A mon grand père

cecile-g

En mars.

A mon grand-père paternel.  

Dans le creux de ta main, je décrypte les lignes de ta vie. Je saisis l’approche de ton sommeil inévitable. Les commissures de ta paume ne retranscrivent pas ton destin céleste. Probablement, qu’une existence après ce grand voyage lumineux n’existe pas.

Or, c’est dans mon cœur amorphe que tu demeures. Tant que je vivrai, des millions d’étoiles filantes découvriront  mon corps. Dans la vallée de mes pupilles elles s’échoueront. Nombreuses, elles seront à ruisseler au cœur des espaces montagneux de mon visage. La rivière enfantera des hameaux peuplés de joyeux petits êtres étranges implantés au milieu de la pleine ronde et rose de mes joues. Sous leurs airs de gueule renfrognée, il n’en reste pas moins déterminé à prendre le temps de vivre.  Une mini bourgade ou j’aspire à la douceur d’une brise amoureuse  ou j’effleure le quotidien maussade. Entre les ruelles suffocantes se balade hilare une brumaille rafraîchissante. Hilare sont les touristes. Ils cueillent par ici, un ou deux raisins, par-là, des bleuets, des coquelicots ou des marguerites. Ils trottent, ils se pavanent sifflotant leur panier en osier d’une main, le chapeau de paille, de l’autre. En chemin, une abeille les titille langoureusement. Agacés par son bourdonnement, les spectres urbains refont surface. Ce serait si primitif et si beau, que quelles heures durant, une paix sage envahisse leur âme. Qu’ils puissent s’abriter des pollutions anxiogènes dans le silence des conversations ; la brise chantonnerait alors musicalement les secrets de sérénité des ancêtres. A l’instar du mutisme des enfants en deuil ; les cris plaintifs des oiseaux, la bourrasque sauvage, le frôlement des brins d’herbes, le tapage des pas des touristes s’achèvent et planent sur leurs lits l’extase du dernier soupir.  Lentement cette mémoire d’un autre temps s’évanouit au sein des nuages azurés, fuyards. Quel étrange manège de les voir se débattre inutilement contre une bestiole minuscule. 

En mai, tu es parti. A présent, ce cours d’eau frémit sous les baisers bouillant du soleil qui crayonnent sur les vaguelettes ton sourire ; à nouveau. J’oublie à cet instant précis toute ma douleur de t’avoir  perdu. Une once de silence. Un été ou le beau temps vint. S’envola avec le vent mes bises humectées d’étoiles qui s’éclipsent à travers les souvenirs.

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