Facebook me

William Doise

Synopsis

1. Jérôme qui fait l’hélicoptère avec sa bite. Clic doit, enregistrer-sous.

Alors qu’Andréa Martin rentre tout juste d’une soirée, elle ne peut s’empêcher de penser au garçon qu’elle vient d’y rencontrer. Ce garçon s’appelle Matthieu, avec deux « t » et c’est tout ce qu’elle sait de lui. Comme souvent dans ces cas là, un seul outil peut lui venir en aide : Facebook ! Mais comment retrouver Matthieu ? Et comment être sûre de l’aborder sans se planter ?

2. Mardi, 18h33.

Cela fait trois jours qu’Andréa lui a écrit et trois jours que Matthieu ne lui répond pas. Peut-être est-t-il temps de l’oublier ? A moins que… Le portable, qui vibre… Vous avez un nouveau message… Merde, plus de réseau. Se précipiter dans sa chambre. Arrivée devant son PC, Andréa découvre bel et bien quelque chose dans sa messagerie. C’est Anthony, le beauf de la soirée de samedi, un genre de supporter parisien qui chante la marseillaise en rotant.  Evidemment, lui il a bien envie de la revoir, la petite. Message archivé, jusqu’à l’arrivée du suivant. C’est Matthieu, juste quelques mots, et l’euphorie qui renait.

3. Statut du jour, i wanna kill that fucking Wi-Fi !

Alex n’a pas prévu d’organiser la moindre soirée samedi et Andréa, qui s’est fait voler son portable et qui ne capte plus le Wi-Fi de sa gardienne, n’a plus accès à Facebook. Elle sait qu’elle doit revoir Matthieu au plus vite, sans quoi il l’oubliera. Mission un, convaincre Alexandre de reprendre les activités. Mission deux, négocier une trêve internet avec la mégère du rez-de-chaussée. Mission trois, faire du shopping avec Deborah.

4. Participera : Andréa Martin.     
Participera peut-être : Matthieu Gouarné.       
Ne participera pas : Jérôme Levasseur.

Le mur de l’évènement Facebook de samedi prochain a de quoi foutre les boules. Jérôme doit subir une plastie du frein, quant à Matthieu, il n’est même pas sûr de venir. Merde ! La soirée commence… 23h et toujours pas de Matthieu. Par contre Antho est encore là. Quel lourd, c’est pas possible. Au secours !

5. C’est compliqué.

Statut de la relation conjugale : célibataire, en couple, ou à chier ? Peu importe que Matthieu le retardataire n’ait pas encore envie de s’engager sur Facebook, Andréa et lui viennent de passer la nuit ensemble. C’est le big love, tout en caractères spéciaux ! <3

6. Debbie + Martin - Leslie x Georges.

Quand tout va bien pour l’une, tout va mal pour l’autre. Leslie ne supporte plus Georges, surtout depuis que Martin lui fait des yeux doux. Pour Debbie, c’est le drame. Elle allait amorcer la phase d’approche. Voici les feux de l’amour en direct de Facebook.

7. En couple.

Matthieu vient enfin de modifier son statut. Ça y est, il est en couple. Maintenant Andréa a bien envie de le tuer. C’est qui Julia ? C’est quoi cette salope ? Et Anthony qui tente d’en profiter pour la relancer... Tout s’enflamme sur msn, jusqu’à la panne de courant générale. La vétusté des apparts pour pré-trentenaires et les concierges qui ne font pas leur boulot ont parfois du bon.

8. ALT + F4.

16h30. Andréa est au lit, cette nuit elle a vomi. Elle se lèvera sans doute demain pour aller vendre son iMac chez Ca$h, mais pour l’instant elle en est incapable. Elle repense à Matthieu, à son sourire, à cette salope. Tandis que pour Debbie, tout va pour le mieux. Alex s’est déclaré la veille, lors d’une nouvelle soirée, et ce fût comme une révélation. Zombie-Andréa parvient finalement à placer son corps à la verticale en direction d’un café. Ce dernier tombe sur l’écran, qu’elle rallume en le nettoyant. Trois nouveaux messages. Anthony, Anthony, Anthony.

9. Reboot.

Andréa hésite. Supprimer son compte Facebook, ne pas le supprimer ? A quoi bon… Quoi qu’il en soit, une décision d’une telle importance nécessite au moins de prendre un verre avec Bibi pour en parler. Debbie est horrible avec Matthieu et étonnamment clémente avec Anthony. C’est à n’y rien comprendre. On a mit quoi dans ton verre ma chérie ? Un mélange de gin tonic, de tequila sunrise, de whisky-coca et de vodka-pomme ? 

10. On the paper or face to Face.

Nouvelle soirée chez Alex. Evidemment Antho est là. Il est pas mal Antho. Il est en train de parler de tourisme sexuel, mais avec un air sympa. Qu’est ce qui compte chez une personne ? Comment peut-t-on la définir exhaustivement ? Est-ce qu’un profil Facebook suffit ? Tu « likes » le PSG et tu parles en langage SMS, mais c’est très différent en face to Face. Et même… Ce que tu racontes à tes potes et ce que tu me dis à moi, ça n’a rien à voir. Tu sais quoi, prend mon numéro. On verra bien.

11. Réseau social en terrain conquis.

Trois jours plus tard, Anthony n’a pas rappelé. Quelle idée d’avoir voulu tenter un truc avec un bouffon pareil. Andréa est bien avec ses potes. Tout le monde est là. Debbie, Alex, Martin, Leslie, et même Georges avec sa nouvelle copine qui ne peut retenir ses « What else ? » plus de cinq minutes d’affilée. Le soleil brille sur le parc Montsouris et l’ambiance fait de même. A 17h, on se séparera et trois couples repartiront main dans la main. Hélas à mesure que le ciel décline, Andréa ne peut s’empêcher de penser à son échec avec Matthieu. Ceci dit, il n’est jamais revenu aux soirées. Ça au moins, c’était une bonne idée. 16h40, le téléphone sonne, c’est Anthony.

12. Facebook me.

Cela fait presque deux mois qu’Andréa sort avec Anthony. Il est toujours aussi con, mais parfois il est mignon. Il est tout de même relou à ne pas vouloir s’inscrire sur Facebook. Andréa l’harcelle sur sa boite mail et les messages préconçus y pleuvent chaque matin. Bientôt ce sera l’éternel été et Anthony partira en stage à Bombay. Il est hors de question que leurs statuts conjugaux ne se soient pas accordés sur Facebook avant.

Facebook me

1. Jérôme qui fait l’hélicoptère avec sa bite. Clic droit, enregistrer sous.

    Je m’appelle Andréa Martin et je viens de rentrer de soirée. Si je vous communique mon nom de famille, c’est pour que vous puissiez m’ajouter sur Facebook. Vous verrez, toutes les photos y sont déjà. Alexandre Parmentier, l’hôte de ce pseudo-banquet, vient de finir d’héberger et de taguer nos précieux fichiers, sans même avoir eut à utiliser la moindre bombe de peinture ou un quelconque marqueur. Il lui aura juste suffit de cliquer quelques fois sur sa nouvelle souris sans boutons, d’attendre trois minutes vingt - soit le temps d’une clope, d’un petit vomi, ou d’un dernier Martini – et le tour était joué.
    Maintenant vous pouvez voir Déborah, la tête dans chips, essayant désespérément de retrouver son feu, Martin, mon homonyme raté, et ses trois accords façon Tryo du Marais, et Georges, blanc comme une limace qui se serait décolorée en pénétrant dans ce royaume hanté. Non, tu ne rêves pas. Non, tu ne louches pas. Tous s’éloignent méchamment de la vingtaine, comme moi.
    On se tutoie, ok ? Autant qu’on se mette à l’aise, on n’est tout de même pas si vieux. Il faut que je te parle du mec que j’ai rencontré ce, ou plutôt hier soir. Pas celui de la sixième photo, hein. Ce con là je ne l’embrasse qu’en raison d’un stupide jeu à boire. Tu connais ? On aligne sept ou huit shots, on se met face à face, et le premier qui finit le quatrième a gagné. Anyway, tu penses bien que je n’aurais jamais embrassé un beauf pareil sans un mauvais gage ou un truc du genre.
    Le mec que j’ai rencontré tout à l’heure s’appelle Matthieu, ce qui tombe plutôt bien, car j’ai toujours eu un bon feeling avec les Matthieu, surtout ceux avec deux « t ».  Il est infographiste, ou un machin comme ça. Son métier consiste à « designer » des trucs sur ordinateur pour diverses boites d’audiovisuel. Il fait des jingles, des petits logos animés, et même des cartes de visite.
    Dès son arrivée, j’ai tout de suite compris que Matthieu était un mec détendu et discret. C’est lui qui nous a rejoints en dernier et c’est encore lui qui nous a quittés le premier. Ce geste d’apparente nonchalance, j’espère que tu accepteras bien volontiers de le considérer comme un témoignage de son élégance et de son raffinement. La plupart de nos convives semblaient pourtant médire sur le fait qu’il ne soit resté qu’une petite demi-heure. Peut-être avaient-t-ils oublié que les hommes les plus distingués ne se nourrissent pas au-delà de leur faim.
    Et puis, quelle audace ! Se barrer comme ça, sur un coup de tête, pour des raisons de musique ou d’on ne sait quoi. Quand on y pense, quoi de plus excitant ? Matthieu et son autorité naturelle suffisante pour faire fi des conventions sociales les plus élémentaires, on pourrait presque voir ça comme un acte révolutionnaire !
    Mais du coup, il n’est pas sur les photos. C’est super pénible ça. Comment je l’ajoute sur Facebook, moi, maintenant ? Je ne sais même pas qui l’a invité. Il n’avait pas l’air de connaître Debbie, Martin ou Joe, et il a à peine salué Alex. Si je veux lui proposer de devenir mon ami virtuel, il va falloir que je le retrouve, et pour cela, un seul moyen. Je vais devoir explorer chaque image de la soirée à la recherche des invités y étant taguées. Puis en cliquant sur leurs profils, je pourrais « checker » tour à tour leurs propres listes d’amis pour voir s’il y figure.
    Ou alors, plus simple, je pourrais tout aussi bien inviter la plupart des mecs de la soirée à rejoindre mon groupe d’amis. J’aurais alors bon espoir d’apparaître sur la liste de recommandations de Matthieu. T’en pense quoi ? Ce serait faire d’une pierre trois coups, non ?

    Je m’évite les longues heures d’investigation, je m’offre une dizaine de nouveaux amis, et j’en apprends plus sur les sentiments de Matthieu. S’il m’ajoute, c’est qu’il me veut. Et je saurais vite s’il est jaloux des autres mecs.  
    Tiens, matte un peu la photo de Jérôme, debout sur la table, faisant l’hélicoptère avec sa bite. Ça lui va bien le pantalon sur les genoux. C’est mignon, tu ne trouves pas ? Qu’est-ce qu’il était bourré ce soir ! Celle là, il va forcément vouloir la supprimer. Clic droit, enregistrer sous « photo dossier », dans le dossier « photos dossier ». Ça pourra toujours resservir, on ne sait jamais. 

    - Bien rentrée ?
    - Oui Alex, merci.

    C’est Alexandre qui vient de se connecter au système de messagerie instantanée du site. C’est moins cher que les textos et ça va beaucoup plus vite. Alex est toujours prévenant avec les filles qui rentrent de ses soirées, surtout lorsqu’elles sont bien cuites. Celles-là, il tient à les raccompagner personnellement en voiture, et aucune n’a encore jamais eu à se plaindre du moindre geste d’affection déplacé.

    Ce soir, nous avons bu, mais les derniers métros nous auront permit d’échapper de justesse à la bacchanale qui s’annonçait dans son appart’. Aussi, j’imagine qu’Alex a déjà retiré sont t-shirt Superman et qu’il se console avec celles d’entre-nous qui sont de retour sur le net. Tu penses que je peux lui demander pour Matthieu ? De but en blanc, comme ça ? Ce ne serait pas très cool, non ?

    - Tu fais quoi ?

    - Rien.

    - Et toi ?

    - Rien.

    - Dis Alex, y’avait pas des nouveaux, chez toi, ce soir ?

    - Ouais, pourquoi ?

    - Pour rien…

    Selon Debbie, Alex a toujours un peu craqué pour moi. J’aimerais mettre le grappin Matthieu, mais je pense pouvoir m’en sortir sans avoir à faire souffrir personne.

    - http://www.facebook.com/matthiouuuu¹, j’ai bien vu ton petit manège tout à l’heure. T’as qu’à l’ajouter, si tu veux ! ;-)

    Le rassurant petit smiley qui clôture la phrase a de quoi me redonner le sourire.

    - Merci Alex !

    Matthieu Gouarné. Tu n’étais qu’un prénom et voilà que mon Facebook t’offre à présent un nom. Trois quart profil vaguement féminin et petit clin d’œil malicieux. Heureusement que ta barbe de huit jours est là pour nous rappeler ce qu’il se cache dans ton slip. T’es toujours aussi beau Matthieu. Les flashs te rendent hommage et réduisent à néant les néons tamisés d’Alex. On peut voir dans ta photo un parfait résumé de nos soirées. La séduction n’y est qu’un grand jeu d’éclairage visant à unifier nos visages.

    Bla bla bla, littérature et compagnie. Dis copine, tu penses que je dois l’ajouter ? Ce n’est pas un peu rapide ? En même temps ça ne dit pas grand-chose de mes intentions. Mais du coup ma demande pourrait vite lui sembler anodine. Et s’il me refusait ? T’as raison, il vaut mieux que je lui envoie un message.

    Matthieu,

    J’imagine que tu te souviens de moi. Bien sûr qu’il se souvient de moi ! Matthieu, on s’est vus chez Alex, tout à l’heure. J’ai apprécié ta compagnie et j’ai pris plaisir à découvrir ton univers. En effet, la pelote basque m’a toujours semblé être un sport fascinant et… Mon dieu, qu’est-ce-que je raconte comme conneries moi. N’importe quoi… Ressaisis-toi ma fille !

    Matthieu,

    Nous nous sommes rencontrés chez Alex, tout à l’heure. J’ai apprécié ta compagnie et j’ai pris plaisir à découvrir ton univers. Je ne sais pas ce que tu en penses, mais à mon sens il serait dommage que l’on ne se revoit que sous l’impulsion fruitée du hasard. Alors, si tu es d’accord, allons nous prendre un jus demain.

    Je te propose que l’on se donne rendez-vous à 18h du côté de St Michel.

    Bisous… Non, trop nunuche !

    Bises,

    Andréa

    Peut-être que je devrais joindre une photo, ou alors un lien. Les lolcats ont la cote en ce moment. Prend celui-ci, par exemple. La main tend un morceau de jambon, le chat inattentif s’approche du rebord de la table. La main recule, le chat se rapproche un peu plus. La main poursuit son piège, le chat saute et griffe le mec. Vingt-et-une secondes, fin de la vidéo. Mauvaise idée, restons sobre.

    Souhaitez-vous confirmer l'envoi de ce message ? Ok...

¹ Cette adresse Facebook existe réellement. Avec leur aimable accord, j’ai emprunté des photos à des amis pour créer les différents profils fictifs de mes personnages. Ainsi j’espère pouvoir les faire vivre sur le réseau social en parallèle et au-delà du roman.



  • Beau descriptif intéressant sociologiquement, un peu désespérant et écoeurant aussi, je vois qu'il y a autant de face book, qu'il y a de facebookiens ! d'humains avec leurs tourments et leurs joies, inchangés, avec cette nouvelle donne du virtuel : un tournant historique, c'est sûr... j'ai la chance de vivre fb dans un grand mélange social et générationnel, et c'est vraiment bien !

    · Il y a environ 13 ans ·
    Camelia top orig

    Edwige Devillebichot

  • 123 lectures en une journée !!C'est ce qui s'appelle un texte à succès. Bonne description de notre monde de com virtuelle, aux outils indispensables. Après en effet, pour le concours tout cela ne tient qu'à la décision du jury dont font parti les personnes de WLW comme le dit Sabine. Alors il faut croire que c'est en bonne voie. Bonne chance à vous.

    · Il y a environ 13 ans ·
    Green sea turtle orig

    zi-toon

  • Merci pour vos gentils commentaires. Pour rappel, les résultats du concours ne sont pas soumis aux votes des lecteurs mais ne tiennent qu'à la décision du jury. Aucune inquiétude pour Sabine donc, car je pense que tous nos textes seront évalués sans distinctions. :-)

    · Il y a environ 13 ans ·
    35073 410434652707 773327707 4368511 7167334 n 300

    William Doise

  • J'aime ce texte, drole et d'actualité. Toutefois, je suis assez d'accord avec sabine. Mettre un texte en avant alors qu'il s'agit d'un concour, ce n'est pas le top! Mais tu n'y es probablement pour rien...

    · Il y a environ 13 ans ·
    Default user

    juliem

  • Hum on pourrait se retrouver un peu tous dans ce personnage héhé

    · Il y a environ 13 ans ·
    20140725 185326

    Cindy Dydy

  • On sent le vécu. J'aime beaucoup ;)

    · Il y a environ 13 ans ·
    Portrait orig

    grenouille-bleue

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