KISS KISS JUDITH -1

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La nuit trébucha et sembla s'écraser brutalement sur les collines. Autour de la maison, les tilleuls, glacés de cendres argentées ressemblaient à d'immenses soldats cristallisés d'hiver.

Judith avait mis la table depuis bientôt deux heures et trépignait d'impatience devant la fenêtre. Elle distinguait à peine le grand portail de fer forgé, au loin. Le brouillard avait recouvert la grande allée qui reliait la maison jusqu'à la première route de campagne.

Son petit frère Léo ne semblait pas inquiet et en profitait même pour jouer davantage à la console de jeux. Le vent soufflait fort et faisait virevolter des lames de brumes comme des fantômes de souffle qui s'accrochaient aux arbres comme des linceuls.

Judith respira profondément, elle détestait le vent. Il faisait craquer la maison de toutes parts comme si la carcasse de la bâtisse avait été douloureuse.

Au fond d'elle, elle sentait bien que quelque chose n'allait pas. Elle avait toujours été intuitive mais avait aussi beaucoup d'imagination. En grandissant, elle reconnaissait que cette dernière lui avait joué des tours , alors, cette fois, elle ne voulait pas céder à la panique et observait méticuleusement ce qui se passait autour d'elle.

Certes, les réverbères de la rue étaient éteints mais peut-être ne marchaient-ils plus à cause de la tempête ?

« Léo, je sors voir s'ils arrivent, reste ici ! »

Léo hocha la tête mais ne détacha pas son regard de l'écran, captivé par un autre monde.

Judith s'engouffra dans la saison glacée, une lampe torche à la main, recroquevillée contre son cœur qui cognait contre sa poitrine.

Il était 21 heures mais l'atmosphère résonnait comme si l'heure avait été tardive et que chacun aux alentours avait regagné son lit, pressé d'oublier l'hiver jusqu'au lendemain.

Judith s'immobilisa quelques instants dans l'allée. Le vent glacial hurlait dans ses oreilles et lui brûlait les joues. La neige commença à tomber. Elle ne savait pas ce qu'elle cherchait mais il y avait quelque chose d'inhabituel dans l'air comme si la tempête avait été un prétexte pour masquer ce qui se tramait aux alentours.

Judith sentait  la peur lui ronger le ventre. Ils étaient en danger son frère et elle, elle en était convaincue. Elle sentait le danger imminent qui les encerclait et finirait par les étouffer.

Elle déguerpit aussi vite que possible et alla se réfugier à l'intérieur.

« Qu'est ce qu'ils font papa et maman ? J'ai faim, moi ! »

« Euh... Écoute, ils ont certainement eu une urgence, t'en fais pas, je vais faire quelque chose à manger. »

Tout en préparant le repas, Judith tenta de se rassurer, ses parents étaient médecins après tout, et elle savait très bien qu'ils n'avaient pas vraiment d'horaires fixes.

A peine le repas englouti, Léo scotcha de nouveau son écran. Judith, elle, emmitouflée dans un plaid, le regardait tuer des dragons. Elle avait fermé tous les volets de la maison mais sentait encore cette présence autour d'eux.

La dernière fois qu'elle regarda l'heure, il était minuit et quart et son frère Léo s'était endormi sur le canapé.