La banlieue

Hervé Lénervé

J’en ai un peu marre de casser du savant. Je fais une pause en livrant un texte intimement autobiographique.

Une cité morose, dans une ville dortoir. Pas dans les beaux quartiers, d'ailleurs, des beaux quartiers, ici, il n'y'en a pas. Bref, une banlieue ordinaire comme tant d'autres, à Neuilly sur Seine.

- Tu viens jouer au foot, Vévé !

- Non, c'est plus mon truc, le foot. Puis de toute façon, il faut que je surveille, mon frère. Quand il est tout seul, il ne fait que des conneries.

- Mais il a 25 balais, ton frangin !

- Certes, mais la dernière fois, il a braqué une bijouterie de montres de luxe, que des Kelton, made in Swisserland by China. Que des conneries le frangin !

- Alors, vient, on va fumer un pétard, tu surveilleras ton frère en même temps.

- Non, c'est plus mon truc, les pétards. De plus, ça ne me fait rien du tout.

- Il faudrait que tu apprennes à fumer en avalant la fumée, peut-être ? Bon, allez viens, on va voir les filles !

- Non, c'est plus mon truc les filles. C'est toujours la même chose, tu dragues, elle se laisse draguer. Tu l'embrasses, elle se laisse embrasser. Tu l'as pelote, elle se laisse peloter et il va falloir attendre quinze ans pour qu'elle baise.

- Non, j'te parlais de celles qu'on paie.

- Non, c'est plus mon truc de payer. De toute façon j'n'ai pas de fric, juste la caution du grand-frère, pour le sortir du commissariat.

***

Honnêtement, si ce n'est pas malheureux, d'être déjà blasé à douze ans. Il m'aurait fallu une bonne guerre, tiens ! Ah, putain de jeunesse dorée, va !

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