Ana.

Vous m’appeliez « la grosse ». Regardez-moi dans les yeux.
Je vous demande de déceler en moi la seule lueur qui puisse encore exister. La voyez-vous ? 

Je suis camouflé derrière ma veste un peu trop grande et mon pantalon beaucoup trop ample. J’essaye de cacher la frustration dans mes regards et aussi les abondantes mutilations sur mon bras, celle suscité par mon poids. 

Hier j’étais « la grosse » aujourd’hui je combats. 
Je me bats contre ce mal qui m’use, contre cette phobie de la nourriture qui me gagne tous les jours avant de me nicher sur ma chaise devant cette table. 

Je m’emprisonne dans ma chambre, mon seul asile hors de la vue de tous. Même si je prenais le temps de vous expliquer vous ne comprendriez pas. 

Je suis là, face à mon miroir, face à mon cauchemar, face à moi. 
Je m’analyse avec dégoûts. Me regarder dans le miroir est une agression. Je sombre dans le fond de mes yeux, le fond de mon reflet et la seule chose qui apparaît ce sont les os qui ressortent de mes épaules, de mon ventre. 

Quand je tourne le dos à mon reflet, à mon regard j’observe ma carrure à travers cette peau si fine que l’on pourrait la transpercer avec une cuillère. 

Je suis noyée dans le déni, l’enfer, et la seule sortie possible est la mort. 
Ces soirées passé à m’examiner en essayant de me persuader d’arrêter de repousser ce bout de pain, mais c’est tellement rude, alors cette soirée je la finirais à l’hôpital. 

C’est l’histoire de ma pitoyable vie, je me bats contre la mort, contre les gens qui ne savent rien, contre ces personnes qui se contente juste de me juger. C’est à cause de vous que je suis là. C’est à cause de vos surnoms absurdes sur mon poids.

© Les textes de Léa.