J’écrirai

J'écrirai sur le tronc figé d'un arbre mort,
Le rêve, le bonheur et puis le reconfort,
J'écrirai l'amour de celle qui m'a fait naître
Et toute la candeur qu'elle a su me transmettre,

J'écrirai le nom de chacun de mes amis,
Ceux avec qui nous nous sommes toujours compris,
J'écrirai cette enfance encore bien présente,
La douceur d'une main tendue et bienveillante,

J'écrirai les regards pleins de compassion
Et ces mots prononcés avec précaution,
J'écrirai les fleurs qui viennent juste d'éclore
Et les premiers reflets pudiques de l'aurore,

J'écrirai pour tous ceux qui ont perdu quelqu'un,
Pour qu'un nouvel espoir atténue le chagrin,
J'écrirai la tendresse infinie de mon père,
La générosité émanant de ma mère,

J'écrirai sur le sable humide et éternel,
Face à cet océan d'un bleu exceptionnel,
J'écrirai la beauté des cimes enneigées,
Afin que l'aube claire emplisse mes pensées,

J'écrirai le silence et son subtil écho,
Le cristal des flocons qui meurent sur la peau,
J'écrirai qui je suis quand nul ne me regarde,
Ces secrets enfouis qu'à tout jamais l'on garde,

J'écrirai la forêt, ses mousses, son odeur,
Inoubliable endroit qui fait battre mon cœur,
J'écrirai les sapins blanchis de la montagne,
L'herbe, les prairies, les parfums de la campagne,

J'écrirai le soleil et son rayonnement,
Pour que la vie me donne encore un peu de temps,
J'écrirai dans le feu du noyau des planètes,
Sur ces choses qui sont méconnues et muettes,

J'écrirai la lumière éphémère des nuits,
Qui creuse dans le ciel de minuscules puits,
J'écrirai les lueurs d'anciennes galaxies,
Sur la cire fondue et rouge des bougies,

Je n'écrirai ni la violence, ni l'enfer,
Ni ces longues soirées à souffrir de l'hiver,
J'écrirai la chaleur d'un repas que l'on offre,
Les vieux jouets en bois retrouvés dans un coffre,

J'écrirai sur la mer et à bord d'un bateau,
Sur la branche fragile où se pose l'oiseau,
Et quand j'aurai fini cet ultime poème,
Le monde ne sera plus tout à fait le même.

- Peinture : « Mektup » de Güler Kumru
- Musique : « Variations Goldberg - BWV 988 - Aria » de Johann Sebastian Bach ( 1695 - 1750 ) composée en 1742 jouée par Glenn Gould en 1981
- Texte : « J'écrirai » de Julien Darowski écrit en avril 2018