Évoquer Amy (maintenant), était-ce un bien ou un mal ?

wic

Puisque la tendance est apparemment à ressortir les vieilleries qui traînent au fond du placard... ;-)


Évoquer Amy maintenant, était-ce un bien ou un mal ?
Je ne me décidais pas pour une réponse franche à cette question. Mais je me suis tout de même lancé parce que quelque part, je ressentais un réel besoin de formuler des phrases où elle serait présente d'une manière ou d'une autre.
Besoin aussi de les entendre avec mes propres oreilles, prononcées par ma propre bouche.
Et besoin de le faire positivement surtout.
Car en juin, j'avais été le seul à jeter l'éponge. Cette fois, nous ne nous étions pas accordés, même tacitement, avec Amy pour nous séparer. J'étais juste parti. Pétrifié par la peur peut-être, mais en faisant abstraction de la panique et de la lame cisaillante de mon burnout, en me mettant à sa place également, j'avais agi comme le roi des cons. A posteriori, je ne pouvais que me classer dans cette catégorie des fucking-guys que j'exécrais tant.
J'avais abandonné la position sans tirer le moindre coup de feu. Pas de drapeau blanc brandi bien haut, aucune annonce préalable et guère plus de réflexion. J'avais eu réellement peur pour elle, pour sa vie. Rien de plus mais déjà tellement trop. Si cette histoire nauséabonde de poudre blanche malencontreusement égarée et l'agitation par trop évidente des fédéraux autour des maisons de Prod à Chicago m'avaient poussé à la fuite, je n'avais pas ferraillé comme j'aurai été en droit de le faire vue la situation.
Aucun baroud d'honneur, et pire, aucune velléité à le faire. Sans occulter son avocat de père vers lequel je savais qu'elle se tournerait, il y avait là une bonne part de lâcheté et d'égoïsme dans mon attitude. J'en étais bien conscient et pour tout dire, mon seul regret était là : ne pas avoir essayé de trouver une autre solution.
J'avais abdiqué trop rapidement au regard de ce que j'éprouvais pour elle.

Ce sentiment de culpabilité m'avait envahi des semaines durant, un peu comme cette brume qu'aucun soleil n'arrive à disperser au-dessus du Saint-Laurent durant les premiers jours du printemps.
De retour à Montréal, j'étais passé de la peur à un chagrin sans fond, de la désorientation absolue aux remords alcoolisés. Mais jamais sans que cela ne se décline en teintes sombres ou morbides. Ça avait duré comme ça pendant de longues semaines, jusqu'au jour où je m'étais jugé suffisamment solide (pas plus mûr, je n'étais pas assez dingue pour imaginer un truc aussi délirant) pour passer à autre chose sans que je n'arrive à le faire vraiment. Parce que je repensais à peu près autant à cette histoire que j'évitais d'en parler.
Un instant retenu par ces pensées rétrospectives, je me suis tourné vers Mike.
— Je n'ai toujours pas de photo d'elle, tu sais ?
— Je croyais pourtant que celles prises quand on est allés vous voir avec Cathy sur les bords du lac Bresnahan...
Je l'ai coupé malgré moi :
— En observant bien, tu remarqueras qu'on ne la voit jamais de face dessus...
J'ai saupoudré les points de suspensions d'un soupir avant de reprendre :
— Cette absence de photo de son visage, c'est comme un signe... Déjà la dernière fois, j'étais parti comme ça, avec ses lettres et mes seuls souvenirs.
— Je sais pas quoi te répondre... il m'a dit.
— Oublie ça, je te demande rien. Mais merci quand même.
Nouvelle pause au delà de laquelle Mike a changé de sujet.
— J'en ai ma claque de ce volant... Tu conduis l'char ?
Mes sourcils qui se haussent, l'intérêt qui repart. Quelques mots banals, c'était la vie qui continuait. Avec ses petites questions, ses petites envies, ses petits besoins à satisfaire, ses petits challenges du quotidien. Comme ces successions de touches subtiles réalisées avec le plat du pinceau et qui font la beauté d'une toile impressionniste, c'était la somme de tout ça qui faisait avancer en ces périodes aussi imparfaites que bancales.
— Mouais, pourquoi pas...
Petite pause et j'ai enchainé :
— Et si pour une fois, on passait par Center-Town ? Quitte à battre des records de vitesse ce soir, autant traverser des coins plus sympas...
Tout dans la réponse de Mike résumait ce qui faisait qu'il était plus que mon pote, une espèce d'alter ego doublée d'un véritable ami sur cette fichue planète :
— T'as raison, sont vraiment à chialer ces toits de bagnoles...

  • L'incertitude de l'énonciation des blessures jamais refermées, j'ai eu moi aussi besoin de les évoquer. Merci pour ce texte qui résonne.

    · Il y a environ 9 ans ·
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    milenagorski

    • C'est moi qui te remercie d'être passée par ici et laissé une trace de ta lecture.

      (et j'ai lu ton "Se-aductere" ;-)

      · Il y a environ 9 ans ·
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      wic

    • Oh et en plus je viens de voir que tu avais associé Mr Jones à ce texte... C'est fucking parfait! Merci encore :)

      · Il y a environ 9 ans ·
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      milenagorski

  • L'écriture est très fluide et puis il émane un certain mystère de ce texte. On a envie d'en savoir plus.

    · Il y a environ 9 ans ·
    Corbis 42 24047422

    Cleo Ballatore

    • Le questionnement et les envies participent à nous faire avancer, à nous enrichir humainement.
      Alors très heureux de constater quelque ce texte entre dans cette catégorie pour toi...
      Merci pour ton passage par ici. Au plaisir de te lire également.

      · Il y a environ 9 ans ·
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      wic

  • Sous le texte encore du texte avec plein de sens dans tous les sens Jaime bien tes tournures et c est fluide merci ☺

    · Il y a environ 9 ans ·
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    Christophe Paris

    • Merci M'sieur ! Heureux de lire que ce petit extrait te plaise...
      Au plaisir de tenir également.

      · Il y a environ 9 ans ·
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      wic

  • Invocation plutôt qu'evocation. C'est mieux. Et c'est très très bien. Merci pour le blues. Et pour le son. Mister Jones est une foutue chanson.

    · Il y a environ 9 ans ·
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    dary-crawl

    • Yeap. Et puis concernant Mr Jones, il s'agit aussi d'un patronyme qui m'est tjs très agréable, rapport à Brian et non Michael bien sûr ;-)
      Je te remercie pour le détour par ce texte...

      · Il y a environ 9 ans ·
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      wic

    • Merci à toi. Moi les Jones c'est Mick et Steeve et David Jones aussi. Enfin bref.

      · Il y a environ 9 ans ·
      Bonnet d ane ecolier 768x1024

      dary-crawl

  • parfois, quand je lis tes textes, ça fait comme toucher de l'autre côté quelque chose que je sais, et qui m'échappe un peu, qui se glisse dans mes bouts de "puzzle".... (alors là, il est bien plus sybillin que ton dernier commentaire celui-là :p ) mais sinon... pour ça : "Quelques mots banals, c'était la vie qui continuait. Avec ses petites questions, ses petites envies, ses petits besoins à satisfaire, ses petits challenges du quotidien. Comme ces successions de touches subtiles réalisées avec le plat du pinceau et qui font la beauté d'une toile impressionniste, c'était la somme de tout ça qui faisait avancer en ces périodes aussi imparfaites que bancales.", OUI, et cette histoire de photo de son visage... une bien jolie vieiilerie, ce texte...

    · Il y a environ 9 ans ·
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    ellis

    • Hello Ellis (en passant, vl'a une phrase qui phonétiquement, est sans doute bcp plus cool à lire qu'à dire... ;-)

      Sibyllin ? Oui et non. En tout cas pas forcément. Ou pas tant que ça. Parce que statistiquement on arrivera toujours à "toucher" quelqu'un avec nos écrits, nos peintures, nos photos, nos sculptures, nos chansons, etc... bref, un trucs un avec un tant soit peu d'art dedans trouvera toujours son public,même réduit (ie. il y a tant d'être sur terre pour regarder/lire/écouter/contempler... et si peu d'opportunités pour que ça arrive finalement... l'impossible dilemme de l'oeuvre artistique, quelle qu'elle soit...).L'art se ramène donc en réalité qu'une affaire d'audience (toute la difficulté). En ce qui te concerne, ne serait-ce que par la récurrence de tes commentaires, j'imagine que certains de mes textes sont plutôt en phase àvec un truc que j'appellerai ta sensibilité. Donc oui, sibyllin seulement dans la mesure où j'ignore quelles sont les bribes de ta propre histoire et que tu arrives à mettre en regard de certaines de mes phrases... cdfd ;-)

      Et puis bon, en plus de ton passage, merci aussi pour cette petite pause-commentaire du midi. ;-)

      · Il y a environ 9 ans ·
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      wic

    • De rien,toujours un plaisir;) le début de ton commentaire m'a fait largement sourire sans prévenir :)

      · Il y a environ 9 ans ·
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      ellis

  • J'aime beaucoup...C'est beau et çà en dit tellement sur la vie entre les lignes....

    · Il y a environ 9 ans ·
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    Mickael Froideval

    • Merci pour ton détour par cet extrait, Michael. Et très heureux de savoir qu'il t'évoque un petit quelque chose d'agréable...
      A bientôt.

      · Il y a environ 9 ans ·
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      wic

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