un instant

la-louve

Aujourd'hui en entrant dans la salle, je te trouve comme à ton habitude, face au mur,

à l'angle de la pièce, tu tournes le dos aux ouvertures. Mais je ne dis rien, aujourd'hui

je feinds l'indifférence. Je détourne mes yeux, il faut que je resiste, je ne dois pas tomber

dans les abimes de ton regard.

Je vais donc m'assoeir à la table et expose mes outils de communication : des crayons  

bien vieillis et de grandes feuilles colorées, puis je dessine.

J'attends que nos mondes s'entrechoquent, encore.

 Mon crayon sur le papier suscite un son bien peu perceptible, pourtant à ton oreille il

résonne. 

Maintenant, tu sautilles autour de moi, c'est ta facon d'approcher. A ton tour tu émets 

toutes sortes de petits sons, mon indiffference t'irrites. Voilà que tu bondis face à moi par

intermittences, comme pour me demander quelque chose, tu me parles. Alors au moment ou

tu stoppes quelques secondes devant moi, je brandi mon crayon, je l'introduit dans ton

monde.Tu le saisis, le fait tourner, tu l'apprivoises jusqu'à ce qu'il devienne le prolongement

de ton corps, de tes doigts. Tu sembles prêt. Je m'approche et t'accompagne à ma table.

Voila que tu gribouilles, tu gribouilles des spirales étrangement linéaires, toujours enfermé

dans ta bulle.

Alors je tapote les feuilles de mon crayon pour y laisser apparaitre de touts petits

points, provoquant ainsi un bruit bien distinct : top, top ...

Et là, dans une grande euphorie qui t'affranchit, tu t'élances et tapes, tapes, et tapes

encore. Si fort et avec tellement de plaisir, tu en déchires les feuilles. Puis exténué par

l'effort, tu accroches un instant ton regard à mon monde, pour m'y sourire.

Aujourd'hui ce pas nous rapproche.

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