Elle

line-cebee

Elle

Elle le regarde.

Fixement. Immuablement.

Elle le regarde de ses six petits yeux noir laqué piqués sur sa tête velue, comme des perles sur une jungle folle. Ses yeux là ne peuvent pas ciller, ils ne larmoient jamais. Il ne sont pas conçus pour laisser transparaître une intention quelconque. On ne sait quel dessein ils tapissent, car ils ne le savent pas non plus. Cette terreur noire d'où la mort peut surgir, vous ne la croiserez que devant le canon d'une arme. Ou dans ses yeux à elle.

Lui c'est un petit mâle. Il avance doucement en frétillant. Ses huits pattes poilues se déposent avec légereté et lenteur. L'opération est risquée, mais dans ce règne, on ne peut se soustraire à son instinct.

Derrière les yeux noirs qui le fixent, l'instinct s'embrase aussi. Deux forces s'affrontent et se chassent avec la régularité d'un métronome.

Manger.

Se reproduire.

Manger.

Se reproduire.

Il n'est plus qu'à quelques centimètres.. Elle a reconnu les frétillements. Ils lui indiquent que l'individu qui se risque sur son territoire, n'est pas venu chercher querelle. C'est la période. C'est la seule de l'année, mais les réserves énergétiques de son dernier repas sont presque épuisées et elle sait que l'acte requière quelques forces. Elle le sait sans le penser, c'est inscrit quelque-part derrière ses six yeux noirs et le compte reprend.

Se reproduire.

Manger.

La balance contine alors que le mâle, plus petit, s'est immobilisé à une courte distance. Un bond suffirait à se retrouver sur ce corps appétissant et y planter ses crochets. Elle pourrait au contraire lui laisser accès à son abdomen et se reproduire pour la deuxième fois. L'excitation est grande. Dans la tête velue, le chaos animal ne sait toujours pas ce qui va l'emporter.

Se reproduire.

Manger.

Se reproduire.

Ca-y-est. Elle a choisi.

Le bond a été si rapide qu'il a fallut quelques micro-secondes au système nerveux pour réajuster la vision. Le petit mâle a fait un excellent repas.

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