Triangle d'or

Patrick Gonzalez

Commencé en Asie, c'est un film à l'envers,

entre fleuves et rizières, c'est le triangle d'or.

En bas de la montagne, un enfant Thaï est mort

Dans la boue, près d'un buffle, la face contre terre.

 

Un avion vole bas, vive air america, voilà la Cia.

L'opium et sa fumée, ciel sombre trop bas.

Longue vie imparfaite, de regrets, de remords

Fumerie désuète où l'âme quitte le corps.

 

La poudre et ses combines, ici pas de héros,

trafiquants en tout genre, seulement l'héroïne.

Thaïlande, Birmanie, Laos, l'enfer année zéro.

Ce pauvre cœur qui bat au fond de ta poitrine,

 

Dans les champs de pavots, ils jouent avec les âmes.

Ils sont là dans la jungle, poudre blanche, argent sale.

Corruption et misère, j'ai perdu le moral.

Demain je prends l'avion et retour vers Paname.

 

Revoilà l'occident, la France, le printemps.

La première cigarette et le café brulant.

Mais l'oubli ne vient pas, reste éloigné de moi.

Et chaque nuit, je vis d'invisibles combats.

 

Un petit bar désert, aux néons vacillants.

Loin les soldats birmans, loin la jungle birmane

Son odeur puissante, s'accroche à ma mémoire.

Éphémères rencontres, sur le fil du rasoir

 

Octobre soixante-seize, elle n'avait pas vingt ans.

Chaque nuit elle trainait, mi femme, mi enfant,

pâle comme un regret, près du périphérique.

Tremblante, prête à tout, pour le trouver son fric.

 

Son sourire c'est brisé, au miroir maléfique.

Artificielle vie dans un monde désert.

Elle parcourt la ville, pour sa poudre magique.

Le fix dans ses veines, croix de bois, croix de fer.

 

Le rouge coquelicot comme fleur de pavot

Teinte une dernière fois ses lèvres de carmin

Le soleil n'est plus, déjà elle est si loin.

Une main décharnée déjà tire le rideau.

 

La marque des seringues dessine une dentelle,

sur son maigre avant-bras, noire de sang et mortelle.

Elle ne m'écoute plus et cherche son dealer,

Il traine un peu plus loin, pour vendre le malheur.

 

Dernier shoot, dernière heure, elle est partie première.

Assis par terre, je pleure, refermant derrière elle,

la porte de l'enfer, sur ses yeux bleus de ciel.

Terminé à Paris, sur les quais, ce long film à l'envers.

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