Il a sur le visage

inta

Il a sur le visage les découpes fermes  d’un portrait douloureux, les joues sombres et la démarche incertaine.
Je passe et je le croise et je bloque mes rêves au carrefour. Ici, juste sur son flanc.

C’est ce que j’aurais pu faire, si j’y croyais encore, c’est un geste inutile qui n’arrêtera pas les courses aveugles de l’autre. Mon corps n’est pas rempart au périple indécis.

Parfois, il y a longtemps, lorsque je m’enfermais dans les hêtres, lorsque de leur feuillage je répétais les mondes, jusqu’aux toiles d’araignée volées aux châtaignés, parfois, je prenais le pouvoir.

Une suspension d’élément sur les traces provisoires et le désir d’impossible, les vœux jamais défaits. Là, devant lui qui avance, le menton abaissé, les bras vifs, là, j’effile la maîtrise que j’ai des choses.

Je lui parle et veux savoir l’audace de ses pas et il dit parce qu’il ne peut pas faire autrement. Il raconte l’usine dans le brouillard et les poids qu’il charrie d’un hangar à un autre. Les heures à désapprendre.

Je lui donne l’ailleurs, les songes coruscants et la fabrique à pleurs se délite. Elle arrange ses tôles de reflets de banquises, les parpaings s’interrogent sur le canal de Suez, et du hangar, il ne voit plus que les portes entrouvertes.

Il a sur le visage un sourire, j’ai ce pouvoir là. Du moins, je voudrais bien le croire.

Signaler ce texte