Un sale type.

Hervé Lénervé

Ah, mes voisins ! Je ne préfère même pas aux voisins, mes voisines, c’est pour dire si je suis un sale type.

J'ai des voisins charmants, j'habite dans une impasse où l'on se connait tous. On organise des repas de quartier, on aime les chats !

Le seul problème dans ce quartier calme et aimable, c'est moi, car je n'adore rien moins que de faire chier les gens et mes voisins sont des gens à disposition. C'est mon vivier. On aime les chats ! Pas tous, ma voisine mitoyenne a une phobie sur ce gentil animal à griffes qui tue tout ce qui bouge. Savez-vous que dans le règne animal, le chat est la seule bestiole qui tue sans avoir besoin d'avoir faim, juste pour le fun. Après avoir fait subir le supplice de la torture à sa proie, « tu peux encore espérer t'échapper ! Bé non, t'es cuite, ma souris ! » Dit-elle… (Je préfère les chattes fines, sans aucune allusion grivoise, aux gros matous ventripotents.) Dit-elle, au rongeur en l'envoyant valser à un mètre dans les airs comme une balle que l'on reprend de volée pour l'envoyer voler d'ailleurs, ailleurs, encore un peu plus loin. Puis elle s'en désintéresse, car ça ne bouge plus du tout, même en insistant beaucoup… c'est plus marrant… c'est comme mort, dirait-on ! De plus, elle n'a pas d'appétit aujourd'hui. Tant pis, la carcasse sera bouffée par les asticots et les fourmis qui s'en lèchent déjà les mandibules.

Donc revenons sur le dos, sans allusion salace, de ma voisine. Elle n'aime pas les chats, qu'à cela ne tienne, dès qu'elle a le dos… j'espère qu'elle l'a beau, son dos, depuis le temps qu'on en parle… tourné, le dos, je mets ma chatte dans son jardin pour la divertir un peu et ça marche, elle pare en criant comme une enfant. Ah, ces filles, quand même, de vraies gamines, vraiment !

J'en ai une autre de mes voisines, bien que ce soit un voisin, au demeurant, qui aime bien mettre des robes pour se faire passer pour une grande dame d'un mètre soixante-quinze sans talon. D'ailleurs puisqu'on en parle, moi qui l'ai vu à poil dans son jardin, le voisin, je peux vous dire qu'il est nettement mieux en voisine. Ce qui ne fut pas le cas de toute la communauté, quand j'affichais le cliché que j'avais pris de lui, à son insu et à poil aussi, sur tous les lampadaires de l'impasse. Son secret dévoilé, plutôt que d'affronter les regards narquois à la boulangerie, il préféra se pendre à son noyer dans sa robe de mariée, toute neuve, jamais servie. Chacun fait comme il veut, on est libre et vive la noyée ! Ce qui fut cocasse, ce fut que par strangulation il eut une érection du Diable et avez-vous déjà vue une mariée en robe ajustée bandant comme un cheval ? Drolatique, vous dis-je !

Un jour, dans la rue, tous criaient apeurés le même nom : Marius !

Quel était donc, ce vacarme ? Je sortis pour le savoir. Un gamin de quatre ans avait disparu et tous le cherchaient en s'époumonant de concert… cacophonique de son nom. Le môme s'était caché et bien caché, dans une cavité pour les compteurs d'eau de la rue qui avait été laissée béante. Je le trouvai le premier et après lui avoir fait un clin d'œil avec mon index sur les lèvres pour sceller notre secret, je remis le couvercle en fonte sur la fosse pour parfaire sa cachette. Il dut m'en être reconnaissant, car personne ne le découvrit. Il fallut l'aide des chiens policiers pour trouver son cadavre quinze jours plus tard. Les enquêteurs se posèrent la question comment un gosse si faible avait pu remettre une trappe si lourde (car je suis très costaud). Heureusement que je fournis aux policiers la description du mec que je prétendis avoir vu, c'était celle du macho du 23 bis. Sans mon aide, ils seraient encore en train de rechercher un éventuel coupable hypothétique.

Voilà, je vous le disais, je suis un sale type ! Mais j'assume, le tout étant de ne pas habiter trop près de chez moi et vous verrez que loin de mes facéties bon enfant, la vie est douce et facile dans mon quartier.

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