Zombie !

arthur-roubignolle

Zombie !

(Une histoire sous la moiteur tropicale, histoire de se rafraîchir...)


Quoi de mieux que de mourir vivant ? C'est presque l'idéal en fait...

C'est d'ailleurs bien ce qui faillit m'arriver lorsque j'ai visité Haïti. Attendez donc que je vous narre cette aventure incroyable (qu'est-ce que je me narre moi alors!).

A peine arrivai-je à Port-Au-Prince qu' en bon touriste inconscient je demande à voir un de ces fameux zombie haïtien. Le zombie est une spécialité typiquement haïtienne, au même titre que le boudin antillais (qui lui aussi est d'origine haïtienne en fait...). Bon ceci dit, avec le boudin antillais on risque moins en principe qu'avec le zombie...

Mon guide m'expliqua qu'il était très dangereux de rencontrer un zombie et qu'il valait mieux être armé. Il me confia donc une carabine calibre 12 en me disant : « Surtout visez bien la tête, il faut absolument la faire exploser sinon le zombie continuera à avancer vers vous... »

Autant dire que je n'étais pas rassuré... Je posai une question (de débutant) « Est-ce qu'on peut l'avoir à la machette sinon? »

Mon guide poussa un cri : (pour plus de vraisemblance j'imite ici l'accent haitien) : « Ouh, su'tout pas à la machette, ca' ça met en colè'e le zombie, enfin ça le met enco'e plus en colè'e , ca' un zombie est toujou's en colè'e... »

Moi : «  Il est en colère contre qui, contre quoi ? »

Mon guide : « Mais cont'e tout le monde pa'di, cont'e l'Etat d'abo'd, cont'e les so'ciers su'tout ! »

Moi : Les sorciers ?

Mon guide : « Oui, ce sont les so'ciers qui manipulent le zombie g'açe à la so'cellerie Vaudou ! » (Il est bien mon accent haïtien vous ne trouvez pas?)...

J'étais perplexe, ça n'allait pas être facile cette rencontre avec un zombie, d'autant plus qu'il fallait crapahuter dans la jungle aux alentours de minuit, si possible à proximité d'un ancien cimetière d'esclaves... Pas facile !

Nous partîmes vers 23 heures, mon guide devant, et moi qui n'en menait pas large derrière. Je commençais à me maudire pour cette curiosité qui me pousse à fourrer mon nez partout, ne pouvais-je pas rester tranquillement à la piscine de l'hôtel à déguster des cocktails servis par de jeunes boys ? Comme tous les autres touristes ?

Ce voyage accompagné que j'avais eu en promo grâce à mon magasin Leclerc (avec Leclerc tout s'éclaire!) était loin d'être une expédition pour baroudeurs. Et qui étais-je pour me prendre pour un intrépide aventurier alors que je n'avais jamais dépassé le Leroy-Merlin de la Garennes-Colombes ?

Enfin, maintenant j'y étais, et sous peine de passer pour un couard je ne pouvais plus reculer...

Mon guide, tout en coupant des lianes et en écartant des toiles d'araignées avec sa machette me parla des zombies : «  Les zombies sont t'ès dange'eux ca' ils mo'dent, et ils contaminent ceux qu'ils mo'dent, et quand on est mo'du par un zombie on devient soi-même un zombie et on che'che'a à mo'd'e d'aut'es pe'wsonnes, c'est comme ça que les zombies se 'ep'woduisent. Si on ne faisait 'ien, la te''e entiè'e se'wait envahie pa' les zombies... ».

Je ne répondis rien à cela car j'étais occupé au même moment à me débarrasser d'une ta'entule, pardon, d'une tarentule qui venait de tomber dans mon cou... Je parvins à la chasser mais elle se réfugia dans mon slip, et je partis en hurlant comme un fou droit devant... Mon guide cria (j'abandonne le faux accent haïtien sinon on n'y comprendra plus rien et ça va être lassant) : «  Malheureux, ou allez-vous, ne partez pas tout seul, attendez-moi, vous vous dirigez tout droit vers le cimetière des esclaves décapités, c'est bourré de zombies là-bas, en plus ils adorent les blancs qui s'aventurent seuls sans guide... »

Après une course folle je parvins à écrabouiller la tarentule dans mon slip, (non sans quelques dommages pour certaines parties sensibles de mon anatomie...).

Et c'est là que je le vis, il était juste à cinquante mètres de moi, avançant lentement en poussant des grognements atroces à figer le sang... Ses bras décharnés étaient tendus vers moi. Son visage était bouffi, hideux à voir... Mes mâchoires se mirent à claquer de peur et un frisson glacé me parcourut tout le bas du dos...

Et soudain je le reconnu, c'était mon pote Marcel ! Marcel de Courbevoie, avec qui j'ai fais tant de parties de belote au café des sports de Clichy !

Super étonné je lui demandais : « Ben, keske tu fiches là, t'es devenu un zombie toi maintenant ? »

Il me dit : « Mais non mon vieux, je voulais voir comme toi des zombies mais j'ai perdu mon guide et ça fait quatre plombes que j'erre dans cette jungle à me faire bouffer par les moustiques ! ».

Lorsque nous réussîmes à retrouver notre hôtel deux jours après, il y eut un mouvement de panique général, les gens criaient : « Regardez, deux zombies qui sortent de la jungle, en plein jour en plus ! »

On manqua se faire canarder par le personnel de l'hôtel, certains touristes nous prenaient en photo persuadés d'avoir un scoop. C'est vrai qu' on était pas beaux à voir après deux jours dans la jungle, le visage complètement ensanglanté par les moustiques et les vêtements déchirés par les ronces et les plantes carnivores.

Le lendemain, le journal de Port-Au-Prince titrait : « Deux touristes transformés en zombies ont semés la panique au Plaza Hotel ».

Du coup, comme ça faisait de la pub aux voyages Leclerc (avec Leclerc la vie est moins chère!) ils nous payèrent à Marcel et moi notre séjour...

L'on devint des stars locales, des commerçants voulaient absolument que l'on pose avec eux devant leurs boutiques, on nous emmenait dans les meilleurs boites de nuit...

Même de vieux tontons Macoutes venaient nous serrer la main.

L'on participa à des cérémonies Vaudou où de vrais zombies vinrent nous féliciter pour notre prestation (bien involontaire).

Mais lorsqu'un zombie voulu nous mordre, par simple affection pour nous. Marcel et moi on lui fit exploser la tête proprement au calibre 12...

Non mais sans blague, c'est pas des zombies qui vont venir faire chier un gars de Courbevoie et un gars de la Garennes-Colombes !


(Voici maintenant une recette pour zombifier quelqu'un :prenez deux lézards morts. Des carcasses de crapauds venimeux. De la poudre d'ossements humains. Un ver de terre. De la saponine, de la tétrodotoxine. La tetrodotoxine se trouve dans les poissons globes, demandez à votre poissonnier habituel, pour le reste de la recette adressez-vous à un sorcier Vaudou car ce n'est pas ma spécialité.).

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