Je te plumerais !

Laissez les atours des jeunesses insolentes, lâchez les habiletés du formidable, quittez tous ces artifices qui font que l’herbe est toujours verte ailleurs !

Moi je suis faite des habits gris de la misère contenue, des toisons sans forme des petits matins difficiles. Moi je suis enrobée de rondeurs pour protéger mon cœur empli de chagrins inexprimés. Moi j’ai la peau des bras qui pend d’avoir tant porté de rêves inaccessibles. Moi j’ai des veines explosées par les luttes intestines à faim d’aimer et de l’être.

On m’a trop dit « avance » « bats-toi » « assume ».J’ai avancé sur l’épineux chemin où les mots assassinent. Je me suis battue à mal d’amour et gagné des batailles vaines, j’ai assumé les rôles attribués, portés en avant ceux que j’aime, recouvert de courage les tessons sur leur chemin, j’ai nourri leur corps et leur âme de joie et de confiance. Ils sont partis solides comme des chênes, généreux comme la mousson tropicale, crédités de jouvence salutaire . Ils sont partis me laissant gratter la marne de ma pouponnière dénudée. Minuscule îlot de serments effacés.

Me voilà riche d’un jardin éparpillé aux quatre coins de la terre mais ermite dans ma grotte. On ne m’a laissé que le pain humide des souvenirs pour me nourrir. J’ai faim de vous, j’ai faim de cette vie donnée. Mes mains sont nues. Je n’ai de diplômes que la tendresse léguée, je n’ai de podiums escaladés que les marches de ma propre vertu. Maintenant il me faut vivre  et me sustenter autrement. Etre une étoile au firmament des yeux opaques. Regardez-moi m’épuiser à paraître puisque être ne vous suffit pas ! Lâchez les alouettes ! Ouvrez la porte des miroirs !

Je suis lasse certes mais avide encore.

Peignez votre ciel aux couleurs vieilles de ma vie.