Gourmandises

12h40… J'ai mal calculé mon temps, je suis arrivé trop tôt et je poireaute. Ca renforce ma mauvaise humeur… Qu'est-ce que je fiche là ? Ce déjeuner me barbe d'avance, je suis vraiment trop bon… trop con plutôt ! Qu'est-ce qui m'a pris d'accepter ce déjeuner avec une nana que je ne connais pas et dont le CV platine laisse présager le laideron ou à tout le moins la fille sans grâce ? Tout ça pour rendre service à Mathieu, un vieux pote d'enfance. Il tient absolument à ce que je bosse avec une de ses connexions ! Je secoue la tête… pour me calmer j'observe le bistrot qu'elle a choisi pour me rencontrer. Plutôt charmant, des tables trop étroites pour mes grandes jambes, des nappes un peu longues mais des boiseries classées et des carreaux de ciment au sol qui font écho à une carte… terroir. Le serveur vient me demander si je veux boire quelque chose. Je commande un Perrier rondelle et il me rassure en précisant que mon interlocutrice serait là à l'heure.

« Elle n'est jamais en retard »

Ca se confirme, si elle a ses habitudes ici, elle doit être épaisse de partout

Les seuls plats diététiquement corrects ici pour une jolie femme semblent être une salade et un poisson autant dire que c'est court même pour moi d'ailleurs.

12h50 ! J'observe dehors, le ballet des berlines qui s'arrêtent en double file, sans doute pour aller chez le traiteur d'à côté… un grand nom s'il en est. Mon regard est happé par une jolie paire de jambes qui émerge d'une des voitures, la plus discrète des italiennes de luxe. Les jolies gambettes appartiennent à une silhouette souple, habillée d'un manteau très bien coupé qui doit valoir une blinde. Un voiturier, se précipite et semble parlementer pour récupérer les clés. La fille finit par les lui confier et le remercie, une main posée sur son bras. Curieuse familiarité ! D'habitude, ce genre de princesse des beaux quartiers balancent leurs clés sans même accorder un regard à celui qui les saisi. Je regarde ma montre, 12h57. Plus que 3 minutes si le serveur dit vrai !

La salle s'est remplie, une clientèle d'affaire essentiellement masculine

Tu m'étonnes !

Un léger mouvement dans la salle me fait lever la tête, la princesse de tout à l'heure est entrée.

Qu'est-ce qu'elle fout là, ce n'est le genre à consommer de la blanquette ?

Un regard au patron et elle pique des deux vers le fond de la salle d'un pas décidé. Ses hanches se meuvent souplement et je me retourne pour voir qui est le veinard qui va déjeuner avec elle…

Personne

Elle s'arrête à ma hauteur, il est pile 13h

« -Bonjour

Je la regarde, muet, sans comprendre et elle marque un temps d'hésitation

-Hugo Werner ?

-Oui balbutié-je  

Il y a gourance là ! Moi j'attendais le sosie de Hillary Clinton jeune ! C'est pas possible, ce n'est pas elle !

Elle se détend visiblement, laisse éclore un sourire, se dégante et me tend la main :

-Victoire, nous avons rendez-vous je crois !

Eh ben putain, si je m'attendais à ça !

Reprends-toi Werner, tu dois avoir une tête de poisson échappé de son bocal.

Connard !

C'est le seul mot que contient le SMS que j'envoie discrètement à Mathieu

Elle fait glisser son manteau révélant une silhouette plutôt menue, prise dans une robe noire ajustée. Je remarque un discret décolleté, des yeux bleus et des cheveux châtains qui tombent en vagues souples sur ses épaules.

-Ravi articulé-je

Bravo mec ! Belle conversation

-Nous allons choisir, vous n'avez pas beaucoup de temps je crois

Ca va aller vite, tu vas prendre la salade, je suis prêt à le parier

Je commande le poisson pour la mettre à l'aise et une eau gazeuse. Toujours plongée dans la carte, elle a un petit rire de gorge

-Vous n'avez pas peur d'avoir faim ?

Elle me regarde par en-dessous, une lueur amusée dans les yeux.

-Pour moi, ce sera comme d'habitude ! Je meurs de faim dit-elle en refermant rapidement la carte qu'elle tend au serveur

C'est ça fiche-toi de moi !

Elle attaque rapidement le sujet du rendez-vous. Elle est claire, concise, passionnée…intéressante !

Un ping discret me signale l'arrivée d'un SMS. La réponse de Mathieu. Une kyrielle de petits smiley hilares

Quel abruti !

Il se fout ouvertement de ma gueule parce qu'il sait ! Chez moi les femmes sont classées en trois catégories. Celles qui font partie de ma « famille », celles avec lesquelles je bosse et ne risque pas de jouer (beaucoup de cerveau mais pas assez de physique) et celles avec lesquelles je joue et ne risque pas de bosser (pour des raisons inverse aux premières)!

Celle-là est l'artéfact, je ne sais pas où la ranger, elle peut aller partout et ça me met tellement mal à l'aise que je me dandine… Nos genoux se frôlent plusieurs fois sous la table et à chaque fois elle reçoit mes excuses avec un sourire franc… Elle est là pour le business ! Chez elle, les choses sont claires ! Pas un instant elle ne se laisse aller à jouer la carte de la séduction ! Engagée et chaleureuse dans le discours, elle me maintient physiquement à ma place. Pour elle, je ne dois même pas avoir de sexe. Je suis un prospect, point à la ligne et ça m'emmerde, oui ça m'emmerde !

Le serveur arrive et interrompt son exposé en installant un guéridon à côté de la table.

En voilà des simagrées pour une sole et une salade !

Deux autres le rejoignent. L'un me prépare ma sole avec des gestes précis, l'autre porte une petite casserole en cuivre qu'il présente à Victoire qui acquiesce en souriant… avant de se reculer vivement. Le serveur fait flamber le contenu qu'il prépare sous nos yeux.

Des rognons…je rêve !

Garnis de tagliatelles luisantes de beurre et généreusement pourvus de sauce, il pose devant elle une assiette dont l'apport calorique suffirait à nourrir toutes les bimbos de ma connaissance pendant une semaine. Ses yeux à elle brillent de convoitise alors qu'il verse dans son verre ce qu'il annonce être un Saint Joseph.

La vache ! Est-elle gourmande comme ça pour tout ?

Je me sens un con ! C'est elle qui se tape un gueuleton alors que j'ai fait l'impasse sur l'entrecôte et que je m'arsouille à la San Pé ! Je la regarde glisser la nourriture dans sa bouche, se lécher discrètement les lèvres, prendre une gorgée de vin. Son assurance tranquille dans nos échanges, ses sourires décontractés, son appétit … Tout ça commence à m'exciter !

Avale-t-elle tout avec autant de plaisir ?    

Mes pensées sont en train de prendre un tour dangereux quand son téléphone sonne ;

-Je dois répondre désolée murmure-t'elle

Pressée de décrocher elle laisse échapper l'engin et plonge pour l'empêcher d'exploser au sol. Sa chaise se déséquilibre, sa main droite attrape ma main gauche pour éviter la chute.

Et à ce moment précis… tout change. Elle devient… réceptive !

Toute à sa conversation, elle ne retire pas sa main de la mienne, son sourire me demande pardon de s'occuper de quelqu'un d'autre…

Sa main est fine, presque brûlante et à son contact j'ai l'impression qu'une bulle se referme autour de nous. Je n'ai plus comme horizon que ses lèvres qui remuent, sa poitrine qui se soulève et s'abaisse doucement. Les conversations autour de nous se sont estompées et je n'entends plus que sa mélopée téléphonique. Ses yeux se rivent aux miens et de distant toute à l'heure, son regard devient provocateur. Dans ses prunelles assombries, je lis comme du défi. Elle cambre le rein, décroise les jambes et j'entends un crissement caractéristique

Des bas ! Elle porte des bas !

Voilà qui mérite une petite vérification…

Ses yeux me provoquent…Mes jambes emprisonnent les siennes. Lentement, ma main droite se glisse sous la nappe, la gauche tient toujours la sienne, ne pas la lâcher… ne pas rompre cette intimité qu'elle a laissé s'installer. Je saisi sa jambe et caresse la douceur d'un fin voile de nylon… Je souris, mon pronostic se confirme et ma queue tressaille. Je remonte lentement depuis sa cheville et sur toute la longueur de sa jambe. Mes yeux ne quittent pas les siens et j'y lis sa supplique muette

Continue ! Touche-moi s'il te plait !

Ma main progresse puis s'arrête … Encore ?

Tu peux reprendre où tu en étais… s'il te plait ?

Je repose ma main et l'effleure doucement plus haut, toujours plus haut… jusqu'à la lisière de ses bas que je suis jusqu'à rencontrer ses jarretelles.

Je le savais !!! La totale !

Je caresse sa peau mais j'hésite à monter plus haut.

Qu'attends-tu ? Tu hésites ? Tu veux savoir, Tu en as envie et moi aussi, fais-moi ce plaisir…Vas-y !

Mes doigts progressent, lentement, avec douceur, ils atteignent le delta de ses cuisses et je frôle l'explosion !

Rien, nada, niet pas l'ombre d'un morceau d'étoffe !

Elle continue sa conversation, ses yeux toujours dans les miens et j'ai l'impression de lire en elle

Tu aimes n'est-ce pas ? Moi aussi, continue, tu en as envie !

Elle s'ouvre un peu, accueillante et moi qui toute à l'heure trouvais les nappes trop longues, je me félicite de ce détail pratique, une bénédiction.

Elle se cambre un peu plus et d'un coup de rein nerveux, rapproche sa chaise de la table, elle m'aide, m'encourage.

Je caresse sa toison, courte, bien taillée puis ses lèvres douces et trempées, son bouton gonflé… frémissant et de mes doigts je la prends.

Bordel qu'est-ce qu'elle mouille ! Mais comment fait-elle pour me provoquer, prendre son pied et continuer à discuter comme si de rien n'était ? J'oscille entre l'admiration et la frustration. Jamais vu quelqu'un avec un tel degré de maîtrise ou de capacité de segmentation. Qui se douterait ici présent que suis littéralement en train de la baiser avec mes doigts, sous cette table ! Même moi j'ai du mal à y croire et pourtant je bande comme un âne !

Elle raccroche enfin, boit un verre de vin et bascule les hanches, toujours sans piper mot. Elle bouge un peu et je la sens se contracter autour de mes doigts. Elle se mord la lèvre, veut-elle me montrer qu'elle jouit ?

Je sens son pied se déplacer doucement. Je n'ai même pas le temps de me demander ce qu'elle mijote que mon souffle se raccourcit et ma gorge se bloque : elle me masse doucement l'entrejambe, le plaisir irradie de son corps tout entier et son regard me transperce bien au-delà de ce que je souhaiterais. Je bous littéralement.

Je serre les dents et contient la seule envie qui me taraude. Celle de me lever, de l'empoigner pour l'allonger sur la table et la bouffer toute crue en commençant par sa chatte trempée. Je m'imagine relever sa robe pour mieux la faire gémir, peu importe les businessmen rassemblés ici. Nous en avons envie tous les deux, nos yeux, nos mains, nos corps se le disent et il va falloir stopper là sans quoi…

 -Hugo ! Hugo !

Sa voix pleine de sollicitude me ramène à la réalité…

-Voulez-vous un dessert ?

Je bredouille que je préfèrerais un café

-Ca vous arrive souvent ?

Putain qu'est-ce que j'ai dit ? Qu'est-ce que j'ai fait ?

-Quoi ?

-Eh bien ces absences ! Je ne sais pas où vous étiez mais vous y étiez ! J'aimerais pouvoir me couper comme ça de tout mon environnement, sacré avantage ! C'est de ma faute, j'ai été trop longue au téléphone. Que diriez-vous d'un second rendez-vous, dans nos bureaux, je crois que j'ai assez abusé de votre temps pour aujourd'hui ?

Un autre rendez-vous ? Je ne sais pas si j'aurais la force de résister à ça !