un homme en soldes

Un homme en soldes…

Mesdames, j’en conviens, et je n’en suis pas très fier, ce titre racoleur avait pour but de vous attirer sur cette page… je savais que « homme » et « soldes" accolés sciemment, allaient vous faire sortir du bois, petites louves ingénues  certes, mais génétiquement équipées pour réagir à ces 2 mots-clés dans l’existence d’une femme…

Le but est surtout de vous relater une expérience personnelle, qui risque de vous intéresser, car vous allez découvrir par mes yeux, le ressenti d’un cerveau masculin et du corps qui lui est greffé, lâché au milieu d’affichettes de couleurs fluo, sur lesquels figurent des  pourcentages négatifs variant entre 20 et 70…

Le départ d’un couple « en soldes » a beaucoup de points communs avec le départ  « pour la maternité »… Dans les 2 cas on sait que c’était inévitable, que la date était prévue,  que plus on approchait de la fin et plus cela devenait urgent, que ça allait faire mal en mettant la main à la poche…  De plus au moins un des deux savait que ce n’était qu’un mauvais moment à passer, mais que le moral reviendrait avec les satisfactions présumées, empaquetées dans le sac lourd que vous tenez à bout de bras à la sortie…

Et je dois dire que j’aurais bien apprécié une petite anesthésie péri-durale avant de commencer le « travail » mais Madame a refusé, prétextant que l’anesthésie aurais pu me monter au cerveau et me faire oublier le code de la carte Bleue… c’est donc sur mes 2 jambes que j’ai franchi la porte automatique…là où tout commence… !

Messieurs qui me lisez, quelques principes de base à connaître :

1-   le localisage : je suis toujours stupéfié par le fait que le cerveau féminin, scientifiquement reconnu comme peu outillé pour se repérer dans l’espace (en voiture, sur les pistes de ski, en géométrie)   ce cerveau devient instantanément un GPS (Guidage Personnalisé en Soldes) dernier cri dès qu’il s’agit d’évoluer dans le monde atypique et sectorisé des rayons de vêtements et de chaussures à talon… Ici, point de classification numérique ou alphabétique, la « logique » change de monde, la Géographie des Marques n’est régie par aucune loi, une variante des Jeux de Piste de notre enfance,  où le Bon Sens Féminin sert de boussole…

Sachez juste qu’on ne mélange pas les torchons avec les serviettes, de la même façon qu’au Salon de l’Auto, Porsche et Logan ne se côtoient pas… Ici, les Marques s’imbriquent et voisinent au gré de leur notoriété et surtout, de leur Fashionabilité… Attention à la faute de mauvais goût !

2-   le dénichage : à l’ère du tri sélectif, l’œil féminin est formaté pour  perdre le moins de temps possible pour repérer LE bon article…  Même maquillé, l’œil est particulièrement agile pour vérifier, en une fraction de seconde, la taille, le matériau, l’état des coutures, la température de lavage, si le tissage a été réalisé par des indochinois de 12 ans travaillant 16 heures par jour (là les yeux peuvent se « fermer »), mais une fois que toutes ces informations ont été transmises au cerveau, à la rubrique « bon plan » (à ne pas confondre avec la rubrique « bon coup » … mais l’achat peut amener l’utilisation de cette deuxième rubrique…), le cerveau disais-je, avant de valider le choix, fait un passage obligatoire par le fichier « déjà porté par… », extrêmement important, capital même,  car malheureusement, si la mise à jour de ce fichier n’a pas été faite récemment, cela peut amener un état cataleptique suivi d’un comportement sismique voire apocalyptique, dont vous risquez de faire les frais … Et, pour calmer le jeu, ne tentez pas le « Natacha a le même, ça pourrait être très sympa de le mettre toutes les 2 pour la soirée chez Yves… on vous appellerait les jumelles… » A moins que vous ne soyez suicidaire ou pressé de divorcer…

3-   La cabine d’essayage : Vous avez de la chance et vous êtes taillé « standard », Madame vous a déniché de quoi vous relooker pour toute l’année, les pantalons sur le bras gauche et les chemises et polos sur le droit, voilà qu’une cabine se libère, ça va être à vous de jouer… Vous allez devenir mannequin… Il suffit seulement de trouver où accrocher tout ça, en plus de vos vêtements que vous allez devoir poser, avec à votre disposition 1 ou 2 malheureux porte-manteaux faméliques… Vous quittez vos chaussures en regrettant d’y avoir mariné depuis l’aube, le nuage qui vous enveloppe n’est pas des plus aphrodisiaques, et vous enfilez la première panoplie, enfin si vous avez la bonne taille, car vous vous êtes peut-être vu plus beau que le roi, et le 44 annoncé serait plutôt un 46, avec un fermage du pantalon exécuté au forceps, avec l’impossibilité ensuite de respirer normalement ou de vous baisser pour remettre vos chaussures… Le temps vous est compté, il faut avoir l’œil à tout : la longueur, à quoi vous ressemblez de face et de profil, la fesse est-elle mise en valeur, pas de poches aux genoux, ensuite le haut : longueur des manches, comment sont les épaules, est-ce que ça blouse, vous sentez-vous beau, intelligent et irrésistible ? Vous tournez sur vous–même en constatant que ça ne ressemble pas à la photo où le mec avait pourtant exactement les mêmes fringues…

 Il vous faut un avis féminin, alors vous sortez la tête du rideau et vous cherchez où peut se trouver Madame… Pas en vue, sans doute sur la piste odorante d’un -70%... Vous quittez la cabine, en chaussettes et l’air apeuré, affrontant vaillamment les regards scrutateurs et maquignons des femmes alentours, qui vous soupèsent et jaugent votre plastique, il y a quelques chose qui cloche, ces petits sourires narquois, ces regards commisératifs en coin, vous n’êtes pas vous-même dans ces fringues inconnues, vous redevenez le petit garçon perdu dans le Grand Magasin, avec un peu de chance vous allez bientôt entendre l’appel au micro : « on cherche un garçonnet apeuré, habillé n’importe comment avec des choses voyantes et pas à sa taille… », le rouge vous monte aux joues, les femelles forment le cercle autour de vous,  elles se rapprochent, un éclair bizarre dans les yeux, vous reculez en essayant de rejoindre l’odeur de pieds réconfortante de la cabine, mais la retraite est coupée, elles vont se jeter sur vous pour vous reprendre ce -50%, avez-vous un slip propre au moins ?

Votre gorge se serre… « Alors chéri, tu me fais voir ? » Ouf, vous avez rêvé, le manque d’oxygène dû au pantalon trop serré sans doute… Le rideau s’ouvre et le regard acéré que vous connaissez si bien vous détaille… «  Bon ce n’est pas vraiment ça, t’es vraiment foutu bizarrement, pas d’épaules, tiens-toi bien, t’as vu ton bide ? Et la couleur ça ne t’avantage pas non plus ! Vous êtes vraiment taillés bizarre dans ta famille, c’est comme tes sœurs… pfff, qu’est-ce que je vais bien pouvoir te trouver ? »

  C’est le moment où l’estime de soi décroche, votre image en pied dans ce miroir monumental, avec cet éclairage crû qui rend votre peau blafarde et souligne chacune de vos imperfections… Vous décidez en 5 secondes que l’inscription dans un club de sport devra se faire dès le lendemain pour redonner vie aux pectoraux et autres abdominaux défunts… Finalement, les femmes doivent être un peu masochistes pour s’imposer cette torture et en retirer du plaisir… ou alors, elles ont un mental très fort… Cette pression sociale de l’apparence qu’elles subissent tous les jours...moi je dis bravo !

4-   Le péage : L’heure et demie passée dans les cabines aux 4 coins de l’étage climatisé a rendu son verdict… La Mode a été indulgente et vous a gratifié de quoi resplendir dans vos prochaines sorties… Le sourire fat et les bras chargés, vous vous présentez à la caisse, enfin à l’extrémité de la queue qui mène à la caisse, un serpentin qui va vous laisser le temps de méditer sur la condition de l’Homme, sur sa Vanité, et sur le nombre de chiffres avant la virgule que vous allez bientôt lire sur l’écran du lecteur de Carte de crédit… Trop tard, vous ne pouvez plus reculer, il y a trop de monde derrière vous ! Mais les regards fuyants et fatalistes des autres messieurs vous mettent un peu de baume au cœur… Eux aussi ont cédés, ont plongés leurs bras avides dans des piles de tee-shirts à -50% … !

5-   La Morale de ce déballage :

Finalement, essayons de voir la chose du bon côté… Quelques-unes de vos anciennes tenues vont partir faire des heureux au Secours Catholique, et vous allez pouvoir susciter quelques regards surpris ou intéressés chez votre banquière, votre boulangère ou vos collègues de bureau… Et puis dites-vous que vous faites marcher le commerce local et que vous sauvegardez des emplois (en Chine ou au Vietnam…)  Mais le point fort de la soirée, l’apothéose va être le calcul de ce que vous avez économisé, et c’est toujours un moment extraordinaire : Madame va vous démontrer que plus vous achetez en soldes, c’est-à-dire plus vous sortez d’argent de votre portefeuille, et bien, plus vous faites des économies… si, si ! C’est mathématique… !

Alors détendez-vous Messieurs… et dites-vous que c’est comme la grippe, c’est contagieux, ça rend les femmes fiévreuses, même les plus soignées, mais heureusement elles finissent toujours par s’en sortir, bien qu’elles n’en guérissent jamais !

Et pour éliminer ce virus qui revient tous les ans, les anti-boutiques ne sont ni automatiques, ni efficaces…