à corps perdu...

Intrigante

À corps perdu

C’était une idée magnifique, je me sentais revivre, je marchais sur le sable encore chaud, malgré l’heure tardive, puis cette envie de courir, de sauter, de crier qui me submergea totalement. J’étais libre, libre dans mon cœur, libre dans ma tête. Une explosion de pensées réjouissantes m’assaillit, je ruisselais de joie et je me laissais envahir avec un plaisir sans fin. Je tournais..., ma robe longue rouge me caressait mes jambes fines pour me faire frissonner, comme pour participer à mon bonheur. Je tenais mes chaussures à la main, les bras en l’air je tournais encore et encore, remerciant le ciel de ce moment de félicité. Il était là, à quelques pas derrière moi, m’observant avec passion. Je savais qu’il aimait cette robe, je devinais son regard qui trahissait ses sentiments, il devait suivre des yeux les deux bandes qui me servaient de bretelle, pour maintenir ma poitrine, elles terminaient leur course juste derrière mon cou. Ces deux fines lanières trop longues, qui chatouillaient mon dos qu’il devait aussi admirer. C’était un merveilleux coucher de soleil, je me sentais libre, exemptée de toutes ces contraintes quotidiennes, je me sentais vivre comme je n’avais encore jamais vécu. Il me suivait toujours, avec ce léger sourire qui me faisait craquer, ses mains dans les poches, il me laissait profiter de cet instant qu’il m’offrait, quelque chose de simple me direz vous ? Non, c’était tellement plus que ça. Comme une petite fille trop pressée, je courais vers l’avancée de rochers qui me donnaient la chance de percer cet océan, d’aller encore plus loin vers lui. Le vent se levait, je sentais mes cheveux qui me fouettaient le visage, cette odeur d’iode, de liberté, d’abandon, sans aucune attache. Sur le sable, il ne bougeait toujours pas, telle une statue, il profitait du spectacle que j’offrais, n’attendant rien en retour. Il n’attendait jamais rien, n’imposait rien, il était juste là, lorsque je le désirais. Seul mon visage épanoui était pour lui la récompense de toute une vie. J’avançais encore et encore, plus près du bord, je savais que ces minutes de bonheur touchaient à leur fin. J’observais l’eau, attirée malgré moi par ce trou noir. Je me tournais vers cet homme, qui voyait la femme de sa vie, à chaque fois que son regard se posait sur moi.
Je tendais le bras dans sa direction, il était loin, me souriait, puis me fit un signe discret de la main pour répondre à cet appel. Il ne voulait pas gâcher ce moment de bonheur, ne voulait pas intervenir et me laissait profiter seule de ces instants.
Je mis mes mains devant ma bouche pour intensifier le son de ma voix, il me fallait lui dire.
- Il fallait que je te le dise avant ! criais-je.
- Quoi ? hurla-t-il s’approchant légèrement pour mieux m’entendre.
- Je disais, il fallait que je te le dise ! répétais-je encore plus fort.
Il s’approcha à nouveau pour mieux participer à cette conversation qui pour lui débutait. Je tendis le bras droit devant moi, remuant mon index en signe de négation. Je lui fis comprendre que je ne souhaitais pas qu’il approche, ce qu’il fit avec le sourire, il recula même de quelques pas. Je savais ce qu’il pensait, ce qu’il voyait…j’étais à ses yeux une sirène flamboyante, qui scintillait grâce aux derniers rayons de soleil qui disparaissaient au lointain. Le vent commençait à se faire plus frais, l’océan qui s’agitait juste derrière moi, faisant s’écraser les vagues sur les rochers glissants dans mon dos.
Je remis à nouveau mes mains devant ma bouche.
- Je voulais te dire… que JE T AIIIIIIIIIIIMMMME.
Il arrêta de sourire quelques secondes, puis il répondit imitant ma position pour bien se faire comprendre.
- MOI AUSSSSSI, cria-t-il, depuis toujourssss.
« Je sais » murmurais pour moi-même, me sentant triste et coupable, « mais je ne peux plus te faire souffrir ainsi »
Je reculais d’un pas, puis d’un autre et encore un pour ne sentir que le vide derrière moi. Je remerciais à cet instant le ciel de ne jamais m’avoir donné l’occasion d’apprendre à nager. Je tombais, non sans jeter un dernier regard à l’homme qui me hurlait de faire attention. Puis, je sentis le froid et la pierre contre ma tête et enfin le trou noir…
L’homme qui se trouvait encore sur le sable se précipita et sauta pour essayer de sauver la jeune femme, mais il était trop tard. Il ne trouvait pas son corps malgré ses nombreuses immersions, tout était trop noir, trop profond, il l’avait perdu pour toujours…il ne put que pleurer toutes les larmes de son corps, il lui avait promis de ne jamais faire cet acte définitif, pas elle…

  • Merci, la culpabilité ... pour une femme, elle peut être dévastatrice ...

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Fb img 1499274464706

    Intrigante

  • Je découvre ce texte et me prend une claque dans la figure, telle une vague haute qui s'abat sur moi.
    Joli, bien amené, une fin logique et terrible.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Francois merlin   bob sinclar

    wen

  • Effectivement le "il" est de rigueur, il est vrai que j’aurais pu marquer une différence avec un paragraphe, eh oui je pense que le "trouvait" a sa place, c’est trop radical sinon, merci de vos avis, ils m'aident beaucoup :)

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Fb img 1499274464706

    Intrigante

  • Une première chose, Yannick je ne comprends pas votre commentaire car lorsqu'elle parle de l'homme qui se trouve près d'elle, elle doit bien employé le "il", comment faire autrement? Mathieu, il s'agit bien de "trouvait", car on s'en bien qu'il continue de chercher, elle aurait employé "trouva" pour signaler qu'il avait fini de chercher et moi je crois qu'il est resté des jours entiers à espérer la retrouver. Audrey, comme à chaque fois je suis touché en plein coeur, il est si facile de s'identifier à cet homme, on espère être un jour capable de ressentir un tel sentiment amoureux. Cette femme est plus importante que sa propre vie, cela se sent avec intensité. Votre écriture est profonde, belle et vous avez réussi à faire passer tant de choses. Je ne cesserais jamais de vous lire, je trouve en vous tout ce que j'aime chez un auteur, les idées, le rythme, cet incroyable mélange qui fait naitre une grâce obscure. Vous méritez les meilleurs commentaires, bravo...

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Clown 4 92

    arkhaam

  • merci de vos commentaires :)

    · Il y a plus de 11 ans ·
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    Intrigante

  • ouch, la chute est dure...mais c'est une bonne histoire

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Suicideblonde dita von teese l 1 195

    Sweety

  • Beau et prenant jusque dans la chute, prévisible pour moi. Bravo Audrey

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Version 4

    nilo

  • Là où je faute à chaque fois, imparfait/passé simple, loin de moi cette perfection que j'aspire et qui me fait défaut... merci encore une fois pour votre commentaire

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Fb img 1499274464706

    Intrigante

  • Moi aussi j'ai été entraîné par la chute. Bravo !
    Une remarque également quant au temps (alternance imparfait / passé simple). A la fin notamment. "Il ne trouva pas..." plutôt, non ?

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Sdc12751

    Mathieu Jaegert

  • Merci de votre commentaire et de vos conseils judicieux, c’est un plaisir d’avoir à nouveau des avis sur mes textes, au plaisir de vous lire

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Fb img 1499274464706

    Intrigante

  • J'aime cette narratrice qui au ''je'' est consciente de son effet, de ce que l'homme voit chez elle, n'hésitant pas même à le fantasmer, à l'inventer parce que l'imagination est plus forte que le doute. J'aime sa joie et... sa chute fait mal. Voilà : vous avez réussi cette catharsys avec moi.
    Si je peux me permettre, faites attention en changeant la personne de la narration. Ici, sans changement de chapitre, sans séparation, cela fait mal à l'oeil de passer du ''je'' au ''il''.

    · Il y a plus de 11 ans ·
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    Yannick Bériault

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