Authentique et célèbre ?

Je suis monté au dernier moment

Le tram démarre

Le premier arrêt est annoncé

Nous tournons lentement

Doux bruit de roulements

Les portes s’ouvrent

Première fournée de voyageurs

Jolie fille qui passe

Gazelle maussade

Jeune homme sur de lui la suit

Chasseur sans peur

Un enfant babille et rit

Un rayon de soleil illumine ma page

J’écris dessus

Ligne droite le tram accélère

Ça ronronne

Et on entend la voix qui annonce

Prochaine station Baggersé

Une fille en jupe verte s’apprête à descendre

Le tram s’arrête

Je relève les yeux

La jupe verte s’en est allée et ses jambes avec

Deuxième fournée de voyageur

Mais personne ne s’installe à mes cotés

Je prends trop de place avec ma jambe croisée

Sur laquelle repose mon cahier

Je me demande comment ça se passerait si je devenais célèbre avec mes poèmes

Et là je vois

Une fille blonde, lunettes en écailles, talon hauts et collants dentelles de fleurs noires et chair abordée par un type en short et nus pieds, coiffé d’un bob avec un sac de randonné.

Pourrais-je seulement continuer à en écrire de tels s’ils devenaient célèbres mes poèmes

Sans doute que des voyageurs s’installeraient à mes cotés pour me lire ou qu’ils me feraient des grimaces rien que pour que je les écrive

Mais Je ne suis pas encore célèbre

Je me réinstalle de manière à laisser un peu plus de place à mes cotés

Une jolie fille vient de monter

Elle reste debout

Et c’est un vieux monsieur, bedonnant et rougeaud, avec de la moustache et une casquette qui s’installe

Il s’en fout que je l’écrive

Je ne suis pas encore célèbre

Mais si je l’étais est-ce que ça aurait encore un intérêt ce que je fais ?

Si certaines filles coquines me montraient des bouts d’elles rien que pour que je les écrive

Je n’aurais sans doute plus qu’envie de les regarder

Mon art s’étiolerait

Ma plume n’arriverait plus à poétiser tous ces passagers excités qui s’exhiberaient pour que je les écrive

Quoi que…

Je pourrais juste essayer

Je pourrais peut-être me les imaginer

Tels qu’ils seraient si j’étais célèbre

Juste pour les écrire comme ça

Par exemple cette jeune et jolie brune appétissante

…

Non, j’ose pas je peux pas

Le vieil homme bedonnant et rougeaud avec la moustache et une casquette se racle la gorge et se gratte la cuisse à mes cotés

Ce ne serait peut-être pas si bien que mes poèmes deviennent célèbres

Parce que s’ils le devenaient, je m’en foutrais de continuer à écrire des poèmes comme ceux là

Je profiterais pleinement des voyages

Parce que je ne peux pas en même temps vous regardez et vous écrire

Et si j’étais célèbre vous ne seriez plus les mêmes

Vous vous montreriez tel que vous n’êtes pas

Et je ne pourrais plus vous écrire tel que vous êtes

Vous que je ne regarde pas assez

Pendant ce voyage J’ai à peine relevé la tête

Et J’arrive à mon arrêt

A bientôt dans un autre tram

Je vous y écrirais tel que vous y êtes.