Une faim acide.

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Elle est assise, dans la cuisine. Elle est assise, les yeux fermés.  Ses parents ont fermé la porte à clé, ils sont partis et ne rentrent qu’après … qu’après un long moment. Elle est assise, devant la table, à la cuisine, les yeux fermés, seule, pour un long moment. Et le placard s’ouvre. Ce salop de placard s’ouvre, elle le voit bien, dans sa tête, que ce connard de placard ouvre sa gueule. « Je suis assise et ma bouche est vide. » Elle se rassure, oui, elle en a besoin, parce qu’elle sait que cela ne va pas durer. Elle sent bien, oui, qu’il est ouvert. Elle tend la main pour fermer la porte. Elle sent sur sa langue, l’envie, elle sent dans son cœur, le manque, elle dans sur son ventre, le vide. Mais pour le moment, elle est assise, devant la table, à la cuisine, les yeux fermés, seule, la bouche vide. Mais sa langue a quitté son palais et glisse le long du chocolat. Elle la rattrape et se promet de la surveiller, cette langue trop gourmande et trop fuyante. Depuis sa chaise elle sent l’immobilité de tout ce qui l’entoure. Son cœur bat. Elle reste sourde. Elle se force. Elle se lève, elle prend ce qu’elle voit, elle avale, se remplit. Encore. De toute manière, la crise est entamée, un de plus, un de moins, peu importe. Le gras, l’huile, le sucre, la cochonnerie, coule, se mâche, s’absorbe. Elle nettoie. Elle nettoie tout, sans penser. Sans penser qu’elle n’aurait pas due bouger, désormais debout, les yeux ouverts, la bouche pleine. La crise est le moment le plus calme, le plus serein, une mer de réconfort, un véritable câlin pour le corps. Ou plutôt une claque du glucose sur le cerveau. L’illusion du sucre. Elle s’en veut, elle s’en veut. Tellement. Ils ne sont pas la, la table est rangée, nettoyée, les sachets dissimulés. Elle peut désormais aller, calmement, nourrir les waters de son mal-être. Elle a le teint pale, les yeux pleins de larmes, l’haleine acide. Elle se couche et s’endort. Parce que dormir reste une échappatoire. La faim n’existe pas dans les rêves. 

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