Enceinte

Le test, ça y est, je suis enceinte ! Tu entends ! D'ailleurs, il faut que tout le monde l'entende. ENCEINTE !!!! C'est pas rien ! C'est la première fois, je n'sais pas ce qui m'attend. Je sais seulement que le bonheur, mon bonheur à moi, est à portée d'un ventre qui, pour l'instant, ne montre aucun signe extérieur de grossesse.

            Avant, ce  fût le parcours du combattant, après la énième FIV. Cette fois l'échographie parle  aussi à mon pudique époux qui éclate en sanglots en entendant les premiers signes de vie : Les battements  de ce petit cœur inconnu qui pénètrent  l'espace et le mien en tambourinaire.

Premier mois : Ce matin,  j'ai le mal de mer en tombant de mon lit vers les toilettes. Ça commence bien ! J'ai les yeux- valise et l'estomac en marée montante.  Depuis hier,  les nausées ne me quittent plus. J'ai un dégoût caractéristique pour l'odeur d'huile frite, de fumée de clope et de chou. J'ai même plus faim du tout !

«  C'est normal ! » me dit ma mère expérimentée, puisqu'elle a eu cinq enfants et cinq marées en force neuf !

Je commence à me demander, combien de temps ça va durer ! « Chez l'une ça dure et chez l'autre ça passe ! » Mille sabords ! Que ça passe vite ! Je ne tiendrai pas longtemps à tribord de ce rafiot de haute mer ! « Allez ! Courage ! » Me dit mon capitaine- Hadock-  de -mari qui en perd  le gouvernail !

Trois mois : Ouf ! Plus de marée ! J'ai plus mal au cœur, mais qu'est-ce que j'ai faim !  Tiens je raffole du cresson à présent ? Je dirais même plus : je L'ADORE !!!Tellement, que je dors cresson, je mange cresson toute la journée. Je bois cresson au petit-déj, au goûter, au coucher, ça remplace le thé vert et la tisane Grand soir ! Martin, me regarde siffler ce potager vert printanier avec dégoût, il faut l'avouer et, je sens dans son regard de futur père un questionnement qui lui fait dire : « c'est bizarre une femme enceinte ! »

            Enceinte !! Incicta !! Ça y est, j'ai tombé la ceinture ! Ma taille s'élargit, j'ai hâte d'arborer la robe qui va faire parler mon ventre et mettre fièrement en avant cette petite boule de vie qui pousse pour enfler comme la terre. Eh bien ! Oui ! Je suis porteuse d'éternité, j'en suis fière, c'est pas de la fiction !

 Je le devine ce petit bout de moi, je l'invente, le dessine, comme une bonne fée, je lui prodigue des dons caractéristiques. Je décide déjà de l'initier à la musique in utéro. J'ai lu que le fœtus se régale de sons multiples, qu'il les emmagasine pour une future oreille musicale. Je n'veux pas le rater! Alors, je m'allonge tous les  jours pour un rendez-vous obligé avec Mozart ou la Cinquième de Beethoven et je vois mon  enfant prodige prendre   les commandes à la baguette d'un orchestre lilliputien. Là, je caresse mon ventre avec majesté.  Mon maestro ! Mon génie ! Mon tout ! Mon amour ! Je lui parle d'une voix enjôleuse et, je perçois les prémices d'un babillement.  

Quatrième mois : Un gazouillis bizarre n'a de cesse dans mon ventre qui s'arrondit façon pamplemousse. J'y prête attention. Voilà que ça recommence. Cette fois, c'est sûr, c'est bien lui, IL BOUGE !!!! Il bouge, mon chérubin. Premiers toc-tocs au loquet utérin. Je suis toute retournée. Martin lui est jaloux. Il ne connaîtra jamais l'intrusion complice, vagabonde, seul apanage féminin de cet avant premier  réseau communiquant.  

Avec le quatrième mois,c'est  le jour de la deuxième écho. Là, encore Martin est présent. Ses larmes  se font silence, les miennes carillonnantes devant le petit écran qui dévoile notre bébé en entier.

-          Voulez-vous savoir le sexe ? dit subitement le radiologue.

Animés collectivement d'une curiosité pressante, nous répondons en chœur :

-          OH ! OUI ! DOCTEUR !!!!

-          Eh bien, voyez-vous cet appendice bien distinct en ballotage impudique, c'est un gars ! Bien fourni en plus !

 Toute à notre joie Martin m'enlace. Nous nous étreignons devant le médecin qui en a vu d'autres bien-sûr.

Sixième mois : Les coups d'Arthur (oui, j'ai oublié de vous dire c'est son futur prénom) se font plus martelés. Tantôt il laboure ma rate, tantôt il tripatouille  mon estomac ou mes entrailles. Mais, bon, je suis heureuse, je grossis et il pousse. Je suis encore souple. Je descends hâtivement les escaliers, vaque à mes activités journalières sans trop de ménagement, tout va bien !

Septième mois : Dieu qu'il fait chaud ! On est en plein mois caniculaire. Mes chevilles enflent avec mon ventre. J'ai toujours ce besoin pressant de m'asseoir, tant je suis lourde. Je suis au stade triple ballon de foot et mes joues s'arrondissent à leur tour. Ce matin, je me fais peur devant le miroir, je me trouve pas très jolie-jolie !

 « Vous le portez à l'arrière » me dit une voisine qui n'a pas les yeux dans sa poche, mais plutôt sur mon postérieur de négresse et mon ventre de PDG en fin de carrière.

Martin, toujours amoureux  me dit que je suis belle enceinte. Aussi, il n'arrête pas de croquer mon ventre de kangourou. Il a commencé un album photo spécial Arthur de A à Z.

 Mais moi, qui n'arrive plus à lacer mes chaussures, j'ai le look pachyderme.

Neuvième mois : Et cette canicule qui n'arrête pas !!! Je ne dors plus ! Je ne sais plus quelle position adopter, couchée ou assise. Dur, dur ! Arthur me sillonne les côtes et le diaphragme, j'étouffe ! Ses coups sont des hallebardes.  Tiens je viens d'attraper son pied en pinçant mon ventre.  J'ai envie  de faire pipi tous les quarts d'heure. J'aimerais bien en finir et qu'il sorte aujourd'hui ! Enceinte ! Enceinte ! Ça suffit !!! Je n'en peux plus !

Trois semaines plus tard : Ce soir, Chutes de Niagara sur le matelas mouillé. Je suis trempée et c'est le signe de mon accouchement imminent. On se rend à la maternité. Martin met les gaz à ma première mais  si impressionnante contraction. Horrible ! Inimaginable ! Indescriptible ! Par Toutatis ! C'est ça un accouchement ?  A cet affreux rythme, je  n'vais pas tenir jusqu'au bout !!

Je respire comme un jeune chat asphyxié et enfin mesdames, vous connaissez la suite !

Premier septembre : Arthur est né à quatre heures du matin, après huit heures de sauvages douleurs.  C'est l'extase ! Le plus doux des bonheurs ! J'ai le ventre vide, mais, le cœur rempli de projets fous.

Enceinte, vous avez dit : ENCEINTE ? Oublié… C'est du passé…