La demoiselle au vélo

Elle passait souvent sur son vélo décoré d'un panier de roses. Ses roues grinçaient un peu quand elle pédalait avec ses ballerines. Sa robe blanche suivait gracieusement les mouvements de ses cuisses, et souvent, à l'arrière, des cartons tenaient en équilibre. Elle avait de magnifiques cheveux roux, qui fouettaient ses joues roses, et des yeux verts, semblables à deux émeraudes brillantes. Oui, elle était jolie.

Je la voyais passer, derrière ma caisse rutilante. Je ne la méritais pas, moi, pauvre marchand de bonbons, épicier du coin, qui essayait de maintenir sa boutique hors de l'eau avec peine. Les impôts grimpaient vite.

Elle s'arrêtait souvent devant la vitrine, passant sa langue sur ses petites lèvres cerises. Elle bavait un peu devant les sucres d'orge, les caramels mous, les nounours à la guimauve, puis repartait.

Comme si quelque chose l'empêchait d'entrer.

Un jour néanmoins, alors que j'enfournais ma main dans un bocal de fraises tagada pour les donner à un petit écolier sur le chemin de l'école, elle descendit de sa selle, posa son engin sur le mur à côté de ma vitrine salie par les doigts des enfants, épousseta sa robe en mousseline et entra. La clochette sonna, et elle essuya consciencieusement ses pieds sur le tapis. Je la fixai, comme si une déesse venait d'apparaitre. C'était presque le cas.

Elle flâna devant les étagères, s'arrêtant parfois pour coller son nez parsemé de tâches de rousseur sur le verre pour mieux voir. Puis elle vint à ma rencontre. Sa démarche était presque féline.

-Bonjour...

-Vous vous êtes enfin décidé à descendre de votre vélo pour venir admirer mes sucreries?

Elle ouvrit ses grands yeux sous l'effet de la surprise puis sourit, révélant de belles dents blanches. Un petit rire vint sortir de sa bouche.

-Que voulez-vous?

-Des sucettes, des carambars et un rendez-vous?

Je la fixai, ouvrant une bouche en o.