La femme seule

Ysabel G

"Ah ? tu es sûre que tu préfères vivre seule ?" Au ton employé et à la moue dubitative qui accompagnent cette petite phrase, on sent bien que notre interlocuteur ne nous croit absolument pas. Dans le meilleur des cas, il pense que nous cachons une vie parallèle plutôt pas avouable, dans le pire, que nous tentons de dissimuler un désert affectif total qui nous mine et nous mène droit à une profonde dépression.

Hé bien... voilà... Même si cela vous dérange, nous sommes nombreuses à aimer ça ! Vous n'imaginez certainement pas tous les petits plaisirs à la Delherm que nous savourons. Pardon ? Seule ? Ben oui... seule, justement ! Apprenez que tout n'est pas forcément meilleur quand on partage.

Et puisque nous parlons de tout cela, j'aimerais bien faire quelques petites mises au point.

J'ai bien remarqué qu'en vivant seule, les invitations se font plus rares. J'y ai réfléchi... La première hypothèse fut qu'avant, on m'invitait juste pour avoir le plaisir de recevoir mon compagnon. Hypothèse rejetée après examen (je sais bien que tout le monde n'était pas sous son charme !). Deuxième hypothèse.. Une femme seule... un danger potentiel... ce serait comme introduire le loup dans la bergerie, n'est-ce pas ? Je sais bien que je n'arriverai pas à vous rassurer, chères amies/femmes mariées et accompagnées, mais je tiens tout de même à préciser que "femme seule" n'a pas pour synonyme "femme en chasse". Qu'on se le dise !

Ah ! Tout aussi important. Vivre seule ne signifie pas avoir une vie oisive, désoeuvrée et dans l'attente d'un signe de vous. Surtout lorsque ce signe prend la forme de "J'ai besoin de quelqu'un pour garder les jumeaux ce soir, alors comme tu es seule, j'ai pensé à toi"... sous-entendu : "tu n'as aucune raison valable pour refuser, tu n'es pas attendue", voire "finalement, tu as de la chance que je t'offre l'occasion de ne pas te retrouver toute seule ce soir !".

J'ajoute que cette dernière remarque concernant ma disponibilité présumée est aussi valable pour mes employeurs qui ont bien du mal à comprendre semble-t-il lorsqu'il m'arrive de refuser les heures sup du week end ! D'ailleurs, s'ils ne me les paient pas, ce doit être parce qu'ils estiment que c'est un cadeau qu'ils me font !

Ni dépressives, ni ogresses mangeuses d'hommes, ni pénitentes recluses, nous avons seulement une vie intérieure suffisamment riche pour apprécier de passer quelques heures avec nous-mêmes.

Ce texte n'est pas tout récent, je l'ai exhumé après la lecture de celui d'Ysa "Qu'est-ce que la normalité ?". C'est un écrit solidaire (sourire)

Pour terminer, j'aimerais partager avec vous cette citation :

"En France, surtout, on confond avec entêtement femme libre et femme facile, l'idée de la facilité impliquant une absence de résistance et de contrôle, un manque, la négation même de la liberté." Simone de Beauvoir - Le Deuxième Sexe - 1949

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