Et si on osait...
carouille
Juste devant, il y a la mer. Elle fait défiler ses vagues inlassablement, jour après jour. Les chaises multicolores ont les pieds dans le sable à l'ombre des grands parasols. Sur les tables se mélangent des thés du monde entier, des infusions glanées dans l'arrière-pays, des cafés aux arômes puissants, des assiettes parsemées de miettes. Au-dessus planent des discussions sans fin, des éclats de rire complices, des silences savoureux aux yeux fermés de soleil, des carnets de notes dont les pages soupirent dans le vent. C'est beau.
Au milieu, un homme debout dont le regard cherche les lignes qui construisent le monde. Il respire l'air de la mer à plein poumons. Ses cheveux bouclent encore de son bain matinal. Il pose un œil vigilant sur le surfeur qui virevolte au loin. Puis fait demi-tour et entre pour recharger le plateau qu'il porte à temps partiel. Il blague avec le Cordon Bleu derrière le comptoir. Qui étale devant elle les merveilles qui sortent de sa cuisine. Les tartes fruitées aux couleurs éclatantes, les dégradés chaleureux de brun-chocolat, les dorures croustillantes et moelleuses des pâtes. Des poésies réinventées chaque jour qui parfument les quatre murs et adoucissent le corps et l'âme. Parce que leur ingrédient principal est toujours l'amour. Ensemble, ils jettent un œil amusé vers les deux apprentis pâtissiers vautrés un peu plus loin dans des poufs et plongés dans des BD, le tablier blanc et tâches de douceur encore noué à la taille. C'est bon.
Sur les murs, brillent des instants de vie saisis au vol par le Regard qui Cherche et soigneusement encadrés. Ils changent souvent, parce que la vie a toujours des moments à offrir à qui sait les attraper ; et qu'il y a toujours des regards de passage qui sont touchés et veulent rapporter ces instants chez eux. C'est bien.
Entre les murs, il y a des étagères avec des livres pour toutes les heures, des jeux à déballer en société, des remèdes tirés de la nature. Des tables dépareillées glanées çà et là. Elles changent de place, se réunissent et se promènent au gré des envies. Le mercredi après-midi, elles s'assemblent devant des bambins aux doigts plein de chocolat qui pèsent, mélangent et cuisent sous la houlette de Cordon Bleu. Le samedi, elles se tapissent de toile cirée et s'habillent de pots de peinture, de tubes de colle, de papiers colorés que d'autres enfants recréent entre les mains d'un lutin. Le reste du temps, le Lutin ouvre ses oreilles dans un petit bureau à l'écart. Des gens y entrent avec des soucis dans les yeux. Ils les déposent dans l'oreille du Lutin qui les traduit en mots, en plantes, en graines, en parfums qui ouvrent de nouveaux possibles. Les mots trottent dans leurs têtes. Les plantes, graines et parfums sont emballés dans des sacs en papier pour être emportés. Ils n'ont plus qu'à être avalés avec une gorgée de temps et d'espoir pour que les possibles germent dans le cœur. C'est beau.
Il reste un bureau vide. A occuper. En attente. Il irait bien à un Poète Maudit brassant des paperasses pour gérer, compter et s'occuper de faire tourner le triangle jusqu'à ce qu'il soit rectangle. Entre deux additions, il pourrait partir marcher à grandes enjambées pour épuiser ses démons et leur donner un sens en les capturant avec son stylo. Et à 4 heures et demi, il pourrait les plier en quatre et les glisser dans sa poche pour faire trottiner derrière lui une petite tribu disparate venant ouvrir ses cahiers les pieds dans le sable. Après avoir plongé dans les vagues pour en sortir le surfeur revenu de ses tournages sous-marins pour une partie de ballon sur la plage. A l'heure des châteaux de sable qui se construisent, des combats imaginaires qui préparent à la grande vie, des rêves écrits sur le sable, des devenirs qui ont tout le temps pour se construire. C'est bon.
Derrière la plage, les chaises arc-en-ciel les pieds dans le sable, le comptoir de douceurs, le bureau de potions et le bureau des chiffres, il y a un vaste jardin mis au carré. Le carré des tomates, le carré des framboises, le carré des remèdes de sorcière, le carré des essais. Des arbres à tailler poussent là dans le silence de la sagesse. Un enfant agenouillé observe plantes et insectes et cherche dans la nature les remèdes aux erreurs des hommes. C'est bien.
Là se dressent deux maisons. Qui se remplissent et se vident d'enfants au gré des heures, des jours, des saisons, des cycles de la vie. Ils vont, viennent, grandissent et s'épanouissent en chemins croisés entre des maisons toutes pleines d'amour. Ça les rend forts. Ça leur ouvre le cœur. Les maisons abritent des instants de solitude pour se ressourcer ; des intimités vibrantes ; des refuges pour résoudre les problèmes ; des calendriers pour garder un pied sur terre ; des draps pour rêver et se réchauffer. Des stylos par poignées pour aimer, crier, rire, jouer et imaginer.
Le soir à la tombée de la nuit, le plus souvent, enfants et grands se replient là pour partager et échanger les récoltes d'idées, de sourires et de larmes de la journée. Pour reformer le cercle. Pour reprendre des forces pour la journée du lendemain. Des lendemains à courir pieds nus dans le sable, à plonger dans les vagues, à s'étourdir du parfum du lilas, à fondre dans le bol de chocolat, à ouvrir des cahiers à la page du savoir, à dénicher des découvertes qui jouent à cache-cache, à câliner tous ces battements de cœur qui cohabitent et se nourrissent les uns des autres. C'est beau.
D'autres soirs, la musique se déploie sous les étoiles. Les doigts tapotent sur les tables au rythme de la batterie, les pieds suivent les battements du ventre. Les mots s'épanouissent à haute voix. Les fou-rires se noient de rhum avec une note de menthe ou de whisky teintés de vers rimés. Des débats s'élancent, des projets se construisent, des points de vue sont saisis au vol, des amis se réchauffent. Ça fourmille d'idées, de rêves, d'essais, d'imagination, de vie. Et des vies qui se croisent et s'enchevêtrent, il y en a de plus en plus. Elles arrivent attirées par le bouche à oreille de ceux déjà conquis, par le stylo à cœur de ceux qui écrivent et s'écrivent, par le regard à sourire des jeux de mots qui s'affichent pour élargir l'invitation. Elles se tissent de coups de cœur et de liens du sang. S'enrichissent de tous les cœurs qui battent à l'unisson et résonnent en écho quelque part au-delà des kilomètres. Qui s'inscrivent dans l'histoire du triangle. A tel point qu'il a fallu ouvrir une troisième maison, maison d'hôtes. C'est bon.
L'hiver, tout est pareil. Sauf que tout se replie autour de la cheminée. Que les jeux de mer s'emmitouflent. Que les corps s'alanguissent en attendant que la sève remonte.
Le temps passe lentement. Ou peut-être qu'il s'écoule à toute allure. Peut-être même a-t-il suspendu son cours. En fait il a peu d'importance. L'horloge sonne ici les heures à faire, à créer, à aimer. Les heures à vivre sur la grande aiguille. Les heures à garder ces trésors dans le cœur sur la petite aiguille. Et passé, présent et futur en équilibre sur la trotteuse.
Tic-Tac. Le temps passe. Tout passe. Sauf la vie, si elle s'écoule à l'heure du cœur. Alors elle ne passe pas, elle vit. Elle s'écrit.
C'est beau. C'est bon. C'est bien.
© By Himself
oh quel style époustouflant. Et puis je t'aurais nommé "ministre du temps parfait" cela te va? C'est une grande réjouissance ce texte, un immense partage de bonheur.
· Il y a plus de 8 ans ·elisabetha
Oh oui je le veux bien ce poste là ! ! Je suis allergique à la tristesse en ce moment, le temps gris et froid réveille mon esprit de rébellion ! ;) merci pour ce beau com Élisabeth ; )
· Il y a plus de 8 ans ·carouille
Quel beau lieu, hors du temps et qui le prend, pourtant !
· Il y a plus de 8 ans ·Yeza Ahem
Prendre le temps de vivre, c'est tellement précieux ! ;) merci Yeza
· Il y a plus de 8 ans ·carouille
Merci à toi :-)
· Il y a plus de 8 ans ·Yeza Ahem
Attends que cet espace -temps existe et que tu aies pu venir y regarder le temps s'écouler pour dire merci :-)
· Il y a plus de 8 ans ·carouille
Vivement... ;-)
· Il y a plus de 8 ans ·Yeza Ahem
Tellement d'émotions dans ton récit. Un endroit comme un refuge. Un havre de paix, d'amour, d'harmonie. Tu l'as écrit pour le concours ? Parce qu'il est dans le ton, parfait !
· Il y a presque 9 ans ·Sylvie Loy
Coucou Sylvie. Merci beaucoup ;) Non, pas écrit pour le concours, juste par plaisir, surtout par besoin. Je ne le soumettrai pas car il est beaucoup trop long, presque le double. Et que je ne veux pas retrancher une seule seconde de bonheur à ce texte. Pour le concours j'ai écrit "Logement à durée indéterminée", dans un ton différent, mais qui j'espère te plaira, tu me diras ;) Bises, et je vous garde une suite familiale dans notre havre ;)
· Il y a presque 9 ans ·carouille
C'est un de tes plus jolis textes, l'harmonie de ton refrain c'est beau, c'est bon, c'est bien... un enchantement!
· Il y a presque 9 ans ·En plus, je rêve d'un nid dans le même genre pour y abriter mes soleils, mes étoiles et mes chimères ;-)))
En tous cas ta maison d'hôtes irait très bien dans le concours pour le logement parfait.
Bon, faut que je retourne bosser... j'avais déjà envie d'aller faire un tour pieds nus dans le sable ;-(
julia-rolin
Oh oui, pieds nus dans le sable !!! Et avec un verre de rosé bien frais ? ;-) c'est bientôt l'heure, non ?? ;-)) Je planche sur un autre logement, celui-là était juste pour le plaisir, mais merci ! ;) Je te souhaite de construire nid semblable pour les tiens. Biz et bon courage pour le travail
· Il y a presque 9 ans ·carouille
C'est beau, c'est bon, c'est bien ces moments que tu nous "conte" je l'aime bien moi ce petit lutin .... Mais ça tu le sais déjà !..... Bises à toi et à tous les personnages de ton histoire..... ♥ :-))
· Il y a presque 9 ans ·Maud Garnier
Petit lutin deviendra grand, et rêve réalité ;))) je te garde une chambre juste à côté de Zab si tu promets de pas l'empêcher de dormir !!! ;-)))) Je transmets les bisous à qui de droit avec grand plaisir ;))
· Il y a presque 9 ans ·carouille
;-)) Ok je serai ravie d'être des vôtres !..... promis je serais sage comme une image, enfin j'essayerais.... lol
· Il y a presque 9 ans ·Maud Garnier
Toi, sage comme une image ??? ;)))) comme tu dis, "lol" ! ;-D
· Il y a presque 9 ans ·carouille
;-))
· Il y a presque 9 ans ·Maud Garnier
De belles tranches de vie, très beau texte, tout en émotions... bravo à toi
· Il y a presque 9 ans ·marielesmots
Merci beaucoup Marielesmots. De partager, comme toujours. Et d'aimer ce joli rêve. A construire j'espère.
· Il y a presque 9 ans ·carouille
Mes "mercis" et mes compliments les plus sincères pour cette lumineuse, vivante, douce description qui donne envie de vivre et de créer. Tout heureux de cette lecture, je suis, et je vais relire ! Et partager !
· Il y a presque 9 ans ·astrov
Merci à toi Astrov, de partager ce rêve, c'est ainsi qu'ils deviennent réalité, et de tes lectures régulières.
· Il y a presque 9 ans ·carouille
J'adore ! Tout simplement
· Il y a presque 9 ans ·Très émouvant
veroniquethery
Merci Véro-louve ;) J'espère qu'un jour ce rêve deviendra réalité et que tu viendras partager tes mots avec nous.
· Il y a presque 9 ans ·carouille
C'est beau.C'est bon. C'est bien et c'est merveilleux. Merci ma Z, pas les mots mais tu sais.
· Il y a presque 9 ans ·ade
Vi je sais. Des rayons de soleil. ça tombe bien le printemps arrive. Grrr de frrrr ma Z.
· Il y a presque 9 ans ·carouille
Et tu as raison : et si on osait?
· Il y a presque 9 ans ·ade
Tope là ?
· Il y a presque 9 ans ·carouille
Deal ! Un triangle rectangle lumineux ça n'a pas de prix!
· Il y a presque 9 ans ·ade
Nooon, pas deal, les deal ça tient jamais !!!!!
· Il y a presque 9 ans ·Parole de Z.
Et je suis bien d'accord. ça n'a pas de prix.
carouille
Parole de Z. Croix de bois croix de fer ma Z
· Il y a presque 9 ans ·ade
;)))) P de Z ;))) Je signe aussi !!!
· Il y a presque 9 ans ·carouille
;-)))))))
· Il y a presque 9 ans ·ade
Elle est "merveilleuse " ta paillotte. Y a des papillottes de bonheur partout. Dis M'dame, y z'existent le Cordon Bleu et le Lutin ??
· Il y a presque 9 ans ·erge
Vi y z'existent ! Croix de bois croix de fer, je les ai rencontrés en personne ! Tout est vrai dans ma paillotte. Ou tout pourrait le devenir ;)
· Il y a presque 9 ans ·carouille
c'est très beau. Très bon, très plein d'amour et d'espoir-plénitude.
· Il y a presque 9 ans ·elisabetha
Merci beaucoup Elisabeth. Je te garde une place dans la maison d'hôtes, avec vue sur la mer pour nourrir ta poésie.
· Il y a presque 9 ans ·carouille