Derrière la vitre

Michele Hardenne

Derrière une vitre

Elle était assise devant son écran et le regardait, dans l’attente que s’affiche le message auquel elle s’était habituée depuis deux mois.

Ce matin-là, elle s’était levée de bonne heure, avait fait un peu de rangement dans le deux pièces qu’elle occupait.

Elle ne disposait que de peu de mobilier.

Dans la première pièce, elle possédait un lit, qu’elle avait placé près de la fenêtre ; un meuble bas lui servant de table de nuit et sur lequel trainaient des livres et revues en pagaille ; un verre d’eau à moitié vide, un réveil et le téléphone. Une petite table, deux chaises en bois verni, un meuble de cuisine comprenant un évier et un plan de travail sur lequel étaient posés un micro-ondes, et un percolateur. Un frigo et une cuisinière, ainsi qu'une penderie, complétaient l’essentiel de ce qu’elle possédait.

La deuxième pièce était une salle de bains équipée d’une douche, d’un lavabo, d’un wc et d’un placard, dans lequel elle stockait des produits de nettoyage, et quelques réserves de nourriture.

Quand elle est arrivée dans cette ville, il y a trois ans, elle avait un travail. Elle avait trouvé son logement en lisant une annonce sur un site web, il devait être provisoire, le temps d'obtenir un appartement plus confortable.

Depuis six mois, elle avait beau s’inscrire dans des agences d’aide à l’emploi, elle n’en recevait aucune nouvelle.

Les faibles allocations qu’elle percevait, ne suffisaient plus à payer le crédit de sa voiture.

Les factures en attente de paiement s’amoncelaient dans la soupière posée sur la table, elle en attendait les rappels et proposerait de payer leur montant en plusieurs fois. 

« Plaie d’argent, n’est pas mortelle » lui avait écrit Louis.

Louis, elle l’avait rencontré, sur un réseau social.

C’est une collègue du bureau qui lui avait renseigné le site.

Elle s’y était inscrite et sur très peu de temps, la liste de ses « amis » était passée à quarante.

Elle restait des nuits entières à correspondre et à échanger des moments de vie, avec des personnes au nom aussi étrange que Capsule, Loupgarou, Nymphedelune, et puis un soir, elle avait lu sur l’écran de son PC, une demande « d’ajout d’ami » au nom de Louis.

En discussion instantanée, Ils partageaient dans ce monde virtuel, leur vie en direct.

Ils se souhaitaient le « bonjour », prenaient un « café », parlaient de la pluie et du beau temps, et finissaient par se souhaiter une bonne nuit, remplie de rêves doux accompagnés d’un « tendre bisou ».

Depuis, qu’elle restait chez elle, elle avait pris l’habitude d’allumer son PC dès son lever, et tout en prenant sa première tasse de café, elle envoyait à son ami son « bonjour » matinal.

Il ne lui fallait pas plus d’une minute, pour recevoir de gentils mots en retour.

Elle tapait sur son clavier, aussi vite qu’elle aurait pu les lui dire en parlant, ces mots qui allaient ensoleillés leur journée.

Louis vivait seul, dans un autre pays, à des milliers de kilomètres d’elle.

Mais la distance, calculée en ondes, ne signifiait plus rien.

Elle était assise devant son PC, elle attendait que s’affiche l’écran, elle espérait qu’elle pourrait encore lui  écrire, une dernière fois et lui dire « au revoir ».

Il faisait si froid dans ce deux pièces, elle n’avait plus de chauffage.

Elle n’avait pas pu se faire une tasse de café, qu’elle aurait prise entre ses mains glacées et qui lui aurait apporté un peu de chaleur.

Elle plongea sa main dans la soupière et en ressortit une lettre du fournisseur d’électricité, il l’avait prévenu à plusieurs reprises, mais elle pensait qu’elle trouverait une solution et que tout allait finir par s’arranger.

Derrière une vitre, elle voyait le monde, mais ce matin, le volet s’est fermé.

M.H. 

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