TROU NOIR

Virginie

Un homme ivre, ou seulement malheureux , décide de faire le grand saut...

Je ne suis plus qu'une vieille godasse abandonnée, sans lacets, sans liens, avec mes pieds aux chaussettes trouées parce qu'il n'y a personne pour les recoudre, recoudre de fil bleu-ciel le tissu puant qui s'effiloche comme ma vie et met à nue mes croutes. J'ai les trottoirs à mes trousses, et la nuit invite des rues sous mes pas où je me perds toujours un peu plus chaque jour.

La vie m'a mise à la porte de chez moi à grands coups de pieds dans l'cul, depuis je ne suis qu'un vagabond qui essaie de ne pas se casser la gueule dans les flaques de nuit et d'éviter les p'tites rigoles de l'aube qui se foutent de moi parce que je titube encore quand le soleil se lève.

Je vais aller au bout de ce dernier trottoir et me laisser glisser.

Alors me souvenir, une dernière fois…

Mais déjà ton visage s'efface, l'odeur de tes cheveux…

Et soudain il est là, le trou noir de la page blanche, qui absorbe tout : les cris, les écrits, les corps, les amours.
Tant pis, je saute!Et s'il y a une porte de sortie de l'autre côté je reviendrais vous en informer, enfin...si je peux !


Et l'homme sauta dans la dernier page de son manuscrit sur l'écran de son PC..

Mais il ne put cliquer sur « sauvegarder ».

Dommage...

Signaler ce texte