A ta place

Tu sais Mila, j'aurais voulu avoir le courage que tu as eu parfois. Le courage ou la lâcheté, je ne sais pas. J'aurais voulu avoir la rage au point de faire comme toi, et me laisser porter par les rails qui m'auraient pas emmené si loin que ça... A trois rues de là. Il y a des moments où c'est vrai, je ne me l'avoue pas, mais j'aurais bien voulu finir comme toi. Parce que ma tête tourne sans s'arrêter, et que j'le supporte plus vraiment tu vois.
Tu sais Mila, j'aurais voulu que toi ça ne t'arrive pas. T'étais une fille tellement bien, tu ne le méritais pas. Mais moi, je le sais, qu'il y a plein de fois où j'me dis ouais, je le mérite. Je mérite de finir comme toi. La tête contre le fer froid et la terre, la bouteille explosée auprès de ton corps. Et que peut-être certains soirs, certaines fois, je ne le mérite pas. Mais à partir du moment où t'as fait une connerie, tu ne penses plus qu'à ça tu vois.
Tu sais Mila, quand je regarde ses yeux qui me crient que je ne suis qu'une conne parce que j'ai tout brisé en mille morceaux, quand je pense à ça, j'me dis que ça aurait été bien si j'avais été à ta place ce soir-là. Ce soir-là ou ces autres soirs, quand les bus happent des jeunes filles la nuit ou quand des mecs bourrés se menacent d'un flingue et se déglinguent la tête à coups de couteaux. J'aurais pu mais je ne m'y trouvais pas.

“Il n'existe aucun moyen de vérifier quelle décision est la bonne car il n'existe aucune comparaison. Tout est vécu tout de suite pour la première fois et sans préparation. Comme si un acteur entrait en scène sans jamais avoir répété. Mais que peut valoir la vie, si la première répétition de la vie est déjà la vie même ? C'est ce qui fait que la vie ressemble toujours à une esquisse. Mais même “esquisse” n'est pas le mot juste, car une esquisse est toujours l'ébauche de quelque chose, la préparation d'un tableau, tandis que l'esquisse qu'est notre vie n'est une esquisse de rien, une ébauche sans tableau.” - Milan Kundera