« Connard ! - Moi aussi je t'aime, salope. »

briseis

« Depuis quand êtes-vous ensemble ? - On ne l'est pas. »

« Pourquoi est-ce qu'on se déteste, déjà ?
- Je crois que tu m'avais volé un jouet, à la maternelle. »  

On se regarde, on tourne l'un autour de l'autre, on se jauge, on se juge. Les gens dansent et nous autant, seulement, quelque chose qui ressemble plus à la capoeira qu'au tango. Il arrête ma gifle d'un mouvement sec, et sa main se fait entrave à chacun de mes mouvements. Mon dos heurte une poutre et il m'impose son corps comme barrière à toute échappatoire. Nos yeux se croisent, s'amusent. C'est ça qu'elles ressentent, les filles dans les films, plaquées contre un mur ? Un désir brûlant mêlé à une haine rancunière. Le genou que je réservais à son entrejambe est bloquée dans son élan, et son poing calleux devient caressant. Ses doigts s'enroulent autour de ma cuisse, remontent ma robe. Griffent ma peau. Il m'attire à lui d'un mouvement sec, comme si ses bras me menaient comme une marionnette. Et cela lui plait, de guider mes mouvements et d'enfouir son nez dans mes cheveux. Il respire et j'entends son cœur qui bat. Entend-il le mien ? Et je le repousse, mais il me retient, et l'envie de le frapper est si forte que je peine à la contenir, mais il empoigne mes hanches, me force à valser sans que quiconque ne remarque notre petit manège. C'est à mon tour de planter dans sa chair la marque rouge de mes ongles, de le saigner à vif. Il grimace, à peine. Et me sourit. Ce sourire parfait de dentiste, avec cette lueur taquine au fond des yeux et cette expression toute entière qui semble dire « Je vais te manger ! ». Et on tourne, on virevolte, l'un contre l'autre, parfois plus près qu'on ne l'aurait jamais cru. Comment ça, je ne t'ai pas encore tué ?
On se hait toujours, n'est-ce pas ? Mais peut-être qu'à force, on a finit par se tromper. S'attend-il à ce coup-là ? Ma bouche sur la sienne, mes crocs sur ses lèvres. Et je mords, et il m'embrasse, coûte que coûte, même si je sens sur ma langue rouler des perles de son sang.

« Qu'est-ce que tu veux de moi ?
- La réponse est dans la question. »

Je n'ai pas saisi avant que l'élastique d'une culotte en dentelle, la mienne, en l'occurrence, ne claque et me brûle l'aine.
Voilà donc ce que tu veux ?
Viens le chercher.
Et la musique change, les couples se divisent, on reforme les duos. Et je n'ai pas besoin de le regarder pour savoir qu'il me suit des yeux alors qu'il prend par les mains une si jolie blonde. Et il glisse ses mains sur ses formes opulentes, et je ne suis pas jalouse. J'en fais juste de même. Les notes s'élèvent, invitent au mouvement. Je lui marche "accidentellement" sur le pied. J'espère qu'il a senti les huit centimètres et demi de talon qui composent ma chaussure. Il n'a pas le temps de se venger, et attend le prochain tour de manège.
Il capture l'une de mes boucles noires, et la tire, violemment. Et ma mâchoire se serre. Peu importe.


C'est lui qui me rattrape lorsqu'un peu plus tard je tombe, lorsque la danse touche à sa fin, et qu'à minuit, enfin, la soirée peut commencer. Les autres mangent et nous en sommes encore à jouer, au chat et à la souris.
Il abandonne sa veste sur le dossier d'une chaise. Je bats en retraite dans un couloir moins peuplé.
Me suivras-tu ?
Tu n'en as pas l'audace.
Il faut croire que si. Il avance, assuré, desserrant sa cravate, déboutonnant lentement sa chemise immaculée. Je l'observe, amusée, alors qu'il me scrute et me déshabille probablement dans sa tête. Son regard me parcourt, de long en large et en travers. Je souris. Je l'attends. Je compte les pas qui nous séparent et je reste immobile, appuyée contre un mur, je patiente.
Jusqu'à ce qu'une main se niche contre mon cou. Entoure ma gorge comme les serres d'un aigle. Il n'aura ni la force ni le courage de m'étrangler pour de bon. Mais je laisse faire, je le laisse croire encore un peu qu'il a ma vie entre les mains, le pouvoir de me briser la nuque et de mettre fin à ma vie. Mais cela mettrait aussi fin au jeu, n'est-ce pas ?
Voilà ce qu'il redoute. Que nous cessions cette course poursuite qui le met tant en joie. J'ouvre la bouche, mais je n'ai pas le temps de parler. Je n'ai rien à dire, de toute évidence. Il me rend ma morsure, dévorent ma lippe comme s'il s'agissait de son dernier repas. Voilà donc comment nous évacuons toute l'ire qui nous ronge les veines depuis plusieurs années. Pourquoi, déjà ?
Je ne sais plus. Colère de principe. C'est la plus tenace.
Jusqu'où iras-tu ?
La réponse m'est donnée par son bras qui s'empare de ma taille et me soulève. Calée contre le béton, quel autre choix me reste-t-il, si ce n'est de m'appuyer sur lui ? Voilà comment, voilà pourquoi mes jambes l'encerclent et me soutiennent. Sa poigne de fer remonte mon jupon sombre, je ne résiste pas.
Je te veux.
C'est ça, qu'on devrait dire ?
On ne dit rien, plus rien. On s'embrasse, je crois et de toute façon je m'en moque, puisque ses doigts me parcourent et m'apprennent. Mes défenses sautent, une à une, en même temps que les couches de vêtements qui doucement jonchent le sol.

« Joli grain de beauté. »

C'est son souffle qui se perd quelque part près de mon oreille, ses dents qui la mordillent. Duquel parle-t-il ? Celui en forme de demi-lune, peut-être, collée sur ma fesse droite. Ou le rond, délicat, posé sous la ligne du maxillaire.
Il fait chaud.
Il a toujours fait chaud.
Maintenue contre lui je suis comme prise au piège. Victime consentante, je déboutonne sagement, avant d'arracher complètement le reste de sa chemise en soie. Je crains qu'il ne m'en tienne pas rigueur longtemps. Ses soupirs m'écorchent les oreilles comme chacun des mots qu'il a jamais prononcé, et son odeur délicieuse me gâche l'envie de le tuer sous de nombreuses blessures au couteau. Je m'oublie, je l'oublie.
On ne s'effleure plus, on ne joue plus. On se pelote franchement.

Je me demande comment nous en sommes arriver là.
Dans un lit, nus, sans plus nous toucher après avoir passé des heures entières à faire l'amour.
Je n'aime toujours pas cette expression. C'était animal, instinctif. Peut-on toujours dire qu'on se déteste, même si l'impression la plus présente au fond du ventre, c'est du désir, pur et dur ? Une envie, un besoin, c'est tout et c'est pas grand chose. J'hésite encore à l'étouffer sous un oreiller en plume.

« Faire l'amour » quand on ne s'aime pas, ça compte quand même ?

  • « Faire l'amour » quand on ne s'aime pas, ça compte quand même ?

    Me suis toujours posé la question

    · Il y a plus de 6 ans ·
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    Marcus Volk

  • Pas mal du tout en effet.
    J'aime beaucoup ce jeu,. Bien tourné.

    Et je vois qu'entre Julie et Blackowl, on se retrouve en bonne compagnie sur les commentaires de ce texte.
    C'est donc un gage de qualité supplémentaire.

    · Il y a plus de 9 ans ·
    Francois merlin   bob sinclar

    wen

    • C'est trop aimable :D Je vous aime, les gens, quand vous aimez mon talent *sifflo

      · Il y a plus de 9 ans ·
       .(15)

      briseis

    • Une bise à Wen au passage ♥

      · Il y a plus de 9 ans ·
      Juliehuleux 45

      Julie Huleux

    • Eh oh ! Trouvez vous une chambre ! :P

      · Il y a plus de 9 ans ·
       .(15)

      briseis

  • Han ♥
    La tension sexuelle, quel jeu délicieux...
    Superbement mis en scene et en plume. J'adore !
    coup de coeur, évidemment.

    · Il y a plus de 9 ans ·
    Juliehuleux 45

    Julie Huleux

    • Merci, c'est trop gentil ! Moi aussi, j'ai beaucoup aimé mon texte :P

      · Il y a plus de 9 ans ·
       .(15)

      briseis

  • J'étais persuadée avoir déjà lu ce texte.. je vois que je n'ai pas commenté alors je me dis que non, puis je lis.. et là je fais "aaaah il est trop bien ce texte.." et jme rends compte que j'ai mis un coup de coeur! ahah, normal. J'adore ce texte, il est magnifique!

    · Il y a plus de 9 ans ·
    Cat

    dreamcatcher

    • Merciiii ! Cela me fait trop plaisir :3

      · Il y a plus de 9 ans ·
       .(15)

      briseis

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