je suis un Super-Héros

Ma femme dit que je suis un Super-Héros…

Si, si, je vous assure, je l’ai entendu le dire au téléphone à sa meilleure(s) amie(s). Tout d’abord j’ai senti mes pectoraux reprendre du volume dans mon Albertcrombie pourtant taillé XL, puis je suis redevenu prudent : une femme qui est capable de faire un créneau en gardant son portable à l’oreille est sûrement capable de manier l’ironie…

Faisait-elle allusion à ma prestation d’Homme Invisible dans la cuisine… Ma Superwoman verrait-elle aussi bien à travers les cloisons qu’à travers mes pensées ? Moi un Héros ? Je suis pourtant bien trop jeune pour avoir fait partie de l’orchestre du Titanic et je n’ai pas non plus été pompier de New-York un 11 septembre. Parlait-elle de mon époque pré-pubère où je guerroyais déguisé en Robin des Bois dans le jardin de Mamie ?

Par éthique professionnelle, je tairais que je fais partie du RAID tous les matins au réveil, mais pour rester dans l’actualité, pas plus loin que le 1^er mai, il est vrai que j’ai défié les syndicats en descendant la poubelle, et même si ce n’est pas en passant par le balcon, suspendu par un fil d’araignée sorti de mon poignet, je vous jure que le demi-sourire gentiment narquois de ma voisine du dessous a été d’un grand réconfort. A moins que ça ne soit mon collant et ma cape qui l’aient laissée songeuse ?

Il est vrai qu’en ce début de siècle, la tendance est plutôt au Bobo beau, tendance héros-écolo à l’énergie inépuisable si vous tombez dans son panneau solaire, un prince sans-rire qui vous emmène danser en pantoufle de vair recyclable, et qui vous fera 7 nains tout en restant charmant, un Zorro de conduite accompagnée qui vous ferait rire sous cape, un Tarzan branché en pagne siglé Serre-outil ou Hugrosse Boss qui vous fera (con)voler de liane en liane sans vous lâcher à la première lionne ou cougar croisés…

Alors oui, j’essaye modestement, comme beaucoup de mes congénères, d’être cet Homme des Temps Moderne qui signe de petits exploits quotidiens et variés : trouver le code secret de la machine à laver qui permette de laver à la fois le blanc, les couleurs, la laine et la serpillère à la bonne température tout en essorant à la vitesse idéale ; retrouver, armé du détecteur de métaux, l’aspirateur planqué dans un placard secret, ne pas s’évanouir après 4 heures de piétinement debout dans la chaleur suffocante du rayon Femmes au 1^er étage des Galeries Lafayitte, assumer seul un remplissage de caddie à Camefour, sans rien oublier sur la liste de Madame, en choisissant les 5 fruits et légumes les plus shootés de vitamines alphabétiques, et en restant stoïque après avoir, comme d’habitude, choisi la mauvaise caisse, celle où la « dame-âgée-qui-fait-ses-courses-le-samedi » a amené tous ses bons de réduction et en plus, a pris la seule crème dépilatoire qui n’avait pas de code-barres…

Là oui, j’ai craqué, j’ai fait mon Badman, j’ai essayé de la pulvériser à l’aide de mon Regard-Laser qui valait 7 milliards, mais pas de chance, Super-Mamie l’a habilement intercepté avec sa Carte Merveil.

Pour en revenir à ma femme au téléphone, peut-être fantasme-t-elle sur moi ? Je serais son Super-Mario en cas de fuite dans la salle de bains, son Buzz l’Eclair pour aller chercher son pain bio à 19h29, Kung Fu Panda pour les soirées « c’est qui karaté mon anniv » et X-Men pour les soirées coquines, mais surtout qu’elle ne me demande pas d’être un Shrek, ou alors ce sera sans provision !

Zut, j’ai un doute… et si j’avais mal entendu ? Et si elle avait dit : un Super-Zéro… ?