Disparition

-         Le 121 !

Putain, c'est moi ! Ça va faire plus  de deux plombes que je patiente aux limites de la mienne. Le flic de service me reçoit derrière le guichet, tout le monde peut entendre.

-         J'ai ! J'ai ! le 121, c'est moi !

-         Oui ! c'est pourquoi ?

-         Disparition !

-         De quoi ? Une voiture ? Une moto ? Un smartphone ?

-         Ma femme !

-         C'est une personne ?

-         Oui ! on peut le dire comme ça !

-         Voilà ! Faut être précis. L'informatique ne supporte pas l'à-peu-près. Je marque, donc, femme = personne = rien, voilà pourquoi il n'y a pas de case pour « personne » ! Depuis longtemps ?

-         Pardon ?

-         Depuis combien longtemps votre personne a-t-elle disparue des rues ? Une heure, un jour, une année, un siècle ?

-         Mais enfin, je suis venu dès que j'ai constaté sa disparition… voyons… disons une petite semaine, au plus.

-         OK ! Cool ! Je marque, « Le temps de venir au commissariat, alors ? »

-         Oui ! disons comme cela !

-         Votre femme est-elle pucée ?

-         Pardon ?

-         De rien ! Vous ne m'avez pas encore insulté.

-         Comment cela, pucée ?

-         Oui ! A-t-elle une puce d'identification géo-localisable-satellitaire- à-poil-dur.

-         Bien sûr que non, voyons ! Ma femme n'est pas un objet. Pour qui me prenez-vous ?

-         Dommage ! On aurait pu la retrouver en deux minutes. C'est bête ! et en en parlant justement, vous en avez des bestioles ?

-         Oui ! J'ai un chat, mais quel est le rapport ?

-         Il est pucé, votre chat ?

-         Bien sûr, nous sommes des propriétaires responsables, que croyez-vous ?

-         Oh, moi, je ne crois rien, je note, c'est tout ! Mais votre greffier disparait, on vous le retrouve tout de suite, tandis que votre femme et il va falloir enquêter et c'est plus long et même beaucoup plus long et tout ça, le plus souvent pour rien. Vous auriez dû la faire pucer.

-         Ecoutez, si vous la retrouvez, je vous promets de le faire.

-         Ecoutez-moi, vous m'êtes sympathique, je vais être sincère avec vous, mais ne répétez à personne que c'est moi qui vous l'ai dit. Votre femme, le mieux, c'est de l'oublier et comme on dit « une de perdue, dix de retrouvées ! » Prenez en une autre et pucez-la tout de suite, sans attendre. C'est mieux !

-         Mais enfin ! Je l'aime ma femme !

-         Oui ! Et bien vous en aimerez une autre. On ne va pas en faire une affaire et y passer la nuit, non plus ! Allez le 122 !

-         C'est moi, c'est moi, j'ai gagné, ici, là, je suis là ! Crie un autre abruti qui aurait mieux fait d'aller perdre son temps à attendre à pôle emploi.

***

Cette fin en vaut bien une autre, maintenant si vous en voulez une encore plus dramatique, reprenons à la ligne 45, environ.

-         Votre vulgaire chat est pucé, votre femme non ! Je me demande si vous l'aimiez vraiment votre femme ?

-         Je ne vous permets pas !

-         Ne l'auriez-vous pas aidé à disparaitre, des fois ?

-         Mais vous êtes fou, vous m'accusez…

-         Oui ! j'accuse, mais je ne condamne pas, ce sera aux juges de le faire, chacun son job, moi je note seulement. « Incarcération préventive du prévenu, vu de lourdes suspections sur sa moralité conjugale. »

-         C'est insensé, je viens de bonne foi, vous déclarer…

-         Les assassins sont tous innocents, quant à la qualité de leurs foies, là, je ne me prononce pas.

-         Mais on peut incarcérer, une personne à l'accueil des plaintes, maintenant ?

Oui, c'est nouveau ! On gagne un temps fou, pour arriver au même résultat, donc, il faut vivre avec le progrès. Gardiens, emmenez, l'accusé, présumé coupable, dans ses appartements. Personne suivante ! Que de temps gagné avec la modernité ! Ah, la police scientifique, ça a du bon !