Du vent dans mes voiles

faustine

Du vélo à la poussette en passant par la Lorraine...

J'ai vu l'autre jour en passant devant chez mon voisin, une Renault 4L – moyenâgeuse – dans son jardin. Actuellement, mon fils est en train d'apprendre à conduire. Pas un jour ou presque sans qu'il ne nous parle du modèle de sa future voiture. Et Mutsiba par-ci et Toyoti par-là, sans compter les options ! Alors bien sûr tout cela me ramène quelques décennies en arrière, quand j'ai moi-même passé mon permis et acheté ma première voiture.

Le jour où j'eus réuni assez de petits sous, je me suis mise en quête d'une auto-école à Grasse, Alpes-Maritimes. Je ne sais pas si vous connaissez les rues de Grasse ? Comme Lausanne, la bourgade est construite sur une, voire des collines. Grasse étant une des sinon LA capitale française du parfum, il y traîne, ça et là, toutes sortes d'effluves. Quand on roule sur les bouches d'égout, pour peu que votre voiture rouille du plancher, voilà tout un monde olfactif qui s'ouvre à vous. Un jour vous roulez sur du muguet, le lendemain sur des roses, le suivant sur du mimosa ou du citron et parfois même sur de l'ail. Aie ! C'est déjà moins drôle. Mais ces rues ne se contentent pas d'être odorantes, elles sont aussi très étroites, sinueuses et raides. Je suis donc devenue rapidement championne du démarrage en côte. Je suis aussi devenue rapidement amie avec ma monitrice d'auto-école. Que voulez-vous, je n'y peux rien, je suis sympa. En avons-nous passé des samedis soirs à écumer les petits bals éponymes. Au retour, celle qui affichait le taux d'alcoolémie le plus bas conduisait. Votre servante – quoique pas toujours à raison – s'y collait donc le plus souvent. Ça n'a l'air de rien, mais ça cumule les heures de conduite tout de même.

La pomme n'est pas tombée bien loin de l'arbre, me disais-je encore en écoutant mon fils essayer de nous convaincre (il y a réussi) d'acheter son futur véhicule bien avant d'avoir passé son permis. Trente-sept ans plus tôt, profitant d'un court voyage de mes parents, j'avais, sans attendre non plus le précieux sauf-conduit, répondu à une petite annonce et pris rendez-vous avec les vendeurs – un père et son fils – de ma première automobile. Caisse, bahut, guimbarde, roulante, choisissez ; la liste n'est pas exhaustive. En réalité une Renault 4L presque de collection. J'avais vingt ans à peine. Un peu naïve peut-être, mais est-ce vraiment un tort ? Ils m'ont fait visiter l'intérieur. Impeccable. Tout était beau et très bien entretenu. La couleur me plaisait, le cendrier était vide. Ils ont soulevé le capot. Rien à redire. Le moteur y était. Pareil pour le coffre. Plein de place, en veux-tu, en voilà. Pour la bonne forme, le jeune homme est allé prendre une manivelle histoire de me faire entendre le doux ronron des pistons. Magnifique. Tout semble aller comme sur des roulettes, et pour cause. Topez-là, j'achète. Voici mon chèque et il n'est pas en bois. Au revoir Messieurs. Bien du plaisir Mademoiselle.

Bien sûr, comme presque tout le monde, j'ai échoué la première fois à l'examen pratique. Il faut bien que l'État rentre dans ses fonds. Si l'on se mettait à donner le permis à tous ces jeunes inconscients du premier coup, où irions-nous ? Pour le code, cela avait été tout seul par contre. J'avais même eu l'immense plaisir de croiser, à la sortie de l'épreuve théorique, un amoureux potentiel qui m'avait éconduite autrefois et qui l'avait raté, son examen. Bien fait pour lui ! Et puis, un mois plus tard, à la deuxième tentative, on me l'a remis, finalement mon petit papier rose (c'était en 1976).

Mon sésame en poche et donc, légalement, le droit de m'asseoir du côté conducteur de mon tant attendu cercueil à roulettes, je n'attends plus, j'y vais. Un petit coup de manivelle, le moteur tourne. J'ai le poignet luxé, mais pas assez pour ne pouvoir enclencher la première. Je déboule sur la route nationale et… tout s'arrête ! Heureusement, nous sommes alors au sommet d'une pente suffisamment raide. Il me suffit de baisser le frein à main et, en avant Germaine. Un garage solidaire, inopinément situé juste au bas de la pente en question, m'accueille. J'y prendrai carrément pension vu le temps que mon carrosse y passera désormais et jusqu'à ce qu'il rende l'âme définitivement.

J'ai positivement adoré conduire, et ce furent – entre deux visites au garage – les débuts d'une bien jolie aventure. Ah ! Ressortir dans la nuit après le film du soir et rouler jusqu'aux Terrasses de Plascassier pour admirer la Voie lactée. Descendre jusqu'au bord de la mer par une journée pluvieuse et regarder les eaux du ciel et de la mer s'épouser. Enlever mon futur mari pour lui montrer comme je conduis bien et le regarder se débattre, entre vitesses au volant et frein à main, dans ses vaines tentatives de flirt. J'en souris encore aujourd'hui. Partir à la découverte des petites routes de Provence qui fleurent bon le thym et la lavande, s'arrêter dans les criques peu fréquentées pour une baignade rafraîchissante…

J'aimerais tout de même profiter de la présente histoire pour faire mes plus sincères excuses à ce pauvre clébard que j'ai heurté, une certaine nuit, et dont le kaï kaï kaï hante parfois mes oreilles. Ce fut mon premier – et dernier – délit de fuite (quoique). J'espère qu'il y a prescription.

Oui, l'un dans l'autre, j'ai aimé toutes les voitures que j'ai pu conduire après celle-là. On oublie aussi peu sa première voiture que son premier amour, n'est-ce pas ? Mais je n'ai pas oublié non plus la Fiat 125, la Peugeot 504, la Mustang 8 cylindres en V, toutes ces petites merveilles décapotables. La plus jolie étant la poussette 4x4 de mes petits pour laquelle je n'ai eu aucun regret d'abandonner toutes les autres !

  • Oui j'ai relu avec un immense plaisir ce magnifique témoignage simple et chaleureux, foisonnant et délicat, riche et ouvert à tous !!!
    Je voudrais simplement le compléter par rapport à la situation où nous sommes.
    Ma conviction (mais je ne suis pas le seul à penser cela), c'est que la croissance (celle qui se veut bêtement infinie) mène toujours (je souligne) à la guerre (forme ultime de pollution), où à une crise générale (1929) dont on sort QUE par d'autres formes de destruction (obsolescence etc...) ou encore par d'autres formes de guerre (cf "Nous sommes en guerre")...
    Pas gai tout cela. Oui, la décroissance n'est pas "vendeuse", et pourtant il faudra bien !
    Bonne journée à tous !

    · Il y a plus de 2 ans ·
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    Gabriel Meunier

    • Merci beaucoup Gabriel pour ce complément. Non la décroissance n'est pas vendeuse. En grande partie parce que ceux qui se remplissent les poches ne veulent pas d'une décroissance (tout s'effondrerait vraiment alors) quant aux autres, ils essaient souvent juste de survivre. Ici nous sommes considérés comme "pauvres" par rapport au salaire moyen. Mais nous nous estimons très privilégiés par rapport à la France. On nous donne les moyens de vivre dignement (si on n'achète pas de voiture, ne boit pas, ne fume pas et ne part en vacances, ce dont nous nous fichons) et la décroissance devient alors un jeu. Comment faire au plus avec le moins. Cela requiert du bon sens, du travail et de la créativité...

      · Il y a plus de 2 ans ·
      Avatar welovewords

      faustine

  • Très enlevé et réjouissant! Moi mon rêve c'est d'avoir une voiture avec chauffeur...

    · Il y a plus de 2 ans ·
    Coucou plage 300

    aile68

    • Pour la voiture ou pour le chauffeur ? ;)))) fut un temps, moi aussi j'en rêvais...

      · Il y a plus de 2 ans ·
      Avatar welovewords

      faustine

  • Super ! ;))

    · Il y a plus de 2 ans ·
    Img

    Patrick Gonzalez

  • :-))

    · Il y a plus de 2 ans ·
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    Maud Garnier

  • Beau témoignage...Ah, la bagnole, les jeunes et les trente glorieuses ! Bravo pour une femme encore plus !
    Avec des potes on a retapé des deudeuches...https://vimeo.com/425515783

    · Il y a plus de 2 ans ·
    Autoportrait(small carr%c3%a9)

    Gabriel Meunier

    • Merci. A part le fait qu'on ne m'a jamais laissé changer un pneu crevé, mon statut de femme n'a pas beaucoup pesé dans la balance... mais je me suis bien amusée !

      · Il y a plus de 2 ans ·
      Avatar welovewords

      faustine

  • Mon permis de conduire (gagné au premier coup, nananère !) est une pièce rare: Date d'obtention: 10 mai 1968 ! Je l'ai passé le matin du 10 mai, à Paris, aux Invalides. Et, l'après-midi, les manifs et évènements ont commencé.. J'ai très peu conduit, dans ma vie...

    · Il y a plus de 2 ans ·
    Oiseau... 300

    astrov

    • J'espère qu'elle n'a pas brûlé avec les autres en mai 68 ?

      · Il y a plus de 2 ans ·
      Avatar welovewords

      faustine

  • Génial, je ne suis pas accroc aux bagnoles, je n'ai eu que des poubelles (voir Coluche, l'auto-stoppeur).
    Mais ces "poubelles" ont accompagné la jeunesse et l'aventure.
    Bon, la manivelle, ça date quand même.

    · Il y a plus de 2 ans ·
    Lwlavatar

    Christophe Hulé

    • moi aussi que des poubelles... décapotables mais des poubelles quand même ! la 4L c'était en 76 et elle était plus toute jeune... ach, la jeunesse et l'aventure, grand coup de nostalgie là...

      · Il y a plus de 2 ans ·
      Avatar welovewords

      faustine

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