelle couillonne !

- Olioli : J’y vais. Qui est là ?

- Police : Ouvrez immédiatement.

- Olioli : Bonsoir et bienvenue en cet humble logis.

- Police : C’est vous qui avez téléphoné?

- Olioli : Non, c’est…

- Police : Alors dégagez.

- Miranda : Bonsoir.

- Police : C’est vous qui nous avez appelés?

- Miranda : Euh, oui…

- Police : Vos papiers d’identité.

- Miranda : Voilà.

- Police : Ce n’est pas à votre appel que nous avons répondu. Nous avons été appelés par mademoiselle Débila Arouich. Surveille-la, toi.

- Pegna : C’est insensé, vous n'avez pas le droit, c’est justement la victime.

- Police : Vos papiers monsieur. Passez dans la pièce à côté. Vous deux aussi. Vous êtes tous les trois provisoirement en état d’arrestation.

- Miranda, Olioli, Pegna : Mais…

- Police : Bon, mademoiselle Aboal, montrez-nous votre bail. Vous savez que la sous-location n’est pas illégale en France, à la condition qu’elle soit autorisée par le propriétaire. Présentez donc cette autorisation dûment signée.

- Miranda :  Je, je n’en ai pas.

- Police : Dans ce cas, j’ai le regret de vous informer que vous êtes dans l’illégalité.

- Miranda : Je vous assure, je n'ai pas sous-loué. Ce sont des amis, enfin des connaissances, que j’hébergeais.

- Police : Et pourquoi tant de philanthropie ?

- Miranda : Leur histoire d’amour m’avait touchée.

- Une des Officières des Police, s’approchant discrètement de Miranda et chuchotant :  Vous ne m'avez pas reconnue, n’est-ce pas ?

- Miranda : Euh ?

- Police : Vous aviez téléphoné au poste de police toute désespérée. C’est sur moi que vous étiez tombée. Rappelez-vous, je vous ai conseillé, comme à une amie, de ne surtout pas dire que vous aviez sous-loué, mais seulement hébergé. Le monde est petit hein ?

- Miranda : Euh.

- Police : Donc, mademoiselle, la trêve hivernale ayant débuté, vous n’êtes plus ici chez vous. Nous vous prions donc de débarrasser prestement le plancher, vous et vos amis.

- Miranda : Gloups. Mais, je, je dois impérativement faire mes cartons de déménagement. Je rends définitivement l’appartement à mon propriétaire dans deux jours.

- Police : Bon. Exceptionnellement vous resterez ici cette nuit avec mademoiselle Débila et monsieur Chiems, et vous ferez vos cartons. Vous spécifierez sur l’état des lieux que vous signerez avec votre propriétaire, que vous rendez l’appartement avec des occupants à l’intérieur. Il vous fera certainement un procès, mais ce n’est plus de notre ressort.

- Débila : Moi je m’engage par écrit à lui permettre de faire ses cartons, et même à l’aider. D’ici mercredi, Miranda pourra venir chez nous autant qu’elle voudra pour les terminer. Voilà, c’est signé. Vous voyez que j'y mets de la bonne volonté.

- Police : Un ami de mademoiselle Miranda restera avec elle.

- Débila : Bon, d’accord, mais c’est moi qui choisis lequel, car monsieur, par exemple (elle pointe Pegna) a été odieux.

- Pegna : Qu’est-ce qu’elle a cette grognasse ? Tu fais attention à comment tu me parles.

- Police : C’est vous qui feriez bien de faire attention, monsieur. Vous, vous resterez ici cette nuit pour faire les cartons de mademoiselle.

- Olioli : Je suis flatté de votre confiance.

Un temps, tout le monde reste en silence.

Scène 19 : L'ERREUR STRATÉGIQUE

- Débila : Un instant, mon fiancé et moi-même souhaitons nous concerter en privé.

Tout le monde évacue la chambre sauf Débila et Chiems. Dans le salon, l’attente est longue et silencieuse.

Enfin, Débila sort. Chiems est toujours aussi bourru.

- Débila : Mon Fiancé et moi-même, après mûre réflexion, avons pris la décision suivante : nous allons exceptionnellement passer la nuit dehors – je dis bien dehors – afin que vous fassiez les cartons cette nuit.

- Police : Estimez-vous chanceuse d'avoir une telle sous-locataire.

- Débila : En échange, nous exigeons un papier signé attestant qu’elle nous laissera bien revenir demain à 13h. Ainsi que ses nouvelles clés.

- Miranda : Très bien. Voici. Au revoir.

- Débila : Tu ne sais pas ce que c’est que la rue, Miranda.

- Police : Au revoir.

La porte se referme sur la Police, Débila et Chiems.

Scène 20 : SAUTEZ, SERRURES !

Miranda saute de joie. Elle court embrasser ses amis.

- Miranda : On est d’accord que je fais changer les serrures ?

- Olioli : Pardon ?

- Miranda : Oui ! On se trouve immédiatement un serrurier de nuit, on les arnaque, plus jamais ils ne reviennent.

- Olioli : C’est bien trop dangereux.

- Miranda : C’est la seule chance que j’ai de me défaire d’eux.

- Pegna : Miranda, je m’y oppose formellement.

- Miranda : Ils ont commis une erreur stratégique, oui ou non ?

- Olioli : Ils vont te retrouver. Tu ne seras plus jamais en sécurité.

- Pegna : Ecoute, Miranda, nous on ne sera pas là pour te protéger toute ta vie.

- Olioli : D’ailleurs, je dois y aller. J’ai femme et enfants à plusieurs verstes d’ici.

- Pegna : Moi aussi, enfin, femme et futur enfant.

- Olioli : Ta vie trépidante n’est plus de notre âge.

- Pegna : Il faut que tu te stabilises, Miranda.

- Miranda : Première fois que vous tombez d’accord, tous les deux, et c’est pour me laisser tomber.

- Pegna : Non, c’est pas ça, mais…

- Olioli : Mais on a faim.

- Pegna : Allez, on s’arrache.

- Olioli : Prends bien soin de toi, ma belle.

- Pegna : Je t’embrasse.

- Olioli : Et merci pour la soirée.

- Pegna : C’était cool de te revoir.

- Olioli : Appelle quand tu veux.

Ils partent, la porte se referme sur eux, la laissant seule dans son appartement. Silence.

Scène 21 : SOLITUDE

- Miranda : J’ai peur. Je fais quoi ? Ils sont peut-être à l’affût. Affûtés pour le restant de mes jours. A me hanter, me suivre, me poursuivre, me persécuter. A me dépouiller, me spolier de mon identité. S’en revêtir et la piétiner. Ils sont entrés dans moi et ils s’y bâfrent de bolognaise. Mes gardes du corps viennent déguster mes petits fours en débitant des phrases galantes, mais rapidement tout mon moi les blase et ils vont honorer la cellulite qu’ils connaissent trop bien. 

Bon.

Mon déménagement :

Cette nuit-là, j’ai cavalé. J’ai empilé des milliers de choses dans des cartons. C’est fou ce qu’on entasse dans 30 m2. Mon ex m’a prêté sa voiture pour que j’amène les boîtes dans mon nouvel appartement pour lequel je n’ai pas encore signé, mais dont j’ai déjà les clés. Le hic, c’est que je ne sais quasiment pas conduire, même si oui, j’ai mon permis. Je ne sais pas quel problème psychologique freine ma confiance en moi. C’est la première fois que je conduis en deux ans, depuis que j’ai décroché mon permis au bout de 5 fois. Sur le chemin, je suis morte de trouille, je cale, je fais n’importe quoi. J’arrive quand même dans mon nouvel appartement, il est 3h du matin, je ne sais pas faire mon créneau, un gars dans la rue m’aide. Je dépose mes cartons en urgence, mais au moment de refermer la porte, la clé casse dans la serrure. Arghh. Je reviens à la case départ, je dois du coup remonter tous les cartons que j'avais déjà descendus. Cinq étages. Cinq.

Il est 5h30, je suis épuisée, je m’endors sur mon lit encombré, une, deux, trois heures.

Driiiing.

- Allô, allô ? Je suis chez Serrures Dépannage Express ? Bonjour, je voudrais savoir combien ça me coûterait de changer une serrure de porte blindée ? Comment, pas possible avant trois jours ? Ah, 500€ le jour même? Je vais réfléchir.

- Allô ? Bonjour, monsieur Saïd ? vous vous souvenez de moi, vous êtes venu y’a quelques jours faire sauter une serrure chez moi. Oui, eh bien, il faudrait rechanger cette serrure. Je vous expliquerai. 250€ parce que c'est moi ? Bon. Vous pouvez venir au plus vite ? Parfait.

- Allô ? Déménageurs sur le pouce ? Désolée de vous appeler si tôt, mais seriez vous capables de faire un déménagement en urgence ? Ah, vous venez de Picardie ? Mais vous pouvez quand même être là à 13h30 ? Super. 400€ cash ? Ouh là. Bon d'accord.

- Allô, c’est Miranda. Tu pourrais venir illico presto? J’ai besoin d’aide pour déménager. J’ai besoin d’hommes musclés.

- Allô ?

Scène 22 : LA TENTATION

Driiing (sonnette de la porte).

- Miranda : Ah, mon Dieu, c’est eux, j’en suis sûre, il est 13h05, qu’est ce que je fais ? Pourquoi suis-je si paumée dans cette chienne de vie ?

- Police : Ouvrez, Police !

Pas de réponse.

- Police : Ouvrez, Police, nous sommes avec les occupants légitimes de cet appartement. Sortez immédiatement.

- Miranda : Euh, je vous prie d’attendre. Je dois passer un coup de fil de la plus haute importance.

- Débila + Chiems : C’est fini pour toi, Miranda.

- Miranda : Allô, allô ? Pouvez-vous me passer l’inspecteur Beauduin, s’il vous plaît ? Oui, de la section Police Judiciaire. Il est là ? Dieu soit loué ! Allô inspecteur ? Je suis Miranda Aboal, vous vous souvenez de moi ? Inspecteur, ils sont revenus avec la Police, c'est ça, ceux qui ont failli m’envoyer en prison sur déclaration mensongère. Ils sont aux abois sur mon palier.

- Inspecteur : Ouvrez la porte à la Police et dites-leur que la P.J. arrive de suite. Ca va les calmer.

- Miranda : Merci, inspecteur.

A la Police, sans ouvrir la porte : J’ai téléphoné à la Police Judiciaire qui m’a recommandé de ne pas vous ouvrir tant qu’elle ne sera pas sur les lieux.

- Débila : Ordure !

- Miranda : Ne te plains pas, sur mon palier, tu as encore un toit sur la tête. Ça ne va pas durer longtemps, pépette.

Attente hargneuse. L’inspecteur Beauduin, viril, arrive.

- Inspecteur : Place, place.

Vous, mademoiselle Aboal, vous restez là, je vais leur parler à huis clos. Ne vous inquiétez pas, on va les faire partir pour toujours, ces racailles.

Miranda reste dans l’appartement à attendre. Elle continue ses cartons.

Enfin, l’Inspecteur revient.

- Miranda : C'est bon?!

- Inspecteur, des papiers à la main : Mademoiselle Aboal, reconnaissez-vous ces e-mails ?

- Miranda, très détachée : Non.

- Inspecteur : Mais c'est bien votre adresse mail personnelle ?

- Miranda : Oui, ils ont dû pirater mes codes et s'auto-écrire ces faux mails. Je leur avais offert mon ancien ordinateur portable. Qu'ils ont cassé, d'ailleurs.

- Inspecteur : Vous avez conscience que cette correspondance est la preuve écrite que vous leur demandez de l’argent pour la sous-location ? Et qu'il ne s'agirait donc pas d'un hébergement à titre gratuit, comme vous l’avez prétendu.

- Miranda : Ils sont forts, mais ça ne m’inquiète pas. Car vous êtes un homme intelligent, inspecteur.

- Inspecteur : Je le prends comme un compliment.

Mademoiselle Miranda Aboal, j’ai une question obsédante à vous poser, si vous me permettez. Il me semble vous avoir reconnue dès le premier instant. Chuchotant : Dites-moi la vérité : ce n'était pas vous dans Médée ?

- Miranda : « La beauté des hommes… »

- Inspecteur + Miranda : « …toujours me perdra. »

- Débila et Chiems : Eh, ziva, vous nous avez oublié ou quoi? Nous on s'les gèle là sur ce palier pourri.

- Inspecteur : Messieurs Dames, j'ai le regret de vous annoncer que vous n'avez plus rien à faire ici. Disparaissez au plus vite, si vous ne voulez pas finir votre trêve hivernale en prison. Je garde précieusement votre dossier, ne vous en faites pas, et je le communique à tous les commissariats de France.

- Débila et Chiems : Ouah, ta mère, c'est trop dégueulasse, vas-y, on se tire nous.

- Police : Nous vous escortons avec vos affaires.

- Inspecteur : Et refermez bien la porte.

- Miranda : Inspecteur, c'était moi.

- Inspecteur : Pardonnez-moi Miranda, mais il me semble avoir compris que vous êtiez sans appartement à partir de mercredi. Une telle Médée mérite d'être sauvée. Que diriez-vous d'une sous-location chez un gardien de la paix égaré ?

- Miranda : Fermez les yeux, Inspecteur.

FIN

  • Très réaliste sur la galère des comédiens souvent! Avignon est un lieu dangereux! C'est pourquoi je suis et reste un acteur/auteur amateur. Merci de la leçon!!!

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Oiseau... 300

    astrov

  • Débila, c'est un vrai prénom ? ça me fait penser à Porshia dans les Monty Python... j'aime bien le propos en tout cas, et je te souhaite bien de la réussite... au fait, je reviens de vacances et je croyais que le gagnant du prix public (ou du prix de celui qui a le meilleur profil facebook...) devait être annoncé le 22 ?
    Si tu en sais plus, très chère, je suis preneur des infos... et dans la foulée je me permets de me proposer comme "ami" (ça me rappelle la primaire !), bien cordialement en tout cas, Tom

    · Il y a plus de 13 ans ·
    Yinyang

    gordie-lachance

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