Dick 4
eaven
Ça fait maintenant deux mois que je vis avec Sandrine. C'est novembre, il commence à faire froid. J'ai quitté ma femme et ma fille en septembre, trois semaines après que je suis rentré. Elles, je les avais expédiées une semaine avant, pour être constamment avec ma belle brune. Ma femme l'a pas bien pris. Elle ne se doutait de rien, qu'est-ce qu'elle était conne quand même. Enfin, je ne sais pas, quand elles sont gentilles et très amoureuses, elles n'imaginent rien. La tête dans les plumes du nid. Elle a eu l'air d'une folle, elle a hurlé que je ne reverrai jamais la gosse. Déjà, je ne la voyais pas beaucoup. Ce ne serait pas bon pour mes affaires que je fasse appel au juge. D'ailleurs, je lui laisse tout. J'en ai rien à cirer. La petite va me réclamer et sa mère n'aura pas le courage de couper tous les ponts, j'attends, je ne suis pas à quelques mois près. Je la récupèrerai quand je le voudrai.
Sandrine a planté le CRS, il n'a pas moufté, rien hurlé, pas menacé non plus. Elle m'a dit qu'elle avait vu ses larmes pour la première fois et que ça faisait bizarre de voir pleurer une armoire à glaces. Il a dit « Va, tu sauras où me trouver le jour où tu auras compris pour quel genre d'homme tu me quittes ». Tu parles, il a dû se rencarder sur mézig. Il ne bouge pas pour qu'elle ne le déteste pas. Mais t'inquiète bonhomme, tu peux toujours attendre, celle-là je vais la garder.
On a emménagé dans un petit pavillon à Montfort-L'amaury. Vu de l'extérieur il a l'air minable, c'est ce qu'il faut. Le quartier est calme, presque planqué, mais l'endroit est classieux, historique, parait que toutes les huiles dans les années soixante y avaient une belle demeure comme ils disaient. J'ai payé en liquide à un notaire qui avait l'habitude, un gars que Papa connaissait du temps de ses activités de livreur.
Ma tigresse ! Elle griffe, elle mord aussi bien à pleines dents qu'en me traitant de cave. Je sais qu'elle est amoureuse, les détails ne me trompent pas, dès que je l'approche, elle prend feu en mouillant. Pourtant elle n'est pas facile, c'est la seule nénette qui ose m'affronter. Elle est jalouse comme une femelle, fine mouche, elle n'en parle pas. Elle fait comme si ça ne la concernait pas, comme si c'était elle qui pouvait se faire la belle. En fait, elle ne me passe rien, parfois elle me suit, elle me fait rire : imper, foulard, lunettes noires, très détective à la petite semaine. Elle oublie juste un truc : des jambes comme les siennes y en a pas d'autres à Paname. Pour un rien on se dévore, elle m'injurie, je la traite de cinglée, on est fous l'un de l'autre. On joue tout le temps, on part en Italie au milieu de la nuit, on fait l'amour sur les plages privées des palaces, on se raconte des histoires pendant des heures, du soir au lever du jour. Je ne compte rien pour elle, c'est à moi que je fais la fête. C'est la première fois que je me sens vivre. Avec elle je suis quelqu'un et ce quelqu'un je le réinvente chaque matin. C'est la passion quoi. Une sensation nouvelle pour moi. Je découvre l'effet qu'elle me fait et c'est pas de la camelote.
A propos de camelote, j'ai dû intensifier le bizness. L'argent coule à flots. Je prends de plus en plus de risques, je veux qu'elle ne manque de rien, je la couvre de bijoux, de manteaux, je rapporte des meubles, des beaux, d'époque, de la porcelaine, des ivoires, des jades et de la quincaillerie en argent massif. Je crois qu'elle s'en fout mais le temps d'un instant, elle a quand même les yeux qui brillent. Il faut que je fasse gaffe : je fais tellement de coups que j'ai toujours peur de la petite erreur de fatigue, le détail qui te signe.
Parfois je suis tellement plein aux as que je sais plus quoi faire des Bonaparte. J'ai fait un petit détour, l'autre jour, par Enghien, je suis entré dans le casino et j'ai joué à la roulette et au chemin de fer. Ca m'a plu. Depuis j'y retourne presque tous les jours. La sensation de vertige comme si tu sautais du vingt-cinquième étage quand tu piges que tu viens de perdre une brique comme ça, en un coup. La gagne je m'en tape, la thune je la fabrique comme je veux, mais perdre, c'est grandiose, l'adrénaline qui monte, le stress, le bon. Comme une bouffée d'amphétamines. Presque aussi bon que faire l'amour à Sandrine.
Oui, y a pas à dire, je suis heureux. Tout se goupille bien, je mène les affaires, je m'emmerde pas une seconde et j'ai la plus belle femme du monde dans mon lit.
Et allez ! Encore une claque pour ceux qui suivent la série Dick ! Quelle ellipse fantastique ! Dans les commentaires tu demandes si l'homme est crédible. Bien sûr qu'il l'est. Je n'irai pas dire qu'il s'agit d'une pensée purement masculine (j'ai rencontré des femmes ainsi), mais le personnage est bien présent.
· Il y a plus de 12 ans ·Léo Noël
Je débarque dans un monde où je ne fais que suivre les ornières d'habitués. Je trouve l'écriture superbe et le fait d'endosser une peau de femme et ensuite un peau d'homme est un exercice pas évident du tout. Le miracle de l'écriture est justement, il me semble dans cette magie qui fait que l'on modèle ses personnages à notre façon. On les pare de vêtements d'emprunt, on en fait des durs à cuire ou des mous à dévorer...chacun y retrouve un exemplaire rencontré ou un être nouveau.
· Il y a plus de 12 ans ·En tous cas, je la préfère femme, mais je suis une femme...comme quoi, vu le partage des zopinions, la cible est atteinte avec talent...
lyselotte
J'ai passé un joyeux moment à vous lire, vraiment j'm'ai bien rigolé tousseule. Ma question en fait n'était pas tout à fait celle-là. Rooooh, elle nous gonfle celle-la avec ses questions :)
· Il y a plus de 12 ans ·Des mecs comme ça y en a, c'est sûr. C'est pas ça que voudrais savoir, c'est si les hommes se parlent en dedans comme ça. S'ils ont ce genre de mots, s'ils voient les femmes comme ça, enfin pour ce qui est de ce genre d'homme , vous voyez ? Est-ce que les mots sont assez viriles, quoi, ou pas assez ? Moi je sais pas, je retrenscris, j'écoute, j'imagine, mais chuis pas sûre. En tout cas on s'marre bien sur WLW !
eaven
Bon, Eaven, il est vraiment très crédible ton Dick, je trouve. Sincèrement. Je suis sure qu'on en connaît tous....
· Il y a plus de 12 ans ·bleuterre
@Moody : Certes ! j'attends son point de vue à elle cependant.
· Il y a plus de 12 ans ·Et oui, c'est une évidence, c'est super bien ficelé. Eaven, on attend !!!
wen
@Wen : Elle s'installe avec lui et quitte son CRS, elle cède pas mal non ? :)
· Il y a plus de 12 ans ·C'est là où on voit que l'histoire est bien ficelée : on en vient à débattre ! ^^
Moody
tout est au premier degré en l'occurrence :)))
· Il y a plus de 12 ans ·reverrance
sinon pour canaliser l'émotivité j'peux te conseiller quelqu'un RIRES
· Il y a plus de 12 ans ·reverrance
Il y a déjà les pré-ventes ?
· Il y a plus de 12 ans ·wen
Il a raison Wic - pour l'éditeur tu vois Oscar et je te fais la relecture pour les fOtes :)))
· Il y a plus de 12 ans ·reverrance
Excellent !!! Eaven, j'accroche comme un fou. Quand je parlais d'hameçon et de petit ver appétissant, punaise, c'est moi qui suis totalement accroché !
· Il y a plus de 12 ans ·Alors sinon, pour répondre à ta question, bien sûr que le Dom' il est crédible, et plutôt deux fois qu'une !!! Des types comme ça, on en a à la pelle sur la Côte d'Azur ("la thune je la fabrique comme je veux", si je te dis que je l'ai déjà entendu tel quel à la terrasse d'un café miteux par un type genre magouilleur italo-croato-siciliano-corse, tu me crois ?)
@Moody, je ne suis pas du tout d'accord avec toi, on ne sait (encore) rien de Sandrine depuis leur rencontre. Tu parles de faible volonté mais, sans faire de plans sur la comète, absolument rien ne dit quel est son point de vue depuis leur rencontre et je ne mettrais pas ma main à couper qu'il y ait "muraine sous cailloux" comme disait ma grand-mère...
wen
oh oui crédible!!!
· Il y a plus de 12 ans ·excellent!!hate de voir la suite...
Sweety
des fois j'aimerais que ma lucidité me lâche :))))
· Il y a plus de 12 ans ·reverrance
moi je suis sure qu'en cherchant peu on en trouve des personnes comme cela
· Il y a plus de 12 ans ·enfin moi ce que j'en dis...
reverrance
Excellent ! Je trouve le paradoxe de Sandrine très intéressant. Sa lucidité vis à vis de ce type s'oppose à la faible volonté avec laquelle elle lui fait face. En ce sens je la trouve très réaliste. Point de vue masculin :). Je préfère également ses discours.
· Il y a plus de 12 ans ·Et pour répondre à la question : Oui, des mecs comme existent, plus ou moins nuancés certes, mais cette psychologie atypique est pas mal retranscrite dans le texte.
Moody
Ce que je voudrais que tu me dises Wic, c'est si l'homme est crédible. Ce genre d'homme tu ne le connais peut-être pas intimement mais est-ce que sa façon de ressentir est possible d'un point de vue masculin ?
· Il y a plus de 12 ans ·eaven
t'es inspirée ! ! C'est du bon !
· Il y a plus de 12 ans ·reverrance