L
thib
Je ne crois pas qu'on puisse imaginer. Que personne ne le puisse. Ce que ça fait, dedans. Il faudrait certainement plusieurs vies rien que pour avoir une idée de la souffrance qui t'a giflée en quelques jours. En seulement quelques jours. Il n'y a rien à faire. C'est hors de portée. On ne peut pas imaginer. On ne peut pas imaginer ni comprendre ce qu'il faut de force, de générosité et d'amour avant tout ça pour qu'une fois tout en ruine, il reste encore une braise qui palpite. Sous les décombres de la peau. Un souffle sous les cendres qui rit encore un peu, parfois, avant de retomber.
Quand je te parle, tu sais, quand je t'écris, c'est comme jeter des cailloux dans un grand vide. Je connais un peu, pourtant. J'ai eues mes falaises aussi. J'ai visité un peu, les paysages. Ceux des autres et ceux du monde. Mais jamais comme ça. Jamais un vide. Et une étoile au fond. Mais loin. Hors d'atteinte, presque. Je suis tout seul à danser sur le fil de l'a-pic. Je fais le con, comme dirait l'autre. Je jette tout ce qui passe à travers moi dedans, pour essayer de combler. Je crée le chaos, un chaos parmi d'autres. Pour ton étoile. Pour toutes celles qu'on ne voit pas et qui croisent notre route. Parce que je crois encore plus fort à ce que disait Nietzsche quand je pense à toi.
Parce que, c'est peut être bête. Mais j'ai foi. Espoir. J'en couperais mes phalanges une à une tellement j'ai foi. En quoi exactement, je ne sais pas. Dans l'étoile qui danse. Dans l'océan. Dans le chant du ventre. Dans le printemps, dans les voiles qui se gonflent, dans la sécurité des nuits. Dans la générosité. Dans ce petit mouvement qu'on a, quand on gravit, et qui nous fait tourner la tête pour voir. Parfum des pierres. Musique des pierres sous la neige, sous le soleil, sang chaud, sang répandu. Dans ce qui palpite. On tourne la tête et derrière il y a quelqu'un. Pas assez prêt pour nous toucher. Assez prêt pour nous porter des yeux. Assez prêt pour répondre à nos larmes. Pour les essuyer s'il faut. Pas assez pour faire peur. Assez pour offrir son sourire. Son rire qui ne fait pas de bruit. Pas assez pour envahir. Assez pour déborder le doute. Pour le recouvrir. Quelqu'un comme un feu auquel on s'appuie. Avec des mains solides. Des épaules d'arbre. Des bras montagnes.
Et dieu sait que ça m'a manqué longtemps. Longtemps. Et puis la vie. Qui attend tout au fond, parfois, que quelque chose la comprenne avant de sortir. Attente inépuisable de ce qui est vrai, d'être touchée avant de se déplier. Quand ça nous a manqué on sait. On sait parce qu'un jour on s'est retourné et il y avait quelqu'un. On ne peut peut-être pas tout connaître de la souffrance. Et on ne peut pas lui mentir non plus. De toute façon, le comme-si, je n'en peux plus. Je voudrais qu'on l'ait guillotiné pendant la révolution française. Qu'il ne fasse plus partie de notre langue. Un comme avec un si. La comparaison n'aura jamais de condition. La douleur non plus. Mais ne pas connaître n'empêche pas. Jamais. Ça n'empêche jamais de sentir la solitude de l'autre. D'en sentir le froid, les ruines, le mutisme.
Et d'aller devant. De se coucher dessus, de continuer à vivre, à offrir, à dire et à répandre. Pour que ceux qui ont froid puissent toujours être libres de venir un moment près du feu. Qu'ils n'oublient pas. Que personne n'oublie jamais ce que c'est de recevoir quand on a tout perdu, ni ce que c'est d'offrir quand on a peu. Que personne n'oublie jamais ce que ça fait, la vie. Qu'elle continue quand on souffre, aussi, même si ça fait peur. Et que lorsqu'on a peur, si on se tourne du bon côté, il y a toujours quelqu'un. Quelqu'un qui nous fait de la place, qui nous accueille, quelqu'un pour nous soutenir avec ses yeux, avec son ventre. Pour donner à manger aux étoiles qui continuent leurs ballets en nous. Même si c'est loin. Même si la lune s'est penchée devant. Quelqu'un comme un chaos, qui balance des choses sans vraiment savoir en espérant que ça rencontre.
On m'a donné et j'ai reçu. Comme on ne pense même pas que c'est possible. Comme on le souhaite lorsqu'on a mal. Au-delà, même. C'est toujours un peu au-delà. C'est toujours miraculeux, ça fait du bien partout, doucement. C'est être serré très fort. Sans raison. Vraiment sans raison. Et la douleur qui se met à pleurer. Qui se met à laver. Doucement. Les ruines. Comme le dessous d'une neige qui fond quand la terre se réveille. On serre, on est serré. Vivant. Vécu. On ne comprend plus mais dans la poitrine il y a maintenant un doux bruit d'ailes à côté de la souffrance et des larmes. Elle n'est plus seule. On m'a serré pour m'en piquer, et on a réussi. Tour de force. Je me battais pour tout garder. Et on a remplacé ce qu'on avait pris par autre chose. Pour me rappeler. Que. Oui la tendresse, oui la chaleur, oui le soulagement, oui l'abandon, oui la reconnaissance, oui. Oui à tout ça, mais pas contre. Pas contre la douleur. Avec. Dans le même monde. Elle n'a jamais été seule. Nous non plus. Toi non plus.
C'est ton tour maintenant, sans force. Maintenant, c'est toi, et ta peine qui fait croire que tu es seule. Ta grande peine vide qui ne bouge pas. Ta peine de gel. Elle est vaste, je sais. Elle va loin, je sais. Elle est terrible, je sais aussi. J'ai pas peur d'elle. Quand tu te retourneras pour regarder, je serai là. Et je sais que je peux me retourner aussi. Je sais qu'il y aura la longue chaîne de la vie vécue derrière moi. Qu'il y aura toute la tendresse du miracle. Et qu'elle ne fait que passer par nous. Pour se répandre. Maintenant c'est ton tour. Je te préviens. Ça prendra le temps que ça prendra. Je serai là. On sera là, tous. On finira par te prendre dans nos bras. Et tu aimeras le monde comme à tes premiers jours.
"Avec la douleur. Pas contre." J'ai adoré ton texte, du début à la fin. Non seulement cela m'émeut, mais cela m'inspire. J'ai d'ailleurs envie de le faire lire à une amie à moi qui a besoin de ce genre de message. Surtout de la part d'un parfait inconnu. BRAVO pour ce petit chef d'ouvre qui fait l'unanimité chez moi, personnellement. CDC
· Il y a plus de 9 ans ·mlleash
Emouvoir est un privilège, inspirer est un cadeau. Si la chaîne continue, alors, je ne peux rien souhaiter de mieux. Merci, merci.
· Il y a plus de 9 ans ·thib
La souffrance est transcendée par la beauté du texte qui mêle émotions, images oniriques et éléments naturels. Un bel accord de mots, de sensations d'émotions, je suis touchée. ça sonne tellement juste, merci.
· Il y a plus de 9 ans ·bleuterre
Je suis touché moi aussi. Vraiment. Merci d'avoir su ressentir.
· Il y a plus de 9 ans ·thib
C'est tellement puissant, intense, et la musique que tu y as associé passe tellement bien avec tes mots... Je ne regrette pas d'être passée par là, c'est superbe.
· Il y a plus de 9 ans ·dreamcatcher
Oh je ne regrette pas non plus que tu sois passée. Ça fait chaud, comme passage. Ça fait été. Merci m'zelle.
· Il y a plus de 9 ans ·thib
Bouleversant, ce texte me coupe le souffle, tant il m'a remué et tant j'ai ressenti en lisant. Sincèrement bravo!
· Il y a plus de 9 ans ·ade
C'est bouleversant, parce que j'étais bouleversé. Merci d'avoir senti Ade.
· Il y a plus de 9 ans ·thib
je reviens. Qu'est ce que c'est ce texte.?Je n'ai rien vu de plus talentueux, profond, beau, troublant. Je me suis retenue de pleurer plusieurs fois, et j'ai lu ton texte à une femme qui venait de me raconter ce que toi tu écrivais. Cela l'a beaucoup consolée de voir de telles similitudes avec son histoire.
· Il y a plus de 9 ans ·elisabetha
Alors déjà, avant que je n'oublie, et puisque je ne peux pas te répondre directement, c'est homme. J'aurais bien aimé être femme, enfin ça ne m'aurait pas dérangé quoi, mais là, je ne sais pas si c'est moi qui ai décidé.
· Il y a plus de 9 ans ·Et puis merci, encore. J'avoue que je ne suis pas très à l'aise avec les compliments. Je préfère être de l'autre côté. Mais ça me touche. Vraiment. On se ballade toujours avec des montagnes de choses ressenties qu'on voudrait bien faire partager. Et quand, par une sorte de magie, ça rencontre quelqu'un d'autre, ça donne chaud, ça allume, ça ouvre.
Et je te remercie aussi pour elle, celle qui a lu. Je te remercie de prendre part à cette tendresse là. Et à d'autres je n'en doute pas.
thib
Il n'y a pas que tes commentaires qui coupent la chique Thib. ça remue et ça frémit. Y'a tout. Merci.
· Il y a plus de 9 ans ·carouille
Carouille, tu n'imagines pas ce que ça me fait de te voir là. Sincèrement. Et faut que tu saches que je cherche pas à couper la chique hein. Au contraire. Tu sais ce que je veux dire. On appelle. Merci de frémir avec moi.
· Il y a plus de 9 ans ·thib
c'est vraiment magnifique. Je comprends tout ce que vous écrivez j'ai vécu, non je vis, la souffrance avec la vie. Vraiment bravo et merci. Pour cette profondeur de pensée.
· Il y a plus de 9 ans ·elisabetha
Merci Elisabetha. Je ne peux par contre pas dire que ça m'enchante, le bravo. Tout ça n'a rien de vraiment profond. C'est de l'ordre de l'évidence et à vrai dire, je suis persuadé que nous sommes nombreux à le comprendre. C'est moi qui te remercie.
· Il y a plus de 9 ans ·thib
Une très forte 4 eme dimension. Un peu saignante, mais très belle écriture.
· Il y a plus de 9 ans ·effect
Je retire ce que j'ai dit. J'ai trouvé la 4eme dimension. Mais faut suivre... Le compliment reste aussi grand que ce que je disais, lui, par contre. Merci beaucoup m'sieur.
· Il y a plus de 9 ans ·thib