EN TRANSIT

En transit, et mon corps qui réclame sa douceur, ses soupirs lorsque nos peaux se reconnaissent dans leurs saveurs.

Orly Ouest, en transit…Mille pas anonymes accompagnent mes pensées, déroutent mes rêveries sensuelles .Le prosaïsme de la situation, incompatible avec mes intentions peu louables mais nettement plus jouissives, abaisse mon regard lassé d'attente, vers toutes ces foulées à décrypter. Des pressées, des urgentes, des qui trainent pour assassiner le temps, des usées d'avoir trop voyagé, des bruyantes parce que trop appuyées ou trop maladroites, des plus raffinées parce que élégamment chaussées…Et surtout mes préférées, les retentissantes parce qu'emportées par des talons aiguilles ! Elles sont souvent enrobées d'un voile parfumé ensorceleur totalement irrésistible pour l'amateur de fragrance que je suis.

Ce qui me ramène à Elle, celle qui m'attend maintenant depuis plus de deux heures. Deux heures de trop surement, mais j'ai rarement vu une femme dotée d'une telle patience. Idéale à mon tempérament, je suis totalement imprévisible, tant pour mon emploi du temps que mes humeurs changeantes .Ce qui devait être un voyage éclair in London, prend des allures de déroute .Putain de grève. Cloué au sol, et elle m'attend, elle, que j'ai rencontrée ici, sur ce même sol foulé, dans la confusion, par des millions de passagers, en toute insignifiance. Mais la banalité lui est étrangère. Sa beauté ruisselle de sa nuque aux talons.

Ce sont ses chevilles qui attirèrent mon attention prédatrice, précédées du cliquetis de ses stilettos .J'avais pourtant la totalité de mes neurones absorbée par une étude approfondie de ma prochaine réunion directoriale. Mais elle était aussi auréolée du parfum musqué et capiteux d'une amante .C'est le premier qualificatif qui me vint à l'esprit avant même que je découvre à qui pouvait bien appartenir une voute plantaire aussi parfaite. Mon fétichisme incurable pour les talons vertigineux, décortiquait à ma place, la féminité de ce pied capable d'une telle hauteur ambitieuse.

L'audace d'une cambrure plantaire reflète à mes yeux une impertinence sexuelle et un goût particulier pour les jeux amoureux. A n'en pas douter, mes instincts virils ne me trompent jamais, au delà de la limite de ces fines chevilles, ne pouvait respirer qu''un corps fervent adepte de plaisirs. En prédatrice attentive aux regards masculins, elle immobilisait une instant ses pas de voyageuse dans un périmètre si proche du mien qu'il en était presque indécent. Élégance et esthétique cohabitaient déjà harmonieusement dans l'unique vision de ses pieds hautement chaussés. Je poussais plus avant mon exploration, non sans avoir refermé mon ordinateur portable sur des statistiques et autres projections rébarbatives. Un projet bien plus sensuel prenait corps en émotions à quelques centimètres de moi. Mon cerveau échafaudait dangereusement des préméditations sensuelles;elles allaient grandissantes au fur et à mesure de l'ascension de mon regard indécent. Un vertige de velours s'emparait de moi à chaque centimètre visuellement exploré. Mes intuitions prenaient corps jusqu'à ce qu'elle me crucifie de son regard ambré. Il m'est un plaisir infini, c'est celui de rencontrer les yeux d'une femme à découvrir. Elle, elle a le regard abyssin d'une magicienne, ces amantes dont on désire sourdre les cris comme un lamento.

Mais ses talents dépassaient dans l'intimité mes espérances. Je ne soupçonnais pas un instant les arguments de ses ambitions .Son voile ensorceleur se camouflait discrètement dans la pulpe accolée de ses lèvres. En quelques mots, je venais de découvrir une butineuse aguerrie.

De l'andante à l'allegro, sans pause mais en tempo, avec une autorité presque despotique, elle sait encoquiller la raideur de mon sceptre d'un talent languier sans pareil. Elle est dotée de charmes secrets, de pouvoirs magiques exaspérant ma volupté .Sa symphonie buccale est hallucinante de lubricité bienveillante, de tendresse et de générosité. Rien qu''en y songeant, je ressens le voile ensorceleur de sa bouche pulpeuse m'amener vers des sommets érectiles, non sans penser aussi intimement à son toucher de pianiste virtuose sur ma rigidité priapique.

Il n'est pas loin de 20 heures, plus de deux heures qu'elle m'attend !

A l'instant, elle vient surement d'allumer sa première cigarette, gantée de soie et de lumière, bayadère sensuelle devant son miroir, le regard agité d'une lueur d'espoir.

Ses petits seins triomphant de patience renvoient d'elle le reflet d'un charnel exutoire réclamant le concret d'un plaisir sans moratoire.

Embarquement porte J…Putain de grève !

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